Le «droit au rebond» est prévu dans l’accord de gouvernement. © BELGA/BELPRESS

Quitter son emploi et bénéficier des allocations de chômage: le droit au rebond, vraie opportunité ou piège pour les travailleurs?

Le nouveau gouvernement fédéral souhaite mettre en place le «droit au rebond». Ce mécanisme permettrait aux travailleurs de quitter leur emploi et de quand même bénéficier des allocations de chômage pendant un minimum de six mois.

C’est une idée qui traînait, sous différentes formules, dans plusieurs programmes des partis politiques: le «droit au rebond». Huit mois après les élections législatives, le nouveau gouvernement de coalition Arizona l’a acté dans son accord de gouvernement. Un travailleur qui possède dix ans d’ancienneté peut, une fois par carrière, démissionner et demander des allocations de chômage pendant six mois maximum. Le travailleur peut renouveler cette demande une fois de six mois dans le cas d’une formation réussie vers un emploi en pénurie et s’il a démarré cette formation dans le premier trimestre de l’allocation de chômage.

Actuellement, lorsqu’un travailleur démissionne, celui-ci n’a en principe pas droit au chômage, étant considéré par l’Onem (Office National de l’Emploi) comme responsable de sa perte d’emploi.

Une bonne idée?

Pour la psychologue du travail et chargée de cours à l’UCLouvain et à l’UMons, Stéphanie Delroisse, le droit au rebond est une avancée, qui permettra (s’il se concrétise) aux personnes qui rencontrent des difficultés sur leur lieu de travail d’en changer et d’éviter le «crash». «C’est une très bonne mesure de prévention. Lorsqu’on commence sa carrière, on a certains objectifs. Après un quelques années, ceux-ci changent. On se rend compte que cela nous plaît plus vraiment. Cela permet aux travailleurs de réfléchir à leur carrière et de prendre celle-ci en main.» D’autant plus que la façon de mener une carrière à l’heure actuelle est bien différente que les générations précédentes. «Aujourd’hui, on change plus souvent de travail. Et puisque c’est l’Etat qui instaure ce changement, et pas l’individu ou les entreprises, cela va permettre un changement de culture du travail», poursuit-elle.

Cela permet aux travailleurs de réfléchir à leur carrière et de prendre celle-ci en main.

Stéphanie Delroisse

Psychologue du travail

Le droit au rebond, un piège?

Un avis partagé par la CGLSB, pour qui ce «droit au rebond» est de première abord une bonne chose. Mais Olivier Valentin, secrétaire national, nuance: «Il peut y avoir des dérives. Si le travailleur prend cette décision parce que le contexte sur son lieu de travail est mauvais, qu’il y a des conflits ou des problèmes relationnels, il ne faut pas que cela devienne un refuge». Il ajoute: «Il faut un suivi presque individualisé et là, je pense que les syndicats ont un rôle à jouer pour accompagner le travailleur et déterminer du pourquoi il fait ce choix».

La CSC, quant à elle, exprime davantage de réserves. «Pour l’instant, ce n’est pas encore très concret. D’un côté, on pénalise certaines personnes qui ont cotisé toute leur vie en rendant l’accès aux allocations de chômage plus difficile et en réduisant les montants plus rapidement. De l’autre, on facilite cet accès à certains», souligne Marie-Hélène Ska, secrétaire générale.

Elle rappelle que les travailleurs disposent déjà de plusieurs mécanismes pour changer de carrière. «Il est déjà possible de prendre un congé sans solde, de passer à mi-temps pour essayer un nouveau travail, ou encore de devenir indépendant à titre complémentaire… Mais la société évolue, et peut-être que cette mesure répondra à un besoin des travailleurs. Il reste à voir comment ce mécanisme de droit au rebond sera mis en place et utilisé», conclut-elle.

Droit au rebond: l’avis des employeurs

Du côté des employeurs, c’est un peu plus négatif. Pour la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB), il est impératif que ce «droit au rebond» soit limité. «Nous n’avons jamais été favorables aux différentes propositions de loi visant à introduire un droit aux allocations en cas de démission car ces propositions s’inscrivaient dans le cadre réglementaire actuel, donc où un droit illimité aux allocations», indiquent-ils.

Néanmoins, au vu du cadre actuel, leur avis a évolué. «Si demain, le cadre est complètement revu et le droit aux allocations est effectivement limité à un maximum de deux ans, cette idée devient envisageable car elle peut contribuer à une certaine dynamisation du marché du travail. Toutefois, cette mesure doit être soutenable financièrement et exécutée en gardant le caractère ‘exceptionnel’ de ce droit aux allocations», poursuivent-ils.

Avec cette mesure, la Belgique ferait partie des rares pays européens qui ont introduit cette exception, à l’instar de la France.

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