Anne-Sophie Bailly
Si on parle travail, il faut aussi parler formation
Tradition oblige, il fut largement question de travail dans les discours politiques prononcés à l’occasion de la journée du 1er mai. On a donc parlé de ceux qui travaillent, mais aussi de ceux qui ne «veulent pas travailler», comme dans la prise de parole du Premier ministre Alexander De Croo.
Dans une allocution 100% bleue, le libéral a en effet rebondi sur la proposition du président des socialistes flamands, Conner Rousseau, de limiter dans le temps les allocations de chômage: deux ans maximum. Fini, aussi, de percevoir de l’argent sur le dos de la collectivité pour qui aurait refusé successivement plusieurs emplois proposés.
Le temps d’une journée et d’un déplacement à Blankenberge, Alexander De Croo a donc ôté son costume de Premier pour endosser celui de porte-voix des libéraux. Histoire de replacer, sur l’échiquier politique, un Open VLD en perte de vitesse comme étant le «vrai parti des travailleurs», celui de «la classe moyenne active», celui «des personnes qui veulent faire quelque chose de leur vie».
Derrière cette charge d’Alexander De Croo contre «ceux qui se croisent les bras», un message sous-jacent basique: si on supprime leurs allocations, les chômeurs de longue durée n’auront d’autre choix que de reprendre le chemin du travail et de contribuer à améliorer le taux d’emploi. CQFD.
Mais ce raisonnement se heurte rapidement à la réalité des chiffres.
L’objectif moult fois martelé de la Vivaldi est de porter le taux d’emploi, qui était de 71,9% fin 2022, à 80% d’ici à la fin de la législature. Autrement dit: remettre 540 000 personnes au travail.
De fait, des gens passifs jusqu’ici pourraient probablement être réactivés par la crainte de perdre leur source de revenus. Mais aujourd’hui, en Belgique, quelque 300 000 personnes bénéficient d’allocations de chômage, la moitié d’entre elles depuis plus de deux ans. Et à en croire les différentes études sur la question, seule une partie restreinte de ce pourcentage réintégrerait effectivement le marché du travail sous la pression. Cinq pour cent, 10% de ces 150 000 allocataires? Difficile à prédire. Mais en tout état de cause, un nombre qui restera très éloigné de 540 000.
Car, et c’est une autre réalité chiffrée: la limitation ou la suppression des allocations se traduit inexorablement par un déplacement de la case chômage vers celle du CPAS, où le montant perçu ne diffère qu’à la marge. Des CPAS déjà exsangues financièrement et moralement à bout.
Si le discours d’Alexander De Croo se heurte à la réalité des chiffres, il passe aussi sous silence une réalité pourtant incontournable: celle du taux d’inactifs dans le pays, soit 24% de la population. Un pourcentage qui chapeaute des malades de longue durée, les prépensionnés et ceux qui restent au foyer.
Alors oui, il faut parler travail. Et donc aussi pénibilité, prévention de burn-out, emplois porteurs de sens, flexibilité, formation, accompagnement. De même que budget pour financer tout cela.
Mais ces termes-là ont brillé par leur absence.
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