
Licencier plus rapidement les malades de longue durée: «On peut aussi se demander s’il est encore utile de rester chez cet employeur»
Le contrat de travail des malades de longue durée pourra bientôt être rompu après seulement six mois. «Avec cette mesure, on veut remettre les gens au travail aussi vite que possible», explique Inger De Wilde, experte en droit du travail et de la sécurité sociale. «Si cela n’est pas possible chez leur employeur actuel, alors peut-être chez un autre.»
Bientôt, la procédure permettant de rompre le contrat de travail de salariés malades de longue durée pour cause de force majeure médicale pourra être entamée après seulement six mois d’incapacité de travail ininterrompue. Avec cela, le gouvernement De Wever réduit le délai de trois mois. La mesure entrera en vigueur dès que la loi-programme Travail aura reçu le feu vert du Parlement.
«La rupture pour raisons médicales suscite la polémique depuis des années», explique Inger De Wilde, avocate et experte en droit du travail et de la sécurité sociale (UGent). Elle souligne qu’elle considère la mesure de manière nuancée et croit qu’elle pourrait aussi avoir un effet positif. «Pour de nombreux travailleurs malades de longue durée, il est évidemment peu réjouissant de constater que les employeurs peuvent mettre fin immédiatement à leur contrat de travail sans devoir verser aucune indemnité, précise-t-elle. Il s’agit souvent de personnes déjà dans une situation précaire, précisément à cause de leur maladie de longue durée.» En Belgique, plus d’un demi-million de personnes sont atteintes d’une maladie de longue durée. Plus d’un tiers d’entre elles (37%) souffrent de troubles psychiques, comme une dépression ou un burn-out.
Mais il existe aussi un autre aspect à l’histoire. «S’il n’existe aucune possibilité de réintégration, d’emploi adapté ou d’autre travail auprès de l’employeur actuel, alors il faut oser se poser la question: est-il encore pertinent de maintenir un contrat de travail avec cet employeur?»
Jusqu’en 2022, la possibilité de licenciement pour force majeure médicale était liée au déroulement d’un trajet de réintégration. Du point de vue de la réintégration, cela n’était pas idéal, car la recherche d’un emploi adapté était associée à une éventuelle rupture du contrat. Fin 2022, la procédure du trajet de réintégration et celle de la force majeure médicale ont été dissociées. La procédure spécifique de force majeure médicale pouvait être entamée dès qu’un travailleur était en incapacité de travail depuis neuf mois.
Employeurs comme travailleurs peuvent mettre fin au contrat de travail pour cause de force majeure médicale. Mais les chiffres montrent que ce sont principalement les employeurs qui utilisent cette mesure. En 2023, dans sept cas sur dix, c’est l’employeur qui avait introduit la demande de rupture pour force majeure médicale. Dans seulement trois cas sur dix, c’est le travailleur qui avait pris l’initiative.
«Une rupture pour force majeure médicale n’est possible que si le travailleur est déclaré définitivement inapte au travail par un médecin indépendant.»
Inger De Wilde
Avocate et experte en droit du travail et de la sécurité sociale (UGent)
«Une rupture pour force majeure médicale n’est possible que si le travailleur est déclaré définitivement inapte au travail par un médecin indépendant, nuance Inger De Wilde. Cela signifie que le travailleur ne peut exercer ni un emploi adapté ni un autre travail, ou qu’il n’en a pas fait la demande. L’employeur ne peut donc pas décider unilatéralement de l’inaptitude définitive.»
Que veut obtenir le gouvernement De Wever avec cette mesure?
Inger De Wilde: Le gouvernement veut mettre davantage l’accent sur la responsabilisation, donc sur l’activation et la réintégration des travailleurs. En ce sens, tant les employeurs que les travailleurs seront davantage rappelés à leurs responsabilités. Parfois, il est immédiatement évident que quelqu’un est définitivement inapte à exercer une certaine fonction. Dans ce cas, la question se pose de savoir quelle est l’utilité de laisser quelqu’un en incapacité de travail ininterrompue pendant encore neuf mois avant de pouvoir entamer la procédure de résiliation pour cause de force majeure médicale. Avec cette mesure, l’objectif est de remettre les gens au travail aussi rapidement que possible. Si cela n’est pas possible auprès de leur propre employeur, peut-être alors auprès d’un autre. En raccourcissant la période de neuf à six mois, on veut intervenir plus rapidement.
La mesure n’est pas obligatoire. Quels éléments déterminent si les employeurs y auront recours?
Il s’agit toujours d’une décision humaine. Supposons que quelqu’un suive un traitement contre le cancer, alors de nombreux employeurs voudront attendre que ce travailleur aille mieux et ensuite envisager ce qui est possible: un travail adapté ou un autre emploi. Mais si un employeur ne perçoit aucune volonté chez le travailleur d’accepter un travail adapté ou différent, je peux imaginer que l’employeur veuille, à un certain moment, rompre le lien juridique.
Que se passe-t-il pour les personnes qui perdent leur emploi pour cause de force majeure médicale?
En principe, elles ne sont pas abandonnées à leur sort. Elles suivent ce qu’on appelle une réintégration socioprofessionnelle avec un coordinateur «retour au travail» via la mutualité. Ce parcours accompagne les personnes dans leur retour sur le marché de l’emploi dans un autre type de poste ou les oriente vers une formation. Cela peut avoir un effet positif.
Pensez par exemple à une aide-ménagère qui ne peut plus effectuer de travail sollicitant le dos, mais qui peut parfaitement se réorienter vers une fonction administrative. Elle peut alors suivre un parcours de formation pour se reconvertir professionnellement. Nous avons tout intérêt à ce que les personnes retrouvent un emploi aussi rapidement que possible. Car le coût des allocations pour les invalides de longue durée est supporté par la sécurité sociale. Et nous voulons utiliser ces ressources rares aussi efficacement que possible en tant que société.
Combien de malades de longue durée sont concernées?
En 2023, une décision a été prise dans le cadre d’une procédure de force majeure médicale pour environ 23.000 travailleurs en incapacité de travail de longue durée. Parmi ce groupe, trois travailleurs sur quatre ont été déclarés définitivement inaptes à exercer leur fonction convenue par un médecin indépendant. Ces chiffres témoignent d’une certaine rigueur de la part des employeurs. De plus, 90% des travailleurs définitivement inaptes ne demandent pas à exercer un travail adapté ou différent. Cela indique à son tour une certaine résignation, sans doute parce que des discussions ont déjà eu lieu entre le supérieur hiérarchique et le travailleur avant que la procédure formelle ne soit entamée.
«Les parcours ne doivent pas non plus être inutilement prolongés. Il faut pouvoir rapidement passer à une réorientation professionnelle chez un autre employeur ou dans un autre secteur.»
Inger De Wilde
Avocate et experte en droit du travail et de la sécurité sociale (UGent)
Les syndicats sont critiques à l’égard de cette nouvelle mesure. Ils craignent que la réduction du délai ait un impact négatif sur la motivation de l’employeur à prévoir un travail adapté ou différent. Ils estiment également que six mois, c’est trop court pour donner une réelle chance à la guérison et à la réintégration des travailleurs.
Je comprends les préoccupations des syndicats, mais beaucoup dépend de la manière dont l’employeur gère l’incapacité de travail. La réduction du délai de neuf à six mois ne motivera ni ne responsabilisera davantage un employeur qui ne souhaite pas réintégrer les travailleurs en incapacité de travail. L’accent doit être mis sur un climat positif autour de la réintégration des malades de longue durée, mais les parcours ne doivent pas non plus être inutilement prolongés. Il faut pouvoir rapidement passer à une réorientation professionnelle chez un autre employeur ou dans un autre secteur dès qu’il s’avère que le travail adapté ou différent chez l’employeur actuel n’est pas possible.
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