« L’Open VLD est schizophrène »: travailler 48 heures par semaine, le pavé libéral dans la mare syndicale
La réponse du berger à la bergère. Quinze jours après la sortie de Paul Magnette sur la réduction du temps de travail hebdomadaire à 32 heures, l’Open VLD riposte. Avec une proposition aux antipodes des idéaux socialistes : une semaine de 48 heures.
L’emploi sera au cœur de la campagne électorale, écrivions-nous le mois dernier. Les surenchères politiques de la quinzaine écoulée semblent confirmer cette humble prédiction. C’est Paul Magnette qui a dégainé le premier. Le 18 février, à l’occasion du congrès du PS, le candidat au « Seize » a rappelé son ambition de réduire le temps de travail à 32 heures par semaine, à salaire inchangé. Une proposition aux accents rouge vif qui, sans surprise, a fait bondir les employeurs. La réplique de l’Open VLD, fidèle défenseur des patrons flamands, ne s’est pas faite attendre. Mercredi, par la voix de leur député Vincent Van Quickenborne, les libéraux ont ainsi plaidé pour une semaine de 48 heures.
Concrètement, le projet de loi porté par l’ex-ministre de la Justice entend faire sauter le plafond des heures supplémentaires, actuellement fixé à 100 par an. Et d’ainsi faire de la directive européenne limitant le nombre d’heures prestées à 48 par semaine, la nouvelle norme belge. « Une personne qui travaille actuellement 38 heures par semaine peut faire 10 semaines d’heures supplémentaires. Ensuite, c’est terminé pour l’année, ce qui est étrange compte tenu de la pénurie sur le marché du travail », regrette le libéral. Ces heures supplémentaires – effectuées sur base volontaire – seraient totalement exonérées d’impôts sur le revenu et de cotisations sociales. Une manière, selon Van Quickenborne, d’ éviter également la concurrence avec les flexi-jobs, « financièrement beaucoup plus intéressants».
Pénurie et flexibilité
Avec sa proposition, l’Open VLD vole ainsi au secours du patronat, en tentant de lui apporter des réponses à deux défis colossaux : la pénurie de main d’œuvre et un besoin accru en flexibilité. « Ce manque de personnel, surtout observé au nord du pays, est dû à un mis match qualificationnel et géographique entre l’offre et la demande d’emploi », rappelle Vincent Vandenberghe, professeur d’économie à l’UCLouvain. Grossièrement résumé : les chômeurs, majoritairement bruxellois ou issus des anciens bassins industriels wallons, ne sont pas suffisamment formés pour les postes spécialisés qui peinent à trouver preneurs dans les entreprises flamandes. « L’Open VLD postule donc que les employeurs préfèreraient faire travailler davantage leurs employés qualifiés, grâce aux heures supplémentaires, plutôt que d’essayer de recruter ailleurs. »
Une vision qui ne permettrait pas d’atteindre le seuil fatidique des 80% de taux d’emploi, une ambition pourtant longtemps nourrie par la Vivaldi. Le projet de loi libéral répondrait toutefois aux variations de volume d’activité des entreprises, bien plus fluctuant qu’il y a 50 ans. « Pour faire face à certains pics d’activité, les employeurs ont besoin de davantage de flexibilité, assure l’expert de l’UCLouvain. Cela passe notamment par la redéfinition des horaires de travail. »
« C’est écrit dans les astres »
Un constat partagé par la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB), qui salue la proposition de l’Open VLD. « Prenons une entreprise qui produit des glaces. Sa demande intervient surtout durant les mois d’été, mais moins en hiver, illustre l’administrateur-délégué de la FEB, Pieter Timmermans. On pourrait donc envisager, en mai, juin ou juillet d’autoriser des semaines de 45 ou 48 heures pour répondre à cette demande. » Et de rappeler : « Tous les employés belges ne devront évidemment pas travailler 48 heures par semaine. Ça ne se fera pas dans toutes les entreprises. Mais envisager cette possibilité répondrait à nos besoins de flexibilité. »
Logiquement, dans les rangs syndicaux, la proposition libérale est accueillie plus froidement. A commencer par la FGTB. Pour le président Thierry Bodson, la sortie de l’Open VLD est « provocatrice, pour ne pas dire inefficace » et va à l’encontre du « cours de l’histoire ». « La réduction collective du temps de travail, elle aura forcément lieu dans les années à venir, tranche le syndicaliste. C’est écrit dans les astres, pour tout un tas de raisons : les gains de productivité, la création d’emplois de qualité, les enjeux climatiques, etc. » Pour le président du syndicat socialiste, la réponse aux pénuries de main d’œuvre ne doit pas passer par l’accroissement de la flexibilité ou des heures supplémentaires.
« Paradoxal »
Une vision partagée par la CGSLB, qui plaide au contraire pour davantage de formation, des conditions de travail attractives et, surtout, une attention accrue à la santé et à la sécurité des travailleurs. Sans pour autant adhérer à la semaine de 32 heures plaidée par Paul Magnette. « Arrêtons avec ce genre de propositions qui n’ont pour objectif que de faire parler d’elles, mais concentrons-nous sur la réalité quotidienne des employés », tranche Olivier Valentin, secrétaire national du syndicat libéral. « Ces deux propositions, lancées à 15 jours d’intervalle, nous laissent complètement perplexes. On se demande sur quelle planète vivent ces partis politiques, d’un côté comme de l’autre. »
L’argument de la concurrence aux flexi jobs avancé par Van Quickenborne cabre particulièrement les syndicats. Car les libéraux flamands eux-mêmes sont à l’origine de la création de ces flexi jobs et du recours facilité aux jobs étudiants, rappelle Vincent Vandenberghe. « L’Open VLD est schizophrène, tranche Olivier Valentin. C’est extrêmement paradoxal de justifier cette proposition de la sorte. » Et Thierry Bodson de conclure : « Qui sème le vent, récolte la tempête ».
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