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Les femmes au foyer dans le collimateur des hommes politiques

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

En Flandre, les propos du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) sur les femmes au foyer « qui ne veulent pas travailler », et en particulier celles qui sont issues de l’immigration, continuent à faire polémique. « On dirait qu’il n’a pas compris la situation ».

« Pour moi, les femmes peuvent rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants, mais pas aux frais de la société. Il n’est plus acceptable que leurs partenaires reçoivent des allocations de chômage plus élevées parce qu’elles sont femmes au foyer et ne veulent pas travailler », déclarait le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD)  au quotidien De Morgen, le 14 août dernier.

« Il faut appeler un chat un chat : la plupart des femmes au foyer sont d’origine immigrée. Si elles ne travaillent pas, c’est en partie à cause du racisme et du manque d’éducation, et en partie à cause de leur culture. Dans les années 50, cette culture de la femme au foyer existait aussi ici. Il faut que cela change, le taux d’activité des personnes issues de l’immigration est beaucoup trop faible. Nous devons mobiliser ces personnes et les encourager financièrement. Qu’elles travaillent dans des garderies ! Elles pourront amener leurs propres enfants »,  ajoutait-il.

Un énorme réservoir

En juillet dernier, le ministre de la Justice avait déjà mis l’activation des femmes au foyer sur la table. Le libéral flamand souhaite que le gouvernement fédéral réduise les allocations de chômage pour le cohabitant avec charge de famille (anciennement appelé « chef de ménage »). Actuellement, celles-ci s’élèvent principalement à 60% du dernier salaire, mais les libéraux flamands voudraient les faire baisser à 55%. « Nous devons activer ces personnes. Il y a là un énorme réservoir, de quelque 50.000 personnes ».

Sur Instagram, la coprésidente de Groen, Nadia Naji, explique au ministre pourquoi il y a tant de femmes au foyer en Belgique. « Après Conner Rousseau, Vincent Van Quickenborne trouve maintenant aussi que les femmes au foyer, et certainement celles qui sont issues de l’immigration, profitent trop de la société. (…) On dirait qu’ils n’ont pas compris la situation. (…) Outre la raison évidente qu’il peut être satisfaisant de s’occuper de la future génération, il y a tout simplement trop peu de garderies abordables pour les enfants». L’écologiste rappelle que l’Open VLD, le parti de Vincent Van Quickenborne est membre du gouvernement flamand, responsable de la crise d’accueil l’enfant. « Résolvez la crise de garderie. Et cherchez un autre bouc émissaire. J’ai été élevée par une femme foyer. C’était un travail dur et impayé. Les soins sont d’une valeur inestimable. Laissez les femmes, qui se chargent d’ailleurs toujours de la plus grande partie des soins, tranquilles ».

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Pour l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, il est également essentiel de miser sur un système de garde d’enfants accessible financièrement. Il faut que les femmes qui ont arrêté de travailler de façon rémunérée pour s’occuper de leurs enfants (ce qui est aussi un travail mais non rémunéré) aient les moyens. Il faut des systèmes de garde d’enfants accessibles financièrement.  Il faut aussi que le différentiel au niveau du salaire soit suffisant, aujourd’hui certains salaires, en particulier de femmes, sont tout simplement trop bas. Et puis de manière générale, il faut que les mentalités évoluent. La parentalité des travailleurs et travailleuses doit être davantage considérée et valorisée. L’égalité entre les femmes et les hommes au niveau de la prise en charge des tâches ménagères doit aussi être renforcée. Aujourd’hui les femmes portent la majorité de ces tâches et c’est trop. Quand on y réfléchit, les demandes de la société à l’égard des femmes sont tout simplement irréalistes. Les femmes sont d’ailleurs surreprésentées dans les burn out qui explosent« , déplore la porte-parole.

« Madame reste à la maison »

Vincent Van Quickenborne n’est effectivement pas le premier homme politique à vouloir activer les femmes au foyer. En avril dernier, le ministre bruxellois de l’Emploi et de la Formation Bernard Clerfayt (Défi) avait suscité un tollé en affirmant sur LN24 qu’ « il y a encore beaucoup de femmes en Région bruxelloise qui sont dans un modèle méditerranéen. C’est un modèle méditerranéen du modèle familial où c’est monsieur qui travaille et madame qui reste à la maison. »

A la même période, le président de Vooruit Conner Rousseau s’était également attiré les foudres de femmes au foyer en déclarant dans le quotidien Het Nieuwsblad que « tout le monde qui peut travailler doit faire sa part ». « Une femme au foyer conduit également sur nos routes, ses enfants vont dans nos écoles et s’ils sont malades, elle peut également compter sur notre système de soins de santé », avait-il déclaré.

Anouk Meier, mère de deux enfants, entrepreneuse, et future auteure d’un livre sur l’emploi du temps des femmes, plaide pour un système qui soutienne les femmes plutôt que de les enfoncer. « Les femmes sont épuisées, fatiguées, vidées. Elles n’ont pas besoin que des hommes politiques viennent leur dire ce qu’elles peuvent ou ne peuvent pas faire. Elles ont besoin de respect, de reconnaissance et d’un système qui les soutienne au lieu de les enfoncer encore plus », écrit-elle dans une opinion parue dans le quotidien De Morgen.

Taux d’emploi

En mars dernier, Statbel, l’office belge de statistique, a étudié le taux d’emploi des femmes et des hommes âgés de 25 à 49 ans selon le nombre d’enfants âgés de 16 ans ou moins. En 2021, celui-ci était respectivement de 77,8% pour les femmes et de 84,9% pour les hommes, un écart qui reste important, mais qui se comble depuis 1986 où il s’élevait à 37,0 points de pourcentage. L’âge du plus jeune enfant a peu d’influence sur le taux d’emploi des hommes, mais les femmes travaillent plus souvent quand l’enfant est âgé de 6 ans ou plus.

Le taux d’emploi demeure plus faible parmi les personnes d’origine étrangère extérieure à l’UE, et plus spécifiquement d’Afrique du Nord, l’Afrique subsaharienne et les pays candidats à l’adhésion à l’UE (principalement la Turquie). « Si la participation au marché du travail des femmes âgées de 15 à 64 ans originaires d’Afrique du Nord ou d’un pays candidat à l’adhésion à l’UE a augmenté par rapport à il y a 20 ans, moins de 40 % d’entre elles en moyenne occupaient un emploi durant la période 2020-2021-2022 », analyse Statbel. En revanche, le taux d’emploi est un peu plus élevé pour les femmes originaires d’Afrique subsaharienne, puisque 52,0 % d’entre elles travaillent.

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