Hausse du prix des titres-services en janvier 2025: «Il faut bien réaliser que c’est dérisoire»
Le secteur des titres-services reste financièrement fragile. La hausse du prix du titre-service de 20 centimes, pour atteindre 10,20 euros en Wallonie, ne suffira pas à redonner de l’air aux aide-ménagères, ni aux entreprises qui les emploient.
Le titre-service coûtera un peu plus cher aux utilisateurs dès ce 1er janvier 2025. Le prix passera en Wallonie de 10 à 10,2 euros par titre-service pour les 175 premiers commandés, puis de 11 à 11,2 euros jusqu’au 400e et de 12 à 12,2 euros jusqu’au 500e, par année civile et par personne. Les ménages peuvent en obtenir deux fois plus aux prix susmentionnés.
Cette indexation intervient après la hausse d’un euro du 1er janvier 2024, qui avait fait passer la valeur faciale du titre-service de 9 à 10 euros. Elle s’inscrit dans une réforme plus large menée en Wallonie, visant à assurer la viabilité financière du système des titres-services. Selon cette réforme, à partir du 1er janvier prochain, ce montant pourra être indexé deux fois par an, en janvier et juillet, en fonction de l’inflation.
Avant ces augmentations plus rapprochées, le prix des titres-services était resté très stable pendant de nombreuses années. Mais le secteur étouffe. Les concentrations de sociétés se sont poursuivies ces dernières années. Les entreprises de titres-services seraient encore un peu plus de 800 actives au sud du pays, employant environ 47.000 aide-ménagères, très majoritairement féminines.
Le secteur reste largement dépendant de la Région wallonne, puisque chaque titre-service échangé permet d’obtenir environ 30 euros pour l’entreprise, à charge des pouvoirs publics. «Vu la situation financière de la Wallonie et le resserrement budgétaire généralisé, quelles perspectives reste-t-il pour le secteur dans ces conditions?», s’interroge Thierry Devillez, directeur Wallonie-Bruxelles de Federgon.
La fédération patronale, qui représente notamment les entreprises de titres-services, dévoilait via une étude que plus d’une société sur trois était déficitaires fin 2023. L’indexation permise est donc accueillie positivement, même s’il faut la remettre dans son contexte. «Vingt centimes, il faut bien réaliser que c’est dérisoire. En mettant ça en perspective avec l’indexation des salaires et des coûts, ça ne mène nulle part. Il faut donc clairement une réforme plus large pour assurer la viabilité du secteur.»
Éviter le retour du travail au noir
Aujourd’hui, plus de 1,2 million de ménages belges ont recours à une aide-ménagère et utilisent les titres-services, dont environ 300.000 utilisateurs en Wallonie. Pour fonctionner et atteindre ses objectifs, dont la diminution du travail au noir et offrir une série de droits sociaux aux travailleuses du secteur, celui-ci n’a guère d’autre choix que d’augmenter la contribution des utilisateurs. Mais avec parcimonie, sous peine de louper le premier objectif.
Quel prix faudrait-il faire payer aux utilisateurs pour atteindre un équilibre? «C’est la vraie question, reconnaît Thierry Devillez. Augmenter trop fortement le prix, c’est favoriser le glissement vers du travail au noir. Il y a un vrai travail de pédagogie à faire auprès des clients, pour les encourager à soutenir une forme de travail déclaré, plus sécurisé, qui permet de cotiser pour la pension des aide-ménagères, qui leur permet d’avoir une assurance en cas d’accident, de les couvrir pour les maladies, les absences, etc. Si quelqu’un est prêt à payer 10 euros pour un mauvais sandwich et une boisson sur l’autoroute, il doit pouvoir mettre plus que ça pour payer le salaire de quelqu’un.»
Federgon s’est félicité du jugement du Conseil d’Etat, rendu en octobre dernier, suspendant l’interdiction de facturer des frais supplémentaires aux clients des titres-services. Mais la décision reviendra sur la table et est loin d’être suffisante. L’organisation plaide donc pour une augmentation du prix du titre-service de 5 euros, dont la répartition exacte entre les différentes parties reste à définir via la concertation sociale.
Revaloriser les aide-ménagères, pas les sociétés
Du côté syndical, le ton reste morose. L’augmentation du prix du titre-service doit revenir intégralement aux aide-ménagère, plaident à l’unisson la FGTB et la CSC. Les deux organisations rappellent que la Flandre, qui a également augmenté le prix des titres-services d’un euro, a tranché en faveur des aide-ménagères, leur accordant intégralement ce supplément, alors que Bruxelles et la Wallonie ont laissé la main au secteur.
L’augmentation de 20 centimes qui interviendra au 1er janvier 2025 doit donc également se faire aux bénéfices des employées du secteur, exigent les deux syndicats. «Il est hors de question que cet argent serve à autre chose qu’à améliorer les conditions de travail des aide-ménagères. Les 20 plus grandes entreprises du secteur ont réalisé ensemble pas moins de 50 millions d’euros de bénéfices en 2023 et 75 % de ces bénéfices ont été directement versés aux actionnaires», dénonce la FGTB.
«Selon nos calculs, 88% des sociétés de titres-services font des bénéfices, renchérit Kris Vanautgaerden, secrétaire national de la CSC Alimentation et Services. Nous ne sommes pas contre les frais supplémentaires qu’elles demandent aux clients, mais le manque de visibilité sur ce qui est fait de l’argent pose des questions. Si cela sert au final à améliorer les conditions de travail des aide-ménagères, c’est évidemment une bonne chose. Si c’est pour maximiser les bénéfices et reverser plus de dividendes, personne n’en veut. Nous pouvons malgré tout nous entendre sur un point avec le monde patronal, concernant le besoin de réformer plus largement le secteur. Car les petites mesures ou les augmentations prévues, de 20 cents en Wallonie ou un euro en Flandre, ne changent rien fondamentalement au milieu des titres-services, dont il faut assurer la pérennité pour éviter de pousser les gens vers le travail non déclaré.»
À plus long-terme, le syndicat chrétien espère une revalorisation plus importante du salaire des aide-ménagères, pour atteindre celui des employés dans le secteur du nettoyage en entreprise, dont le métier est très proche. «Mais l’utilisateur des titres-services doit se demander combien il est prêt à payer, nous savons que c’est une question délicate», reconnaît le syndicaliste.
Au cours d’une action menée ce mercredi, FGTB et CSC ont rappelé l’extrême pénibilité du métier des travailleuses du secteur des titres-services, «tout en étant faisant partie des trois professions les moins bien rémunérées». Dans un communiqué, les syndicats continuent d’appeler les employeurs du secteur «à investir davantage dans la prévention et dans une politique de bien-être coordonnée, afin d’éviter que leur personnel ne tombe malade à cause du travail.»
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