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Faut-il mettre fin à la hausse des salaires selon l’ancienneté ?

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Six Belges sur dix souhaitent que l’ancienneté soit l’élément le plus déterminant dans le salaire, selon une enquête de l’entreprise de services RH Acerta.

La politique salariale associée à l’ancienneté semble inquiéter de plus en plus d’employeurs. Faut-il s’en préoccuper?

Si certains surévaluent l’ampleur des conséquences qu’elle peut avoir, il est pertinent de la questionner. Avant 2009, on avait carrément des barèmes à l’âge, ce qui s’avérait discriminatoire face à l’expérience acquise. L’ancienneté n’est toutefois pas perçue de la même manière. Là où des employeurs considèrent qu’elle vaut uniquement dans leur entreprise, d’autres sont prêts à entendre qu’elle concerne les années passées dans le secteur. Dans beaucoup de cas, le salaire minimal augmente pendant 20, 25 ans, voire au-delà, mais de manière modérée. Il est vrai, dans une certaine limite, de dire que les travailleurs plus âgés coûtent plus cher. Mais dans un contexte où l’Europe et les gouvernements veulent augmenter le taux d’emploi des plus de 55 ans, le salaire n’est pas nécessairement l’élément le plus déterminant.

« Il pourrait être opportun de lisser les barèmes et recourir à des primes variables avec un coefficient lié à l’âge. »

Olivier Marcq

Quels sont les autres facteurs?

Comme le montrent les manifestations contre le recul de l’âge de la retraite en France, il y a ce message très présent dans les médias selon lequel il n’est pas normal de garder tout le monde à l’emploi aussi tard. Alors que le travailleur entend cela, il constate parfois que son entreprise n’accompagne pas le changement comme il se doit et vient avec des pieds de plomb. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles certains employeurs sont réticents à l’idée de garder ou d’engager des travailleurs plus âgés, avant même la question du salaire. Dans les derniers sondages, il apparaît qu’encore 15% des employeurs invoquent la faible motivation, le manque d’adaptation ou le risque de tomber malade des plus de 55 ans, en particulier pour les travaux manuels. Il reste encore beaucoup de stéréotypes.

Est-il tout de même nécessaire de revoir les barèmes, afin de tenir compte de l’effet de l’allongement du temps de carrière sur la masse salariale?

Il faut que les mentalités évoluent. Changer les barèmes, cela relève de négociations sectorielles entre syndicats et fédérations patronales. Dans l’enquête que nous avons réalisée, il apparaît que six travailleurs sur dix sont attachés à l’ancienneté de leur barème. Comme quand on choisit un contrat d’énergie à prix fixe, cela procure de la sécurité.

La politique salariale pourrait-elle, dans le même temps, se conformer aux besoins financiers en moyenne plus élevés durant les premières années de carrière d’un travailleur?

On le sait, c’est quand on achète une maison ou quand on a des enfants que l’on a particulièrement besoin d’argent. On constate déjà certains changements. Le secteur des soins de santé, par exemple, a adopté les barèmes IFIC (NDLR: du nom de l’Institut de classification de fonctions). Ils se traduisent notamment par une augmentation du salaire des plus jeunes. En matière de recrutement, on observe aussi que les jeunes sont plus mouvants, en particulier dans les secteurs en pénurie, et qu’ils n’hésitent pas à prétendre d’emblée à un barème plus élevé. Mais si l’attachement des travailleurs à l’ancienneté s’oppose à la productivité que regarde davantage l’employeur, il pourrait être opportun de lisser les barèmes et de recourir à des primes variables, avec un coefficient lié à l’âge.

Faut-il renforcer les dispositifs de mobilité au travail, y compris au bénéfice des plus de 55 ans, vu les problèmes du taux d’emploi?

Les employeurs d’une certaine taille doivent déjà prévoir des entretiens avec leurs travailleurs sur le sujet. Dans le secteur public, on parle de plus en plus de carrières mixtes. Un militaire n’étant plus opérationnel pourrait travailler par la suite dans une administration, par exemple. Chez Acerta, nous avons lancé le principe du Bridge, que des collègues testent dans l’enseignement flamand: si on manque de professeurs, certains travailleurs plus âgés pourraient enseigner dans des matières qu’ils connaissent, ce qui dégagerait une partie du salaire pour l’employeur. On a déjà essayé de procéder de la sorte dans le secteur bancaire quand des sections ferment. Restent les options du crédit-temps de fin de carrière et les réductions de cotisations patronales à l’ONSS. Même si les conditions d’octroi sont de plus en plus limitées, il sera peut-être moins cher pour l’Etat de réélargir de telles possibilités. Tout ce qui peut contribuer à l’allègement du salaire ou de la charge de travail est le bienvenu.

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