Le 8 mai, bientôt un jour férié pour tous les Belges?
Le 8 mai pourrait-il redevenir un jour férié en Belgique? Plusieurs organisations et partis politiques plaident en ce sens, évoquant un « devoir de mémoire » pour lutter contre l’extrême droite. Mais les coûts salariaux qu’engendreraient ce onzième jour férié rémunéré freinent le patronat.
Qui n’a pas de mémoire n’a pas d’avenir. » C’est par ces mots que la Coalition 8 mai, regroupant syndicats et multiples acteurs issus de la société civile, appelle à refaire du 8 mai un jour férié légal en Belgique. Cette année, à travers son action « Libres le 8 mai », le monde culturel flamand se joint également à la mobilisation en organisant des débats et des représentations dans plusieurs théâtres du pays. L’objectif de ces mouvements citoyens ? Commémorer la victoire contre l’Allemagne nazie, le 8 mai 1945, et célébrer la libération. « Pour se souvenir, pour mettre en garde, pour défendre (…) Pour que jeunes et moins jeunes puissent voir où peut mener la haine et quelle bête immonde est le fascisme. » Une manière également d’alerter sur la montée de l’extrême droite aux quatre coins de l’Europe, notamment en Flandre. « Les mouvements d’extrême droite reviennent, d’abord en pantoufles, mais on entendra bientôt de nouveau le bruit des bottes », s’inquiète la Coalition.
Un appel soutenu par le PTB et les socialistes
Pour rappel, alors que le 8 mai est un jour férié dans plusieurs pays européens, notamment en France, la Belgique a décidé en 1983 de supprimer cette journée de congé jusqu’alors octroyée aux écoles et aux administrations. Un retour en arrière est-il envisageable ? Dans les rangs politiques, plusieurs voix se sont récemment élevées pour mettre la question sur la table. A commencer par le PTB, qui a déposé une proposition de loi en ce sens en mai 2022. Selon le député et ex-président de parti Peter Martens, instaurer un jour férié légal le 8 mai octroierait « davantage de temps pour se souvenir de cette page noire de notre histoire et pour en tirer les leçons pour l’avenir ».
« Les mouvements d’extrême droite reviennent, d’abord en pantoufles, mais on entendra bientôt de nouveau le bruit des bottes »
Un constat partagé par le PS et Vooruit, qui ont déposé une proposition de loi similaire en juin 2022. A une nuance près : la famille socialiste plaide pour refaire du 8 mai un jour férié seulement une fois tous les cinq ans, et ce, à partir de 2025. « Cela nous semble nécessaire pour entretenir le souvenir des victimes et pour redire ‘plus jamais ça’ », peut-on lire dans le texte remis à la Chambre.
Le 8 mai, férié pour tous les Bruxellois?
Jusqu’ici, les appels du PTB et des socialistes sont restés lettre morte. Le point ne figurant pas dans l’accord du gouvernement, il semble quasi exclu de le voir aboutir avant la fin de la législature. Mais une alternative existe. Le texte sur lequel s’est accordée la Vivaldi en octobre 2020 stipule, par contre, que « les entités fédérées auront la possibilité de transformer leur jour férié en congé payé. » Les Bruxellois, qui célèbrent la fête de l’Iris le 8 mai, pourraient ainsi se voir octroyer un jour de congé payé à cette date, comme c’est déjà le cas pour les fonctionnaires régionaux.
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Au printemps dernier, le ministre fédéral du Travail, Pierre-Yves Dermagne (PS), avait pris les devants pour mettre en œuvre ce point de l’accord du gouvernement. Un courrier avait été adressé aux Régions pour connaître leurs intentions. Rapidement, l’exécutif bruxellois s’était accordé sur le 8 mai, alors que la Flandre avait opté pour un congé payé le 11 juillet, jour de la fête de la Communauté flamande. Un an plus tard, la question reste par contre toujours en suspens côté wallon, la date du 27 septembre ne faisant pas l’unanimité. « Les discussions sont toujours en cours », confirme le cabinet du ministre-président Elio Di Rupo (PS).
Un refus catégorique du patronat
Sans réponse de la Wallonie, le projet d’arrêté royal du ministre Dermagne fait du sur-place. Un statu quo qui pourrait toutefois arranger le fédéral, car il éviterait un énième déchirement dans les rangs des partenaires sociaux. Sans surprise, syndicats et patronat peinent à accorder leurs violons. Pour les défenseurs des travailleurs, l’introduction d’un jour férié rémunéré supplémentaire constituerait un « beau geste », au regard des efforts consentis par les travailleurs afin de continuer « à faire tourner nos entreprises et l’économie », notamment durant la crise du coronavirus. En outre, cette disposition permettrait de « combler le retard de la Belgique en matière de jours fériés » par rapport à ses pays voisins. Avec 10 jours fériés chômés annuels, la Belgique fait en effet bien moins que la moyenne européenne.
Du côté des employeurs, on s’inquiète du prix à payer. L’accord de gouvernement prévoit que ce congé puisse être octroyé « sans coût budgétaire supplémentaire ». Renseignements pris, il faut comprendre « sans coût supplémentaire pour l’Etat ». Les entreprises, elles, devront payer l’addition. Selon des calculs réalisés par les employeurs siégeant au Conseil National du Travail (CNT), l’introduction d’un onzième jour férié légal entraînerait une augmentation du coût salarial horaire de 0,45 %. Dans un contexte d’inflation généralisée et d’explosion des coûts salariaux liée à l’indexation automatique, c’est « niet » pour les entreprises. « Nous ne nous opposons pas à faire du 8 mai un jour férié s’il remplace un férié existant. Mais le nombre de jours fériés légaux doit rester inchangé », tranche Pieter Timmermans, administrateur-délégué de la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB).
Bref, malgré la mobilisation de la société civile et la volonté affichée par l’aile gauche du gouvernement, l’idée d’instaurer un onzième jour férié en Belgique n’en reste – pour l’heure – qu’au stade d’illusion.
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