Herman Matthijs
SNCB : « Le coup de grâce passera-t-il par la libéralisation ? »
« En théorie, le moment est venu de s’occuper du dossier des chemins de fer » écrit Herman Matthijs suite au préavis de grève des syndicats des cheminots. Il établit une liste de tout ce qui ne va pas.
Les deux syndicats principaux de la SNCB ont transmis très tôt leurs voeux de Nouvel An : ils commencent la nouvelle année par cinq jours de grève. Ces syndicalistes sont très éloignés de la réalité, car la série précédente de grèves a suscité peu de sympathie de la part de la population.
La lenteur
Depuis longtemps, on croit les personnes qui arrivent en retard à leur travail ou à leurs cours en disant que leur train avait du retard. La SNCB justifie le grand nombre de retards et de trains supprimés par une multitude d’explications : il faut trop chaud ou trop froid, il y a trop de vent, il y a des feuilles sur les rails, des vols de cuivre, des incendies dans les cabines d’aiguillage, du verglas, de la neige, trop de circulation, le personnel a du retard, etc. Et en effet, beaucoup d’usagers sont très mécontents du fonctionnement des chemins de fer belges.
La répartition
En 2005, la société a été divisée en trois parties distinctes: le « holding » pour le personnel et les bâtiments, Infrabel pour le réseau et la SNCB pour le transport de voyageurs. Ces derniers n’ont pas encore vu beaucoup d’effets positifs de cette réforme. Cependant, il faut se demander si le maintien de cette structure est idéal pour un bon fonctionnement. Il est urgent d’analyser s’il ne vaut pas mieux réunir la SNCB et Infrabel. Certains pays voisins ont déjà pris cette décision, et c’est effectivement une bonne idée.
Ces deux institutions possèdent un contrat de gestion étendu avec l’Etat, conclu par le gouvernement précédent. Les contrats de gestion débordent de centaines d’articles irréalisables et illisibles. En outre, la situation soulève un problème démocratique, car le gouvernement négocie avec lui-même en nommant les conseils d’administration des entreprises concernées. Par conséquent, le contrôle démocratique parlementaire est minime, ce qui n’est pas logique avec un coût d’environ trois milliards d’euros par an.
Le service minimum
Certains partis du gouvernement souhaitent instaurer un service minimum en cas de grève du rail. Mais il faudrait réfléchir à une interprétation concrète. Par exemple en déterminant qu’il faut un service du dimanche en cas de grève. Un autre point autour duquel la politique ne peut continuer à tourner, c’est le problème de la responsabilité des syndicats en matière de grève et des dommages économiques qui en découlent. Ces derniers affectent la prospérité de toute la population, car la grève est un droit, mais travailler aussi.
Le personnel
On peut qualifier le statut du personnel et les pensions du personnel des chemins de fer de généreux, et certainement comparés à d’autres services de l’état. Ainsi, le personnel ne travaille pas 36 heures en moyenne par semaine, le régime des congés est très favorable et le personnel roulant a droit à une retraite anticipée. Comme il y a plus de 30 000 membres de personnel, on peut difficilement dire qu’ils sont trop peu nombreux. Le problème, c’est que le personnel des chemins de fer est déployé de façon très peu efficace et que trop de gens s’occupent de tâches qui n’ont rien à voir avec les tâches principales de ces entreprises. En outre, il y a une prolifération incontrôlée de filiales à la SNCB et Infrabel. Et les chemins de fer possèdent une mutuelle déficitaire qui compte plus de pensionnés que d’actifs. Ce qui frappe aussi c’est le bataillon de cadres supérieurs grassement payés dans les deux entreprises. Il est clair comme de l’eau de roche que la paix sociale dans les chemins de fer a été achetée par les gouvernements aux dépens du contribuable.
Le coût
Pour les deux sociétés, le budget fédéral 2016 a prévu un montant de 2 889 millions d’euros (2014 : 3 082 millions). On retrouve cette somme dans la deuxième partie du projet du budget de dépenses dans le chapitre 33 (Mobilité & Transport). Le lecteur attentif remarquera en lisant ce document que les chemins de fer constituent un dossier politique difficile. Ce montant est en effet divisé en pas moins de 32 articles budgétaires.
L’accord gouvernemental de la coalition suédoise mentionne que le gouvernement souhaite économiser 663 millions d’euros sur les chemins de fer. Reste à voir s’ils réussiront au cours de cette législature.
En plus de ce coût élevé, il y a les dettes, qui s’élèvent déjà à 4,5 milliards d’euros. Et il faut savoir qu’il y a quelques années, l’Etat dirigé par une coalition violette a repris 7 milliards de dettes. En outre, on a repris aussi la caisse de pensions déficitaire. En étudiant ces chiffres et l’historique budgétaire, on a l’impression de se diriger vers une deuxième « Sabena ».
Il existe suffisamment d’exemples de gaspillage d’argent auprès des chemins de fer. Florilège : des gares beaucoup trop chères, l’achat de wagons non centrés sur les clients, beaucoup d’investissements en voies à peine utilisées, trop de types de train différents, un entretien mal organisé, beaucoup de lignes déficitaires, etc. Plus de 80% des voyageurs utilisent environ 20% des gares. Si l’Etat avait investi autant dans les routes au cours de ce siècle, le problème des embouteillages serait déjà résolu.
Communautaire
Les chemins de fer ont instauré une subdivision historique de moyens d’investissements d’une proportion de 60% pour la Flandre et 40% pour la Wallonie. Reste à voir si cette proportion a été respectée ces dernières années vu les travaux énormes aux voies et bâtiments bruxellois. Par contre, 70% de leurs revenus proviennent de gares flamandes alors qu’il y a autant de gares au nord qu’au sud du royaume. En plus, la Flandre compte moins de kilomètres de voies. Même si depuis des années, les chemins de fer sont confrontés à un problème communautaire, transférer des parties du réseau ferroviaire vers les Régions, comme dans d’autres pays fédéraux, ne ferait qu’aggraver les déficits.
Politique
2016 sera pour ce gouvernement la dernière occasion de mettre ces dossiers sur l’agenda politique et de les résoudre, car après les élections approcheront. Il faut voir aussi ce qui est possible au sein de ce gouvernement, car la N-VA et l’Open VLD souhaitent aller beaucoup plus loin dans la réforme que les deux autres partenaires de cette coalition. Le MR et le CD&V sont en effet assez proches sur le plan socio-économique et budgétaire, ce qui aura des conséquences pour les futures formations de coalitions.
En quelle mesure le gouvernement réussira-t-il à installer de nouveaux organes de gestion aux chemins de fer avec une nouvelle direction et de nouveaux contrats de gestions ? Le pouvoir des chemins de fer et de leurs syndicats ne diminuera que si le gouvernement les déclare en faillites. Mais est-ce politiquement faisable vu qu’il s’agit d’une entreprise publique de plus de 30 000 employés ? L’autre problème, c’est que les chemins de fer ont une position proche du monopole, ce qui réduit leur orientation vers le marché et le client à un minimum.
Au final, on se demande si ce n’est pas l’Union européenne et ses projets de libéralisation qui porteront le coup de grâce à la SNCB
On sait depuis longtemps que les chemins de fer posent problème dans ce pays. Mais tous les gouvernements ont tourné en rond autour de ce dossier. La loi de 21 mars 1991 allait devenir la solution pour plus d’autonomie. Mais 25 ans plus tard, les chemins de fer sont un dossier encore plus problématique pour le budget, la politique et l’économie. En ce moment, les chemins de fer, leurs gestionnaires et leurs syndicats sont très mal vus par la population. En théorie, c’est le moment pour le gouvernement d’intervenir. L’assainissement du budget national incite également à agir. Au final, on se demande si ce n’est pas l’Union européenne et ses projets de libéralisation qui vont donner le coup de grâce.
Ou alors, ce seront peut-être les sociétés de chemins de fer étrangères, à l’instar des banques et de l’énergie qui reprendront les choses ici.
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