Claude Demelenne
Si le PS ne stoppe pas le PTB, il court à sa perte (carte blanche)
Scrutin après scrutin, le PTB siphonne l’électorat socialiste. Le PS tarde à trouver la parade. Il y a urgence.
Ce dimanche, sur le plateau RTL-TVi, le président du PS, Paul Magnette, a ciblé durement le PTB : « Ce parti existe depuis 40 ans. Et en 40 ans, qu’est ce que le PTB a fait pour les gens ? Rien. Ses dirigeants ne veulent pas gouverner. Et ils nous disent ce que nous devrions faire ! ». Très remonté, Paul Magnette a ajouté qu’affirmer, comme le fait le PTB, que « nous avons un gouvernement de droite, c’est complètement absurde, c’est faire preuve d’une mauvaise foi crasse ».
Le raz-le-bol des socialistes à propos du PTB n’est pas neuf. Depuis une petite dizaine d’années, le PS doit faire face à la montée en puissance de cet ancien micro parti qui fut longtemps stalinien, devenu à la surprise générale un poids moyen – et bientôt un poids lourd ? – dans le paysage politique, surtout francophone. Le PTB dit incarner « la vraie gauche » et tire à boulets rouges sur les socialistes. Dans d’autres pays d’Europe, et en Flandre, une partie des déçus de la gauche se tournent vers l’extrême droite. Ce n’est pas le cas en Belgique francophone, où l’essentiel des transferts de voix se fait vers le PTB, formation de gauche radicale dont l’ennemi principal est… le PS.
Le PS en point de mire
Raoul Hedebouw, le porte-drapeau du PTB, tient la toute grande forme. Jamais son parti n’a eu autant de cartes gagnantes dans son jeu. Le PTB occupe sa position favorite : il est douillettement installé dans l’opposition. Raoul Hedebouw donne le ton, virevolte sur les plateaux télé, distribue les bons et les mauvais points. Les sondages sont merveilleux. En Wallonie, le PTB aurait carrément le PS en point de mire. Il n’y aurait même plus 3% d’écart entre les deux formations. Du jamais vu.
Le PTB dans le hamac de l’opposition perpétuelle
Paul Magnette a du souci à se faire. Le PTB se prélasse dans le hamac de l’opposition perpétuelle. Relax, les camarades ! Le PS a toutes les raisons d’être moins cool. Au gouvernement, il doit faire des compromis avec ses partenaires. C’est le b.a.- ba de la démocratie. Mais « compromis » ne fait pas partie du vocabulaire du PTB. Même à l’échelon communal – à l’exception de la petite commune flamande de Zelzate – le parti de gauche radicale le considère comme un gros mot. Pas question donc, d’entrer dans une majorité. Le PTB veut rester « pur ». Tout le contraire du PS qui, pragmatiquement, accepte de mettre de l’eau dans son vin rouge. Du coup, il s’expose aux sarcasmes des adeptes ptbistes de la « pureté ».
La stratégie de la vipère
Depuis la formation du gouvernement De Croo, le PTB cogne dur sur le PS. Ce parti aurait une fois de plus « trahi le peuple » : pas de retour à la pension à 67 ans, taxation trop timide des grosses fortunes, encommissionnement de la question de l’IVG… Plutôt que d’aider les socialistes à établir un rapport de forces plus favorable à la gauche, le PTB applique la stratégie de la vipère. Il s’agit de planter ses crochets dans la proie à immobiliser, ces socialistes qui ne sont pas fréquentables, tant leurs actes sont éloignés de leur discours.
Il est très difficile de contrer la phraséologie du PTB, car ce parti sur son île déserte, raisonne comme s’il n ‘existait aucune contrainte, économique ou politique. Face à cette gauche du « il n’y a qu’à », le PS se trouve assez démuni dans le court terme. Souvent désabusé et déçu par le bilan en demi-teinte – voire parfois en gris foncé – des partis au pouvoir partout en Europe, une part grandissante de l’électorat se laisse tenter par les partis « dégagistes ». Le PTB ne fait pas dans la demi mesure. Dans les faits, il établit son propre cordon sanitaire, refusant de gouverner avec tous les autres partis, suspectés de ne pas être suffisamment « purs ».
Un combat existentiel pour le PS
Le combat est existentiel pour le PS. S’il ne parvient pas à enrayer la percée du PTB, il court à sa perte. Les socialistes tardent à trouver la parade. Leur réplique ne peut être que double. D’une part, ils devront cogner sans relâche contre les communistes qui n’ont jamais fait le bonheur des travailleurs, ni ici, ni ailleurs. Mais surtout, ils devront faire mentir les diatribes du PTB en menant au gouvernement une politique socialement plus solidaire et plus juste, dans un contexte de crise sanitaire d’une gravité exceptionnelle. C’est loin d’être gagné d’avance, mais c’est le moyen le plus sûr pour stopper l’ascension du PTB.
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