Bert Bultinck

Seul un aveugle peut nier à quel point ce pays est au bord de l’abîme

Bert Bultinck Rédacteur en chef de Knack

Les deux partis séparatistes n’ont pas obtenu de majorité, et aucun autre parti ne veut aider ces deux partis à obtenir une majorité. Seul un aveugle peut nier à quel point ce pays est au bord de l’abîme.

Bart De Wever sait gagner une élection. Dimanche dernier, on a découvert qu’il savait également perdre une élection. Après avoir « clairement » établi que son parti avait perdu, le président de la N-VA a immédiatement félicité le grand vainqueur, le Vlaams Belang. Dans les derniers jours qui ont précédé le 26 mai, De Wever a qualifié Groen de « parti à la noix » et a même laissé tomber le mot « merde » dans l’attaque contre le Vlaams Belang. Mais dimanche, il s’est soudain montré tout aussi élégant dans la défaite que Tom Van Grieken, président du VB, l’a été dans la victoire. Le président de la N-VA est maître dans l’art d’attirer et de repousser, en parfaite harmonie avec les résultats bipolaires flamands : les extrêmes ont gagné, le centre a perdu.

La victoire écrasante du Vlaams Belang, la courtoisie retrouvée à l’extrême droite du paysage politique et l’annonce de Bart De Wever qu’il allait parler à tout le monde de la formation de la coalition flamande : tout cela a embrasé les spéculations sur la rupture du cordon. Les deux partis séparatistes n’ont pas obtenu de majorité, et aucun autre parti ne veut les aider à obtenir une majorité. Seul un aveugle peut nier à quel point ce pays est au bord de l’abîme

Pour le Vlaams Belang, la participation du gouvernement ne semble pas imminente, mais c’est un débat indispensable dans les années à venir. Beaucoup de Flamands, dont beaucoup de jeunes, ne sont plus impressionnés par le noyau moral du cordon contre le Vlaams Belang : le respect de l’autre, même quand il a une couleur de peau différente. C’est lié au style de Van Grieken qui ,ces dernières années, a arrondi les angles. Comme le président du VB n’a pas eu beaucoup de propos racistes, un cordon sanitaire semble moins nécessaire.

Malgré tous les efforts, le vert, le rouge et le rouge foncé réunis ne rassemblent qu’un quart des votes flamands – en dépit de toutes les crises bancaires et les marches climatiques. Groen progresse, mais déçoit quand même. Le sp.a s’enfonce encore un peu plus. Le PVDA connaît une forte croissance, mais reste modeste. Et l’extrême droite revient comme un boomerang.

Et cela s’est fait en partie aux dépens de la N-VA. De Wever a cherché des explications à sa propre défaite à l’étranger. En France, le parti de Marine Le Pen a gagné. En Italie, la Lega de Matteo Salvini a marqué des points. De Wever a passé sous silence la victoire des écologistes en Allemagne et en Finlande, entre autres, et n’a pas mentionné le résultat décevant de l’extrême droite Vox en Espagne. Mais sa déclaration reste vraie : le Vlaams Belang a profité de la vague d’anti-migration qui séduit les électeurs de toute l’Europe. En Flandre et en Europe, l’incertitude s’étend. Dans les pays où le talent politique est le moteur de ce malaise, cela conduit automatiquement à des gains substantiels pour l’extrême droite. Cela peut être une stratégie perverse, mais bonne pour l’extrême droite elle-même. Mais si vous avez déplacé votre parti au centre, ce n’est pas une bonne idée de continuer à polariser pour des raisons évidentes : les pôles sont occupés par d’autres partis.

Lors du débat sur la migration de Knack il y a quelques semaines, Theo Francken a continué à répéter une question à Tom Van Grieken : « Quelles sont vos solutions ? Quelles sont vos solutions ? » C’est la question posée par un parti qui a eu le courage de participer à cette politique, adressée à un parti qui peut continuer à bâtir des châteaux en Espagne.. En attendant, le pays est en piteux état. Telle est l’amère leçon du 26 mai.

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