Série (5/5) | Parlez-vous le belge ? Ces mots qui n’appartiennent qu’à nous
En utilisant des mots tels que kot, brol ou frigolite, il est certain que le Belge sera repéré dans l’Hexagone.
Comme le confie Jean-Marie Klinkenberg, en 1989, alors qu’il était conseiller pour le dictionnaire Larousse, plusieurs belgicismes ont été intégrés à l’ouvrage de français de référence. C’est à ce moment-là qu’apparait notamment le terme kot. Alors qu’on approche de la rentrée académique, nombreux étudiants en cherchent pour pouvoir se loger près de leur campus, soit pour étudier, soit pour guindailler. Dans les files pour en obtenir un, certains parents aiment rappeler à leur progéniture : « J’espère que tu n’y mettras pas le brol comme dans ta chambre. Je ne serai pas là pour m’abaisser pour ramasser tes crasses ! ».
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Imaginons cette même famille qui rentre chez elle après avoir obtenu le kot. Direction un magasin de décoration pour meubler un minimum la nouvelle chambre. Une fois les courses délivrées et après avoir défait les emballages des meubles, le gamin seul dans son kot se demandera sans doute ce qu’il doit faire de toute cette frigolite. On imagine déjà la tête du Français de son kot à projet…
Lexique sur base du dictionnaire des belgicismes*
Kot (nom masculin) : 1. Chambre ou petit studio que l’on donne en location à un(e) étudiant(e). Les kots sont des logements individualisés et gérés tantôt par des particuliers ou des organismes privés, tantôt par des institutions d’enseignement supérieur dans le cas d’un home, tantôt par le clergé ou une congrégation religieuse dans le cas des pédagogies de naguère. Sa vitalité est élevée et stable, tant en Wallonie qu’à Bruxelles, et qui dépasse les milieux estudiantins. Du flamand kot « petit réduit, débarras » à la base de studentenkot « chambre d’étudiant » qui est passé en néerlandais de Belgique (studentenkamer).
Brol (nom masculin) : 1. Désordre, fouillis. – Confusion dans l’organisartion. 2. Ensemble d’objets disparates ; attirail. 3. Objet sans valeur, à mettre au rebus. Sa vitalité est élevée et stable pour tous ces emplois, tant à Bruxelles qu’en Wallonie – Brol (« camelote ») est également employé au flamand (parlé). Ses équivalences en français de référence : 1. Bazar, pagaille ; 2. Bataclan ; 3. Camelote, répandus en Belgique francophone.
S’abaisser (verbe pronominal) : incliner le corps ; se courber (pour des humains). Sa vitalité est élevée et stable tant en Wallonie qu’à Bruxelles. Son équivalent en français de référence : se baisser, d’emploi très répandu en Belgique francophone. L’emploi pronominal s’abaisser est enregistré en français de référence pour des humains, mais au sens figuré : « se mettre dans une position inférieure, s’humilier ».
Crasse (nom féminin) : (…) 4. Objet de rebut, qui est bon à jeter. Sa vitalité est élevée et stable, en Wallonie et à Bruxelles. L’équivalent en français de référence est déchets dont l’usage est très répandu en Belgique francophone. Les emplois nominaux usuels de crasse, en français de référence, renvoient tantôt à une couche de saleté (sur la peau ou sur des objets), tantôt aux scories d’un métal, tantôt à une action indélicate vis-à-vis d’autrui.
Frigolite (nom féminin) : polystyrène expansé, utilisé généralement comme isolant thermique ou comme emballage, plus rarement comme support de décoration. Sa vitalité est élevée et stable tant en Wallonie ou à Bruxelles. Le terme est également employé en flamand (néerlandais standard : polystyreen). Son équivalent en français de référence : polystyrène, connu en Belgique francophone où il relève cependant du vocabulaire technique, à la différence de frigolite, qui est largement répandu en dehors des milieux professionnels. Du nom de marque Frigolith, conservé dans d’autres pays avec sa graphie originale laquelle est francisée en Belgique francophone.
(*) Michel Francard, Geneviève Geron, Régine Wilmet, Dictionnaires des Belgicismes (troisième édition), De Boeck, 2021.
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