Série (3/5) | Ket, fieu, peye: d’où viennent ces mots typiquement belges?
En se promenant à travers les rues du pays, vous entendrez différentes locutions pour parler de quelqu’un d’autre.
Impossible de se balader dans les rues des Marolles sans entendre parler des kets du quartier. Jean-Marie Klinkenberg le rappelle, lors de notre entretien : « Bruxelles est différente de la Wallonie car il y a une influence des langues régionales et notamment du parler flamand. Alors qu’on entend le mot ket dans les rues de Bruxelles, en Wallonie (et dans certaines régions de Bruxelles), on préfèrera le vocable pey-e », mot wallon qui a aussi des racines germaniques.
Le français de Belgique répond à notre devise nationale (ndlr : « l’union fait la force »). C’est dans l’union de deux langues régionales qu’est né notamment le terme fieu (ndlr : voir le lexique en fin d’article). D’origine picarde, il a finalement quitté peu à peu son aire d’origine pour être diffusé dans d’autres régions de Wallonie et dans les bastions populaires bruxellois.
Des nombreux témoignages qui nous sont parvenus lors de nos recherches, beaucoup ont eu la volonté de voir apparaître l’expression ‘mon p’tit poyon’ dans nos colonnes. Cette dernière est courante dans différentes localités wallonnes, notamment à Liège. Pourtant, il ne s’agit pas d’un belgicisme répertoriés dans le dictionnaire dédié à ceux-ci, mais bien de wallon.
Enfin, on ne peut passer à côté des « barakis », mot régulièrement utilisé pour dénigrer voire insulter des personnes issues de milieu ouvrier ou populaire. Fortement utilisé dans toute la francophonie belge, le vocable a réussi à décrocher une série où on retrouve un grand nombre de belgicismes connus du plat pays comme, par exemple, la célèbre expression : « Il fait encore de son nez ». L’accent, les mimiques, tout y est.
Lexique sur base du dictionnaire des belgicismes*
Ket (nom masculin) : à Bruxelles, gamin (d’un milieu populaire). Individu qui ne manque pas de culot, parfois même effronté. Le terme a une vitalité élevée et stable à Bruxelles et dans les environs ; de diffusion nettement plus restreinte qu’en Wallonie, en particulier dans les régions les plus éloignées de Bruxelles. La formule est empreinte au flamand de Bruxelles), ket (gamin de rue) qui pourrait provenir de ketje vu les mentions plus anciennes de cette forme. Le ketje vient vraisemblablement du wallon ket (« gaillard ») auquel a été adjoint le diminutif -je. Les équivalents en français de référence : 1. Gavroche ou titi, connus en Belgique francophone. ; 2. Gaillard ou lascar, noms répandus également en Belgique francophone.
Peye (nom masculin) : Bonhomme ; type. Sa vitalité est moyenne et stable à Bruxelles et dans le Brabant wallon. Moins usité dans les autres régions de la Wallonie. Il est emprunté du flamand pee « 1. Grand-père 2. Type » (néerlandais standard : 1. Grootvader ; 2. Kerel)
Fieu (nom masculin) : (en appelatif à l’adresse de quelqu’un de plus jeune ou du même âge que soi). Cette forme d’origine picarde, s’est diffusée dans l’ensemble de la Belgique francophone. En Wallonie, elle est parfois concurrencée par sa variante wallonne fi (ou m’fi « mon fils ») et même au féminin fèye (ou m’fèye, ma fèye « ma fille »). Le terme a une vitalité peu élevée mais stable en Wallonie et à Bruxelles. Il est également employé dans le Nord-Pas-de-Calais. Les équivalents en français de référence sont fiston, jeune homme, usuels en Belgique francophone. Fieu a rayonné au-delà de l’aire picarde en France mais n’est plus attesté aujourd’hui que dans son aire d’origine.
Baraki (nom masculin dont le féminin s’écrit baraqueresse) : personne de mise négligée, d’allure peu soignée. Personne dont le comportement est peu recommandable. Ce terme a une vitalité moyenne et stable en Wallonie et est peu employé à Bruxelles. Il a été emprunté au wallon barakî, barakrèsse qui peut signifier soit « forain, habitant d’une roulotte » soit « personne peu fréquentable ». La forme francisée de cet emprunt, baraquier « habitant d’une roulotte » est encore relevée par la lexicographie belge contemporaine mais parait aujourd’hui inusitée.
Faire de son nez (locution verbale). Être prétentieux ; faire montre d’arrogance. Sa vitalité élevé et stable tant en Wallonie qu’à Bruxelles, supérieure à celle des synonymes faire de sa gueule, faire sa poire. Le flamand emploie une locution similaire : van zijn neus maken. Les équivalents en français de référence sont se donner des grands airs, faire le fier également employés en Belgique francophone. Faire de son nez, de construction parallèle à d’autres locutions dénonçant une attitude hautaine (faire de ses airs, faire de sa gueule, etc.) est absent du français de référence, qui enregistre toutefois des tours proches comme faire un long nez, faire un drôle de nez (« avoir une moue de dépit »).
(*) Michel Francard, Geneviève Geron, Régine Wilmet, Dictionnaires des Belgicismes (troisième édition), De Boeck, 2021.
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