Pierre Havaux
« Se peut-il qu’entre les bois et le climat, Zuhal Demir ait fait un choix? »
Elle rêve d’une région où les bois seront rois. Elle a décidé d’en couvrir la Flandre de 4 000 hectares supplémentaires d’ici à 2024, d’atteindre les 10 000 hectares d’ici à dix ans, « l’équivalent de vingt Monaco. »
Zuhal Demir (N-VA), ministre régionale de l’Environnement, avoue une ardente passion pour les arbres : » Je vais en planter partout lors de très nombreux week-ends « , quitte à avaler les kilomètres pour le plaisir sain de retrouver ces tas de volontaires qui, » tôt le matin, qu’il pleuve ou non, sont à pied d’oeuvre avec leurs enfants pour planter des arbres « .
Une mobilisation générale s’impose. La subite redécouverte des plaisirs et des charmes de la nature par des citadins flamands mis au régime du confinement a achevé de convaincre Zuhal Demir que l’heure est à la multiplication de » miniforêts » dans les quartiers, au boisement des périphéries des centres urbains, à l’aménagement de zones de loisirs arborisées dédiées aux mouvements de jeunesse. C’est dit, » le business as usual n’est pas une option « .
Mardi 26 mai, elle a donc lancé la » Bosalliantie « , une union sacrée à vocation forestière d’une ampleur inédite. Autorités régionales et locales, ami.e.s de la nature, propriétaires privés, entreprises, iedereen is welkom. Et tout qui plantera un nouvel arbre sera invité à signaler son geste afin d’enrichir et si possible d’affoler un » compteur de bois » ouvert sur Internet pour cartographier le reboisement et suivre ses progrès à la trace. Les subsides ne manqueront pas pour convaincre de franchir le pas, avec près de 122 millions d’euros libérés. Pas question pour autant de planter tout et n’importe quoi. La Flandre prospectera au sud pour y dénicher des espèces plus robustes au changement climatique, aptes à supporter la sécheresse appelée à prendre de plus en plus ses quartiers.
Les défenseurs de la nature sont aux anges, touchent du bois après des décennies de promesses trop peu honorées par les prédécesseurs de Zuhal Demir. Sa croisade verte fait plaisir à voir autant qu’elle déconcerte. Parmi les acteurs de la cause environnementale, on observe non sans perplexité que la chaleur de la relation entretenue avec les mouvements de la nature n’a d’égale que la tiédeur du rapport noué avec les activistes de la cause climatique. Se peut-il qu’entre les bois et le climat, Zuhal Demir ait fait un choix ? Certains le redoutent et craignent que cet engagement ne lui laisse plus assez de calories pour relever les tout gros défis énergétique et climatique. Ceux-là ne peuvent s’empêcher de voir aussi en la pasionaria des forêts flamandes la porte-parole d’une Flandre chroniquement timorée dans ses ambitions de réduction des émissions de CO2, peu emballée par la stratégie climatique de la Belgique d’ici à 2050, plus que frileuse, récemment encore, à l’égard du Green Deal européen. Ils n’oublient pas l’autre ministre de l’Environnement et de l’Energie qui se veut toujours réaliste, tellement attentive à ce que l’impératif sauvetage de la planète ne vienne pas non plus trop incommoder le quotidien du citoyen ou contrarier le business de l’entrepreneur. Plus de bois pour la santé du climat, c’est déjà ça. Mais attention à ce que l’arbre ne cache la forêt.
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