Salvatore Curaba, homme de projets : "Ce n'est pas parce qu'on a gagné un match ou un championnat qu'on gagne le suivant." © CHRISTOPHE KETELS/BELGAIMAGE

Salvatore Curaba: Le Zèbre qui se voulait capitaine

Sophie Mignon Journaliste

De son passé de footballeur professionnel au Sporting de Charleroi, il a gardé l’esprit d’équipe, la convivialité, la rage de gagner et d’avancer. Des valeurs qu’il a transposées avec succès à son entreprise, Easi, élue  » Best Workplace 2015 « .

Salvatore Curaba a joué au Sporting de Charleroi, dans les années 80. Aujourd’hui, l’ancien milieu de terrain est un patron 2.0, fervent défenseur du « bonheur au travail », une notion presque antinomique dans un monde des entreprises à la recherche de toujours plus de profit. Loin du patriarche glacial dans sa tour d’ivoire. Loin du boss tyrannique à l’aura terrible. Egérie de sa propre société de développement de logiciels informatiques, parmi lesquels le gestionnaire d’e-mails InboxZero qui fera bientôt l’objet d’une campagne de publicité mondiale, le fondateur d’Easi (Enterprise, Application and Services Integration), à Nivelles, a quelquefois le sentiment d’en devenir le « produit » ou la « mascotte ». Nominé au Manager de l’année 2014 par nos confrères de Trends-Tendances, il est poussé par ses collaborateurs à toujours plus de médiatisation et à exposer sa philosophie entrepreneuriale, axée sur les valeurs humaines. « Même si ce n’est pas désagréable, être projeté au-devant de la scène n’est pas un objectif, mais une conséquence de mon travail », souligne ce gentleman de 52 ans. « Et puis, on relève souvent mon parcours atypique… »

Il est ce qu’on appelle un « arracheur de ballon », sourit Jean-Jacques Cloquet, ancien coéquipier aujourd’hui directeur de Brussels South Charleroi Airport. « Il a la rage de gagner, c’est un combattant. Et un mauvais perdant, comme moi. Non pas qu’il en veut à l’adversaire, mais bien à lui-même. Il se remet toujours en question pour mieux faire la prochaine fois. » A 28 ans, il arrête le foot. Après une blessure au genou. En 1999, il hypothèque sa maison, contracte un prêt de 250 000 euros et fonde Easi. Dès la première année, la société de sous-traitance informatique engrange des bénéfices qui lui permettent de développer son propre logiciel de comptabilité pour entreprises de taille moyenne.

Mais ce qui fait aujourd’hui la réputation d’Easi, c’est son ambiance de travail, ses valeurs, son atmosphère instaurées par l’ancien sportif. Ici, dans les bureaux de Nivelles, comme dans ceux de Louvain, de Liège et, bientôt, de Gand, six valeurs constituent la philosophie de l’entreprise : le respect des clients et des collaborateurs, le sens des responsabilités, l’esprit positif, la loyauté et l’intrapreneurship, à savoir la volonté de faire son maximum pour rendre la société meilleure. A ces valeurs accrochées dans les couloirs du bâtiment épuré et lumineux de Nivelles, où sont bannies armoires et paperasse, s’ajoutent plusieurs règles pour faire d’Easi un havre de bonheur au milieu du marasme économique ambiant.

« On ne recrute pas de managers à l’extérieur », sourit le patron. « C’est un geste logique mais fort. Ainsi, les employés connaissent leur plan de carrière. » Autre principe : chacun peut devenir actionnaire. Ils sont vingt aujourd’hui, dont quinze membres du comité de direction, et vingt autres vont les rejoindre cette année. Curaba, lui, en possède 70 %. « Et je sais qu’un jour, je n’aurai plus la majorité. C’est notre société, pas ma société. » Dans son équipe, il évolue d’ailleurs plutôt comme un chef de tribu, un « pote », un « modèle », parfois même un « père » qui écoute, fournit des conseils professionnels ou privés, reste informel dans ses rencontres. Un capitaine ! Qui pousse les gens à révéler le meilleur d’eux-mêmes. On le dit respectueux, à l’écoute, audacieux, innovant et ouvert au changement.

Au sein de cette entreprise 2.0, que le Premier ministre, Charles Michel (MR), puis le ministre de l’Emploi, Kris Peeters (CD&V), sont venus visiter en 2015, pour y saisir les ingrédients d’une réussite fulgurante, « mes collaborateurs m’aiment », remarque ce père de deux enfants de 20 et 22 ans, en couple depuis 25 ans. « Pour moi, c’est ça le bonheur : prendre du plaisir à côtoyer des gens que j’aime. Les bénéfices sont une conséquence. »

L’intégralité du portrait dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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