Laurence Van Ruymbeke

Salaires des patrons des entreprises publiques : et si on tentait d’attirer autre chose que des guêpes ?

Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Ainsi donc, la voilà, la fameuse loi qui encadrera, à l’avenir, les salaires des patrons d’entreprises publiques. On l’attendait de pied ferme, et d’autant plus depuis que le salaire de Didier Bellens, à la tête de Belgacom, avait suscité un certain émoi : 2,16 millions d’euros, diantre !

Désormais, les chiffres, sur les feuilles des salaires, ne voleront plus aussi haut. Le gouvernement part du principe que les efforts financiers doivent être consentis par tous en ces temps de disette. Un peu de moralisation ne peut pas faire de tort non plus dans un milieu économique qui passe pour sans foi ni loi et dont l’image a été plus qu’écornée, déjà, par le débat sur les bonus dans les grandes institutions financières et par le sauvetage, en urgence, de banques imprudentes. Les grands formats qui prendront à partir de maintenant, les rênes des entreprises publiques (Belgacom, entités de la SNCB, La Poste…) ne toucheront plus que 290 000 euros brut par an, au maximum. La partie fixe doit en effet égaler la rémunération des présidents des services publics fédéraux, soit 200 000 euros. S’y ajouteront une part variable, limitée à 30 % de la rémunération fixe, et un autre volet de revenu, plafonné, lui, à 15 % de la partie fixe. Il ne sera plus permis de payer un patron avec des actions ou des stock-options. Et même les indemnités de départ seront sévèrement recadrées.

Le projet du ministre des Entreprises publiques, le socialiste Paul Magnette, est sur la table du conseil des ministres ce vendredi. Nul doute que ses partenaires au gouvernement tenteront d’y mettre leur patte, avec, pour argument principal, qu’on n’attire pas les guêpes avec du vinaigre. Devenu pingre, le gouvernement fédéral serait incapable de trouver de grands formats pour diriger ses entreprises publiques. Ce n’est pas l’avis de Paul Magnette qui martèle : il n’y a pas que l’argent dans la vie. Et d’évoquer l’honneur que constitue le droit de diriger des entreprises comme celles-là et le sens du service de l’Etat, qui n’aurait pas complètement disparu du paysage économique. On en entend déjà ricaner…

Soit. Partons du principe que le projet de loi initial sera certainement peaufiné à partir d’aujourd’hui. Mais il existe et c’est déjà un grand pas. Il est juste que le gouvernement intervienne sur ce sujet, les codes de bonne conduite et autres principes de déontologie ayant largement prouvé leur inefficacité. En ce sens, la Belgique innove et le gouvernement tient ses promesses, puisqu’un tel projet figurait dans son programme. Ce n’est pas le moindre de ses mérites. Frotté à la réalité du terrain et à l’exigence des humains, on verra ce qu’il donne. Peut-être les grands noms ne se bousculeront-ils pas pour endosser des fonctions à hautes responsabilités sans pouvoir y faire fortune. Mais cela pourrait donner l’occasion à d’autres, compétents mais guère médiatisés, plus jeunes parfois, voire – on peut rêver – peu ou pas politisés, de prendre du galon. De faire leurs preuves. Et de réaliser, aussi, de l’excellent travail. En cela, ce projet de loi pourrait être une chance. On s’est assez plaint de l’apparente impossibilité, en Belgique, d’aller chercher, quand il le faut, des ressources ailleurs que dans une marmite où bouillonnent, depuis des années, les mêmes patrons, pourtant régulièrement conspués…

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