Rétro 2018 : Philippe Moureaux, quatre décennies de vie politique
Il a marqué la vie politique pendant quatre décennies. Philippe Moureaux est décédé le 15 décembre, à l’âge de 79 ans.
Il est mort deux jours après Jean-Pierre Van Rossem, et ce compagnonnage dans la mort de l’histrion et de l’historien, de l’escroc et de l’expert, du bouffon et du bretteur, du voleur et des valeurs, dit beaucoup du paradoxe que fut Philippe Moureaux. Fils d’un notaire et ministre libéral initié au marxisme par des gens de maison en gants blancs, grand bourgeois implanté à Molenbeek-Saint-Jean pour garder la commune socialiste, anticlérical promoteur d’une loi contre le racisme en 1981 qui s’opposa dix années durant au droit de vote des étrangers, ce qu’il regretta pendant les trois décennies suivantes, Philippe Moureaux fut Philippe Moureaux et ce ne fut pas rien. Proche d’André Cools, qui en fit d’un chef de cabinet un ministre en 1980, ministre-président d’une Communauté française dont peu de Wallons voulaient dans son très régionaliste parti, il était émotif jusque dans la froideur, cynique jusque dans l’enthousiasme, brillant jusque dans la brutalité. Avec Charles Picqué, auquel il s’opposait sur tout sauf sur ce qui suit, il dirigea le Parti socialiste bruxellois, et somme toute Bruxelles. Avec Jean-Luc Dehaene, auquel il ne s’opposait sur rien sauf sur ce qui était politique, c’est-à-dire presque tout, il fabriqua deux réformes de l’Etat, celle qui installa en 1989 la Région bruxelloise et celle qui consacra en 1993 le caractère fédéral de la Belgique.
Après l’assassinat d’André Cools il eut avec ses présidents Philippe Busquin puis Elio Di Rupo des relations ambiguës, teintées de méfiance mais délayées dans une inaltérable discipline de parti. Avant cela, il avait envisagé, avec Cools, de prendre à Guy Spitaels la présidence du PS. La mort du Flémallois ne laissa pas Moureaux seulement durablement orphelin, mais méfiant pour toujours : on le prit un jour de 2013 à se mettre à murmurer, tout à coup, pour évoquer l’actualité, son parti, Marx et Bruxelles sous Marie-Thérèse d’Autriche. » Le type qui vient d’entrer est Liégeois « , avait-il répondu encore plus bas quand on lui avait demandé pourquoi il chuchotait. Il n’était alors plus bourgmestre de Molenbeek, après 2012 et le renversement d’alliance qui profita à Françoise Schepmans, mais pas encore père de bourgmestre de Molenbeek, après le 14 octobre 2018 et le triomphe de sa fille Catherine. Sa commune n’avait pas encore non plus traversé les tristes moments que l’on sait, pendant lesquels, sottement pointé du doigt pour des attentats, il s’abandonna à quelques propos politiciens, indignes de l’intellectuel, du ministre d’Etat, de l’homme et de l’humaniste qu’il fut.
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