Répit pour Dragone et ING, poursuivis pour fraude fiscale et blanchiment
La chambre du conseil de Mons devait décider ce jeudi de renvoyer ou non en correctionnelle la quarantaine d’inculpés dans le tentaculaire dossier Dragone. L’audience a été remise à une date indéterminée. En effet, des devoirs d’enquête complémentaires ont été requis en dernière minute par plusieurs inculpés.
La chambre du conseil du tribunal de première instance de Mons devait statuer, ce jeudi matin, sur le renvoi en correctionnelle ou non des 41 personnes inculpées dans l’imposant dossier Dragone. Mais l’audience a été remise à une date indéterminée. « Le greffier de la chambre du conseil me confirme que ce dossier a bien été remis sine die suite au dépôt de demandes de devoirs complémentaires », confirme Julie Baiwy, substitut du procureur du roi au parquet de Mons.
C’est donc un nouveau rebondissement dans l’affaire Dragone, même s’il était relativement prévisible vu le grand nombre d’inculpés dans ce dossier : 17 personnes physiques (dont Franco Dragone, Luc Joris, Edmée De Groeve…) et 24 personnes morales (dont quasi toutes les sociétés du groupe Dragone, ING Belgique et Ernst & Young Luxembourg).
Dans son réquisitoire du 24 avril dernier, le parquet avait demandé le renvoi en correctionnelle de six personnes: Franco Dragone, le Louviérois Simon Pieret et le Barbadien Austin Sealy (deux bras droits du metteur en scène), Canterlo Limited (la discrète société offshore de Dragone aux îles Vierges), ING Belgique et Luc Joris (un médecin proche d’Elio Di Rupo qui fut administrateur sur quota PS dans diverses structures publiques).
Mais la chambre du conseil est bien évidemment libre de ne pas suivre les réquisitions du ministère public: elle peut renvoyer devant un tribunal correctionnel un ou plusieurs des 35 inculpés non épinglés par le parquet, tout comme elle peut choisir de ne pas renvoyer l’un ou l’autre des six inculpés pointés par le ministère public.
Pour rappel, cette affaire mise à l’instruction en octobre 2012 comporte un volet « fraude fiscale et blanchiment » et un volet « corruption ». Dragone, Pieret, Sealy, Canterlo et ING sont accusés par le parquet d’avoir participé à une vaste fraude fiscale internationale entre 2005 et 2012 estimée au minimum à 19,7 millions d’euros. Ils sont également poursuivis pour avoir blanchi le fruit de cette fraude. Enfin, Franco Dragone est accusé d’avoir corrompu Luc Joris en lui octroyant des avantages (un vol Paris-Hong Kong, des nuitées dans un cinq étoiles de Macao et un resto chic à Mons) afin d’obtenir en 2011 un prêt de 2 millions d’euros de la Société Régionale d’Investissement de Wallonie (SRIW) dont Joris était administrateur.
Contactée ce jeudi, Me Hirsch, l’avocate de Franco Dragone, n’a pas donné suite à nos sollicitations. Du côté d’ING, jointe avant l’audience, la banque confirme avoir été convoquée ce matin et déclare: « Depuis le début de l’enquête ING a toujours collaboré pleinement. Nous avons pleine confiance en la justice. Nous préférons donc attendre l’audience en question et ne pas commenter les éventuelles charges. » L’audience étant reportée, il va donc falloir attendre plusieurs mois avant un éventuel commentaire de la banque sur le fond.
Les demandes de devoirs complémentaires sont parfois purement dilatoires, et certains avocats pénalistes s’en sont fait une spécialité. Elles peuvent être introduites par n’importe quel inculpé ou partie civile entre le moment où il reçoit le réquisitoire et l’audience fixée en chambre du conseil – voire à l’audience même. Ensuite, le parquet, puis la juge d’instruction en charge du dossier, Nathalie Hautenne, se prononceront sur l’opportunité de réaliser les devoirs demandés pour la manifestation de la vérité. En cas de rejet par la juge, les inculpés pourront interjeter appel devant la chambre des mises en accusation, puis éventuellement se pourvoir en cassation. Ensuite, retour à la case départ : la chambre du conseil. Qui, cette fois, renverra ou pas les inculpés en correctionnelle. On risque donc d’attendre encore de très nombreux mois avant qu’une date ne soit fixée pour un procès. Et, bien sûr, le parquet est libre de proposer à tout moment des transactions pénales aux inculpés…
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