Relation libre: l’amour sans l’exclusivité sexuelle
L’infidélité librement consentie. Très loin des moeurs prônées par nos grands-parents et de l’union monogame préconisée par la société occidentale, s’afficher en « relation libre » semble, pour certains, la meilleure des solutions pour faire durer l’idylle amoureuse. La sexologue Valérie L’Heureux nous donne son avis, tandis que Zoé et Louis (noms d’emprunt) partagent leurs expériences.
Quand l’été arrive, le soleil rayonne, les arbres bourgeonnent et… les jupes des filles se raccourcissent. Comme le dit Valérie L’Heureux, sexologue, « dès le printemps, les hormones travaillent et les hommes comme les femmes regardent ailleurs. Tout le monde désire un peu partout, en grande liberté. La force du désir, c’est de désirer librement. » Si Zoé et Louis ont fait le choix, avec leur partenaire respectif, de s’engager dans une relation plus ouverte, c’est pour éviter de mettre leur couple en péril, s’ils succombaient à la tentation.
Le couple libre, qu’est-ce donc ? Zoé, qui affiche un statut de couple libre depuis un peu plus d’un an, répond avec justesse à cette question. « C’est un couple qui est libre de définir lui-même ses engagements, son périmètre et ses limites, sans calquer les normes imposées par la majorité. » De manière plus directe, lorsqu’est évoquée l’expression « relation libre », c’est en référence aux couples qui s’accordent une liberté sexuelle en dehors du périmètre du couple. Louis, quant à lui, est avec son partenaire depuis 5 ans, et préfère qualifier son couple de « moderne« .
Plus de confiance, moins de jalousie
Une étude de 2017 constate que les personnes en relation libre sont réellement aussi heureuses que les personnes ayant fait le choix, plus évident, de la monogamie. Dans cette étude réalisée par l’Université du Michigan, les chercheurs analysent les relations de couple de 2100 individus parmi lesquelles 600 sont engagés dans une relation ouverte. Ces participants ont été sondés sur différents aspects de leur relation.
Concernant les critères de jalousie et de confiance, quelques différences sont pointées du doigt. Il semblerait que les personnes engagées dans une relation libre affichent un niveau de jalousie plus bas et un niveau de confiance en leur partenaire significativement plus haut.
Une vision de la fidélité qui évolue
Louis, âgé de 24 ans, a évoqué la notion de fidélité dès le début de sa relation. Il faut dire qu’il a une opinion plutôt tranchée sur le sujet. « Je ne suis pas fidèle et je ne crois pas en la fidélité. C’est aussi une question de liberté, j’aime me sentir libre de faire ce dont j’ai envie et je ne veux pas considérer le couple comme contraignant », raconte-t-il. Il a en effet une vision bien personnelle de ce qu’est l’amour et dissocie d’ailleurs la « fidélité sexuelle » de la « fidélité amoureuse ».
Aller voir ailleurs relève pour lui de la fantaisie. Si leur couple se porte si bien, affirme-t-il, c’est grâce à la liberté qu’ils ont décidé de se laisser, lui et son conjoint. Cette liberté lui permet de braver l’interdit, de jouer avec le feu, sans pour autant entacher leur confiance mutuelle. « Autour de l’infidélité, il y a un environnement excitant… comme si je faisais quelque chose d’illégal, d’immoral. Ça peut sembler vicieux, mais je pense qu’on est toujours tenté par le désir interdit. Dans ma quête de transcendance, je cherche sans cesse à vouloir découvrir de nouvelles choses, et c’est la routine que je crains le plus… », explique le jeune homme.
La fidélité s’arrête au moment où les limites fixées par le couple ont été dépassées. Après tout, chaque couple construit sa propre conception de la fidélité. Chez les jeunes, la question de la fidélité arrive très tôt dans la formation du couple, « bien avant l’institutionnalisation de la relation » précise la sexologue Valérie L’Heureux. « Les jeunes parlent très tôt de la manière dont ils voient la fidélité, l’exclusivité de l’un par rapport à l’autre. Ils y réfléchissent, se demandent comment ils régiraient en cas d’infidélité de leur partenaire, ils questionnent leurs amis ainsi qu’Internet sur cette notion qui inquiète », ajoute-t-elle.
La liberté et l’épanouissement
Après près de 9 ans de relation, Zoé emménage avec son premier amour. Âgés de 23 et 24 ans, ils font le choix de sortir de la norme et de s’émanciper « des notions traditionnelles de fidélité et d’exclusivité ».
Lorsqu’ils emménagent ensemble, leur relation devient sérieuse et, en faisant ce choix, ils espèrent pouvoir s’engager sur le long terme sans avoir de regrets par la suite. « Nous avions envie de profiter de notre nouvelle indépendance ensemble en tant que couple, mais aussi individuellement, en tant qu’adultes. Nous ne voulions pas un jour blâmer notre relation pour nous avoir empêché de vivre notre vie librement », développe Zoé. C’est la solution qu’ils ont trouvée pour construire à deux quelque chose de vrai sans s’emprisonner. « Nous espérons dissocier notre relation de toute frustration pour la placer du côté de l’épanouissement », résume-t-elle.
C’est bien connu, l’Homme a un seuil de résistance à la frustration particulièrement bas. Et le couple, lui, est par nature un grand générateur de frustrations. Valérie L’Heureux explique que « quand un des partenaires, ou les deux, sont frustrés parce qu’ils ne savent pas comment s’y prendre, parce qu’un est plus du matin et l’autre du soir, ou parce qu’ils ne se voient pas assez… Ça crée des tensions dans la relation, qui se multiplient quand il y a moins de sexualité dans le couple. »
Une liberté limitée
L’osmose de la relation qu’il partage avec son partenaire ne tiendrait pas, selon Louis, sans un certain nombre de règles à ne pas transgresser. Des règles qui régissent les limites de leur liberté. Il insiste en premier lieu sur la notion d' »opportunité » : « Une opportunité désigne une personne avec qui l’un de nous ne va pas entreprendre une relation extraconjugale, ce sera exclusivement du sexe », définit-il. Il aborde ensuite la question du respect de leur intimité en tant que couple : « Pas de garçon à la maison. C’est chez nous, et c’est avant tout une question de respect. » Finalement, la dernière règle: la sécurité. « Sexe uniquement protégé, cela peut sembler aller de soi, mais dans le milieu gay ce n’est pas forcément évident », conclut Louis.
Valérie L’Heureux l’affirme, « dans les couples libres, normalement il y a de la transparence, ce qui permet une meilleure protection au niveau de la sexualité. » Effectivement, quand un couple est ouvert à la discussion concernant ses relations extraconjugales et communique à ce sujet, il peut faire face aux risques de MST de manière plus directe. Par exemple, en prenant la décision de porter des préservatifs à nouveau si nécessaire ou en se soumettant à un test de dépistage de MST. Tandis qu’un couple monogame, pour lequel les relations extraconjugales restent taboues, va plus facilement se tapir dans un silence parfois dangereux.
Les limites du couple libre
Il arrive souvent dans une relation que certaines limites établies de façon personnelle soient modifiées et repoussées par l’autre. Ça peut être le cas dans un couple libre.
D’après Valérie L’Heureux, le pire scénario d’un couple libre, c’est quand un des deux partenaires accepte l’établissement d’une relation libre par soumission à un partenaire dont il redoute les infidélités. « Lorsqu’un seul des deux partenaires vit la liberté, mais que l’autre reste fidèle, la personne soumise en souffre. Si elle en parle autour d’elle, tout le monde va lui dire de se tirer, et finalement ce n’est pas un couple heureux », analyse la sexologue. Le partenaire qui va voir ailleurs doit se rendre compte qu’il fait du tort à la personne qu’il aime et que l’étiquette de couple libre ne doit pas servir d’alibi. Dans ce genre de relations, pour que ça marche vraiment, il faut de l’égalité, et que les deux partenaires s’amusent. « Le couple libre arrive à ses limites dès qu’un maillon du couple est plus investi par l’exclusivité que par la liberté », complète-t-elle.
« Une fois en couple libre, il est très difficile de revenir à un couple plus conventionnel », affirme la Valérie L’Heureux. Zoé imagine, elle, très bien cette relation sur le long terme, mais elle admet parfois éprouver avec son partenaire, le besoin ponctuel de revenir à un fonctionnement plus « conventionnel » : « Ça a été le cas au moment où j’ai dû avorter par exemple, et je pense que ça pourrait être le cas pendant mes éventuelles grossesses à venir, après une naissance, ou pendant des périodes particulièrement difficiles. »
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Réinventer le couple et construire une relation sur base du respect des aspirations de chacun n’est pas tâche facile. C’est pourtant le défi auquel fait face la jeunesse actuelle. Les hommes et les femmes sont faits pour vivre ensemble, à condition de respecter les règles d’or : communiquer, écouter les désirs et comprendre comment fonctionne l’autre.
Laurane BINDELLE
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