Réforme fiscale: « La réaction de Mr Bouchez est étonnante car ce rapport contient des propositions libérales! »
Réduire la pression fiscale sur le travail. Voilà l’objectif principal du rapport d’experts fourni au ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) pour l’inspirer dans sa réforme fiscale. Plusieurs mesures proposées font réagir. La suppression des régimes spéciaux tels que les chèque-repas, les voitures de société ou une taxation uniformisée pour les différentes formes de revenus ne plaisent pas aux libéraux, le président du MR Georges-Louis Bouchez en tête, qui a qualifié ce rapport de « tract altermondialiste ». Pour l’économiste Philippe Defeyt, ces propositions vont dans le bon sens. « Je m’étonne vraiment de la réaction de Georges-Louis Bouchez. Ce rapport contient des propositions libérales », dit-il. Interview.
Philippe Defeyt, que pensez-vous de ce rapport d’experts pour la réforme fiscale?
Il va dans la bonne direction. Notamment avec cette idée de taxer tous les revenus, peut-être avec des modalités différentes. En tenant compte, bien sûr, des dépenses qui sont associées à ces revenus. Comme dans le cadre des loyers.
Vous vous dites étonné de la réaction de certains politiques. Lesquels?
Je m’étonne vraiment de la réaction de Georges-Louis Bouchez concernant ce rapport sur la réforme fiscale. Qui contient des propositions libérales ! Je m’explique : un des problèmes dans notre système fiscal est que les revenus de la propriété sont traités de manière inéquitable. Par exemple, celui qui investit dans l’immobilier est mieux traité que celui qui investit dans d’autres formes de placements, comme la bourse. Si l’on met tous ces revenus sur le même pied d’égalité d’un point de vue fiscal, alors on aura fait une vraie réforme libérale.
En quoi l’interprétation du rapport sur la réforme fiscale par Mr Bouchez vous dérange-t-elle?
Le problème est que l’interprétation du libéralisme par Georges-Louis Bouchez n’est pas très libérale. C’est triste d’être face à quelqu’un qui se prétend libéral, et que lorsqu’on lui propose des mesures libérales, il les refuse sans justifier sa position. Je ne comprends pas pourquoi il qualifie ce rapport de tract du PTB. On pourrait imaginer qu’il ne l’a pas lu, ou qu’il a réalisé une lecture sélective. Pourtant, c’est bien une politique fiscale libérale qui est proposée dans ce document. L’idée de taxer tous les revenus ou de mettre les revenus liés à la propriété sur le même pied d’égalité vont vraiment dans la bonne direction.
En quoi les propositions du rapport sont-elles libérales, selon vous?
Car les propositions émises dans le rapport équilibrent deux choses. D’une part, cela équilibre l’ensemble des revenus entre revenus du travail et revenus de la propriété. C’est, je trouve, satisfaisant. D’autre part, le rapport équilibre également les revenus au sein même des revenus de la propriété. C’est-à-dire qu’il met tous les revenus de la propriété sur le même pied d’égalité en termes de fiscalité.
La proposition qui vise à supprimer – ou du moins taxer davantage – les chèques repas ne semble pas très populaire. En quoi est-elle toutefois nécessaire, selon vous?
La deuxième chose qui me rend mal à l’aise par rapport aux réactions de certains, c’est que l’on prend des travailleurs pour des gens incapables de faire des choix en matière de revenus. Que l’on arrête tous ces systèmes d’avantages extra-salariaux ! Que l’on arrête avec ça une fois pour toute et qu’on laisse les gens décider à quoi ils souhaitent affecter leurs revenus, en toute transparence. Il n’est pas question d’aller chercher de l’argent supplémentaire dans la poche des salariés. Mais l’idée est de mettre toutes les mêmes formes salariales sur le même pied : on en revient à cette idée de véritable libéralisme, c’est-à-dire laisser les gens faire leurs propres choix avec leurs revenus.
En quoi ces régimes spéciaux sont-ils nuisibles pour l’économie, selon vous?
Ces dispositifs comme les chèques repas ou les voitures de société coûtent beaucoup d’argent et entretiennent finalement une sorte de bureaucratie administrative, syndicale et patronale. On ferait donc beaucoup mieux de supprimer tous ces régimes extra-salariaux. Et de tout fusionner en un salaire correctement taxé, avec des revenus de la propriété correctement taxés. On aurait alors fait un grand pas vers la simplification. Il y a un coût à cette duplication de dispositifs salariaux, y compris en termes de contentieux.
L’idée globale est de redistribuer la fiscalité. Diminuer la fiscalité sur le travail en supprimant tous ces avantages en nature. Unifier le système salarial, le simplifier et le rendre lisible. A cet égard, je propose depuis longtemps que l’on arrête les systèmes de 13e mois ou de pécule de vacances : il faut rassembler tout cela dans un salaire mensuel unique, taxé correctement, et permettant au travailleur de réaliser les arbitrages de consommation qu’il souhaite. Et surtout, permettre aux travailleurs de comparer les offres salariales entre elles.
Ces propositions vont-elles, in fine, augmenter le pouvoir d’achat du travailleur?
Il y a deux choses que l’on peut faire. Un, rendre les choses plus claires et redistribuer. Là, il n’y a pas d’augmentation nette du pouvoir d’achat. C’est simplement une question d’équité entre les travailleurs, de clarté et de simplicité du système.
Deux, si l’on parvient à mieux taxer les revenus de la propriété aujourd’hui, il est clair qu’on peut alors augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs.
On ne doit oublier aucun de ces deux objectifs. D’une part, un objectif de transparence, de simplification, d’équité, de réduction des dépenses administratives. D’autre part, l’objectif de diminution du poids de la fiscalité sur le travail : cela implique de mieux taxer les revenus de la propriété qu’actuellement. Si on peut également profiter de cette réforme pour rendre la fiscalité des revenus de la propriété plus équitable, alors on aura vraiment gagné sur tous les tableaux.
Une TVA uniformisée à 10% est-elle une bonne idée?
On peut le faire, mais ça n’est pas l’urgence absolue, selon moi. D’autres choses m’apparaissent plus importantes, comme par exemple de mieux précompter les revenus sociaux. Dans une optique de développement durable et de transition, il faut aussi diminuer la fiscalité sur tout ce qui touche aux protéines végétales, et augmenter la fiscalité sur tout ce qui touche aux protéines animales.
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