Réforme des pensions: les riches seront plus taxés, mais ça ne rapportera rien à l’Etat
Avec sa réforme des pensions, la ministre Karine Lalieux (PS) voulait mettre davantage à contribution ceux qui touchent des émoluments élevés. C’est pour cela que le deuxième pilier, celui des pensions complémentaires, sera davantage taxé dès 2028. Des miettes en comparaison du gouffre béant creusé par les dépenses publiques liées aux pensions, mais la mesure serait avant tout symbolique. Analyse.
La nouvelle réforme des pensions mettra plus à contribution les pensions élevées. C’est du moins l’un des arguments avancés par la ministre des Pensions Karine Lalieux pour ‘vendre’ son projet dans la presse. Comment ? En revoyant la fiscalité du deuxième pilier, pour taxer davantage les plus gros bénéficiaires du système.
Pour rappel, le 2e pilier est celui de la pension complémentaire, financée par les entreprises (sous forme d’une rente périodique ou d’un capital unique) pour leurs dirigeants et employés, ou par des indépendants pour eux-mêmes. La pension complémentaire est facultative. Au contraire de la pension légale, obligatoire et payée par l’Etat, qui forme le 1er pilier du système.
Voici ce qu’a rapporté la taxe sur les pensions complémentaires en 2022
Avec la réforme des pensions, la contribution Wijninckx – taxe que doivent payer ceux qui ont une pension complémentaire élevée – passera de 3 à 6%. « La mesure est symbolique, cadre d’emblée l’économiste Jean Hindriks (UCLouvain). Il faut savoir que pour tout un chacun, la somme de la pension légale et de la pension complémentaire ne peut dépasser 80% du dernier salaire brut. La cotisation Wijninckx n’est prélevée qu’en cas de dépassement de ce total. Ce qui concerne peu de personnes ». Du côté d’AG Insurance, on explique que la cotisation Wijninckx est due « dès que la somme de la pension légale et de la pension complémentaire dépasse la pension légale maximale du secteur public ». Ce seuil porte le nom d’objectif de pension.
Notre système de pension sera de plus en plus égalitaire à l’avenir
Bruno Colmant (ULB), économiste
En 2022, quelque 4 millions de salariés et d’indépendants souscrivaient à une pension complémentaire. Sigedis, qui gère la Banque de données des pensions complémentaires, précise que près de 3 millions d’entre eux travaillaient encore. Soit 74% de la population active. Le million de personnes restantes est lié à un plan de pension du 2e pilier, souscrit lors d’un ancien job.
L’an dernier, 2.437 personnes (1.755 salariés et 682 indépendants) ont dépassé l’objectif de pension, et donc payé une taxe de 3% dans le cadre de la contribution Wijninckx. Au total, cette taxe a rapporté 8,7 millions d’euros à l’Etat belge. Le cabinet Lalieux n’a pas encore budgétisé sa réforme des pensions dans le détail. Impossible, donc, de savoir ce que le doublement de la taxe Wijninckx de 3 à 6%, dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2028, rapportera à l’Etat. Mais si on double la recette de cette contribution en 2022 pour avoir une idée, on arrive à 18 millions d’euros. Une manne financière loin de combler le gouffre creusé par les pensions, qui ont coûté 6 milliards d’euros à l’Etat en 2022, selon les chiffres publiés par le Comité d’étude du vieillissement dans son rapport de 2023.
Cette mesure symbolique de la réforme des pensions
L’économiste Bruno Colmant (ULB) confirme que financièrement parlant, le doublement de la cotisation Wijninckx est avant tout une mesure symbolique. « Mais elle est porteuse d’un signal, d’un système de pension amené à être de plus en plus égalitaire à l’avenir ».
Pour le cabinet Lalieux, toucher au deuxième pilier – une idée longtemps balayée par le MR – est plus que symbolique. « Cette mesure, qui était prévue dans l’accord de gouvernement, permet une plus grande solidarité entre les basses et les hautes pensions dans le régime des pensions complémentaires. On touche aux pensions complémentaires les plus élevées, pour les faire davantage contribuer à l’effort global ». Le cabinet de la ministre des Pensions insiste : « Cette mesure fait partie d’un tout, d’un accord global qui aboutit à une réduction du coût des pensions de 0,5% du PIB à l’horizon 2070 ».
Une pension sous forme d’allocation universelle : l’option la plus équitable ?
Si le doublement de la cotisation Wijninckx a un effet relatif sur la contribution des plus grosses pensions complémentaires par rapport aux autres, y-a-t-il une meilleure option pour un partage plus équitable ? Bruno Colmant est de cet avis. « Dans 10 ou 15 ans, chacun recevra peut-être le même montant pour sa pension légale, peu importe son statut de travailleur (indépendant, salarié ou fonctionnaire, ndlr) ». L’économiste estime que cette pension prendrait alors la forme d’une allocation universelle, permettant plus d’homogénéité dans le régime. Difficile de savoir si l’idée fera écho au sein du cabinet des futurs ministres des Pensions. Elle s’inscrit en tout cas dans la ligne de conduite de l’actuelle ministre Karine Lalieux, qui voulait harmoniser les trois régimes de pension.
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