Réforme des mutualités : « N-VA et MR nous critiquent de façon populiste, électoraliste »
La ministre De Block souhaite conclure un pacte d’avenir avec les mutualités afin de renforcer leur rôle dans la santé. Si le secteur partage l’idée de réforme et a déjà soumis des propositions, il reste prudent, de peur d’être instrumentalisé. » Il faut que le politique instaure un nouveau cadre réaliste, qui nous permette de répondre aux besoins prioritaires des citoyens », insiste Xavier Brenez, patron des Mutualités libres. Entretien.
Le Vif : les dirigeants actuels semblent-ils plus aptes que les précédents à concrétiser vos propositions de réforme ?
Xavier Brenez : Je pense que la ministre fédérale est sincère quand elle dit vouloir conclure un pacte. Toutefois, nous nous interrogeons sur les autres partenaires du gouvernement, que ce soit du côté de la NV-A mais aussi chez certaines personnes du MR. Il y subsiste des critiques injustes à l’encontre des mutualités, dans un esprit assez populiste. Soit ils parlent en méconnaissance de cause, soit par électoralisme. Je trouve que nous méritons de meilleures considérations.
J’insisterai surtout sur le fait que c’est une démarche positive dans un milieu qui a tendance à faire du bashing de tout, à détricoter sans comprendre pourquoi des services qui fonctionnent bien.
Tant que les dirigeants continueront à instaurer des règles compliquées et changer des structures institutionnelles pour des raisons purement politiques, il ne faut pas s’étonner qu’on mette en place des administrations démesurées et qu’on perde nos moyens.
Vous avez tout de même répondu à l’invitation de Maggie De Block, en rendant une note d’intention. Vous croyez donc en l’effet d’aubaine de cette impulsion politique ?
Nous estimons qu’il vaut mieux que le secteur perçoive cette ouverture politique comme une opportunité. Les mutualités prennent cette réforme en charge avec des mesures concrètes, pour éviter de courir le risque que quelques experts en chambre aient des propositions à côté de la plaque.
Il faut un cadre qui nous force à réfléchir aux priorités et surtout à comment les réaliser. Cela va servir à tout le monde. Cela va nous permettre à nous, mutualités, d’orienter nos activités en termes d’assurance complémentaire, d’information aux membres. Mais cela va servir aussi aux différentes autorités puisque maintenant, avec la 6e réforme de l’État, tout le monde fait un peu de tout. Si nous ne suivons pas tous la même direction, ce sera loi d’être efficace.
Avec la dernière refonte institutionnelle et la fragmentation des matières, les décideurs politiques vous semblent-ils aussi trop nombreux pour travailler efficacement ?
J’ai compté douze ministres qui se partagent des compétences de santé en Belgique. Il y en a déjà 7 à Bruxelles, 6 plus le ministre-président qui intervient aussi dans ces matières, puis il y ceux de la Flandre, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la communauté germanophone… Douze qui interviennent d’une manière ou d’une autre.
Et lorsqu’on interpelle les responsables normalement désignés, ils nuancent et se renvoient les compétences…
Ah oui, c’est vraiment le renvoi de patate chaude. Je pense que nous sommes tout de même bien placés en tant que directeur d’une mutualité pour avoir une bonne compréhension du système. Mais même nous, nous commençons à être perdus…
Et le nombre de discussions que l’on peut avoir avec des ministres ou des membres de cabinet sur qui est responsable pour quoi, il faut toujours qu’ils se concertent avec untel ou unetelle.
On est entré dans une ère très compliquée. Dans un monde idéal où tout le monde s’entend et où il y a un alignement politique, à la rigueur ça pourrait bien fonctionner. On est quand même très loin de ce modèle en Belgique dans la configuration politique actuelle. (rires)
Quand vous regardez du côté francophone, l’esprit est plutôt « je fais la guéguerre au lieu de collaborer ». J’espère néanmoins que nous nous fixerons enfin des objectifs de santé pluriannuels.
Parce que les politiques (de santé) belges jusqu’ici restent trop courtermistes ?
Elles sont surtout orientées budgétairement. Or, je pense que beaucoup de moyens sont déjà dépensés dans tout ce qui touche à l’information santé et la littératie, mais sans se poser la question, que nous posons : comment faire mieux avec les moyens dont nous disposons ? C’est-à-dire les moyens du gouvernement, de l’administration, des mutualités, des prestataires, des écoles.
C’est un rôle très important pour les mutualités demain : avoir un rôle d’accompagnement et de coaching dans le cas de certaines pathologies et/ou de certains publics cibles. Tout en garantissant qu’il y ait les incitants financiers pour pouvoir le faire car il s’agit de démarches qui coûtent cher et dont les avantages rejaillissent sur le secteur -c’est très bien.
Mais dans les mécanismes financiers actuels, je vais être manichéen, il y a peu d’incitants positifs pour amener les mutuelles à être des acteurs de la santé. Il est clair que tous les acteurs ont besoin d’incitants financiers, mais nous offrons toute une série de services par altruisme. On ne peut pas compter indéfiniment sur l’altruisme.
D’autant plus que la tendance politique est à la rationalisation de vos sources de financement ?
C’est sûr, nous sommes de plus en plus poussés à nous interroger sur le caractère nécessaire d’une activité, sur sa rentabilité. C’est un commentaire général par rapport au pacte qui sera, je l’espère, conclu avec la ministre : il faudra une cohérence entre ce qu’on va demander aux mutualités et les moyens qui seront alloués. On ne peut pas attendre des mutualités qu’elles fassent plus tout en ayant moins de moyens, dans un environnement de plus en plus compliqué d’un point de vue technique ou institutionnel.
Dans un contexte où un certain nombre d’acteurs critiquent de manière frontale et assez peu étayée les mutualités, moi je veux vraiment éviter que nous leur offrions des arguments.
On a dit dans la presse que les mutualités remboursent le sauna. En termes d’image, ces propos risquent de nous faire vraiment du tort alors que ce sont des cacahuètes.
Il y a tout de même un effet d’échelle, avec des millions d’affiliés, le volume de cacahuètes peut vite devenir impressionnant ?
(rire) Oui, surtout que lorsqu’on regarde dans l’assurance complémentaire, c’est une collection de 150 à 200 interventions dans des domaines très différents. Il convient de réduire l’offre et de se recentrer sur des apports plus significatifs pour nos membres.
Vous partagez manifestement la vision de la ministre De Block sur l’assurance complémentaire, en voulant privilégier le remboursement de prestations médicales basées sur l’expérience clinique. Voulez-vous aussi faire plaisir à la N-VA avec cette idée ?
Je ne sais pas quelle est l’idée qu’a la N-VA. (sourire convenu)
Tout ce qui ne semble pas sérieusement curatif doit être expurgé de l’assurance complémentaire afin d’augmenter encore les économies réalisées dans la sécurité sociale ?
L’idée est de se focaliser sur des besoins prioritaires en termes de santé, mais aussi de services à la personne. Il ne faut pas non plus être extrémiste, il y a des interventions de l’AC comme les abonnements aux clubs sportifs qui ne cadrent pas avec les priorités. En abandonnant ces interventions, cela va dégager pas mal de moyens pour mettre en place de nouveaux services utiles.
L’assurance complémentaire, est-ce l’endroit principal à réformer, là où à grand renfort de marketing la concurrence entre mutuelles se voit le plus?
Tout le monde peut copier les avantages complémentaires des autres, mais le problème est que l’information sur les avantages accordés n’est pas toujours correcte. Il faut lire dans les petites notes de bas de page pour bien les comprendre.
Regardez sur quoi les mutualités se profilent en termes marketing, et cela concerne toutes les mutualités : on met en avant les camps de vacances ou le remboursement des tickets modérateurs pour les moins de 18 ans et on appelle ça « soins gratuits ».
N’est-ce pas ce qui parle le plus simplement aux affiliés ?
Oui, cela parle. Mais bon, si demain nous disons à tous nos nouveaux affiliés que nous leur offrons 100 euros, ça leur parlera aussi fortement. Est-ce que nous remplirons pour autant notre rôle social et sociétal, je ne le pense pas. Il faut faire un nettoyage.
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