Carl-Alexandre Robyn
Référendum d’initiative citoyenne : symbole de la lutte entre les patriciens et les plébéiens
Nous sommes nombreux à pressentir que le concept de plébiscite est bon. La plupart d’entre nous apprécient l’idée d’avoir droit au chapitre pour les décisions qui concernent notre vie en communauté. Il est donc aisé d’envisager la consultation populaire comme véritable outil de gouvernance de nos mandataires politiques.
En effet, nous aimons donner notre avis sur presque tout. Grâce aux réseaux sociaux, c’est rentré dans nos moeurs : nous donnons notre avis sur les hôtels, les voyages, les administrations communales, les avocats, les médecins, etc.
Par ailleurs, nous n’en pouvons plus des décisions prises par des coteries politiques en notre nom et trop souvent en dépit du bon sens. Il y a d’ailleurs davantage de sens pratique dans l’ensemble de la population que n’en réunissent les élites politiques, plus occupées à négocier de manière discrétionnaire (c’est-à-dire en notre nom, mais à notre insu) leurs prises d’intérêt mutuelles (ou conflictuelles) qu’à veiller à l’harmonie de notre avenir à tous.
Certains partis politiques (principalement au pouvoir) dénoncent les effets pervers de la pratique du référendum et illustrent leur scepticisme par le déplorable référendum organisé par le gouvernement du Royaume-Uni concernant le « Brexit ». Ils ont beau jeu avec pareil argument.
Mais ces politiciens qui jouent sur l’émotion parce qu’ils ne veulent pas que des citoyens lambda (« l’assemblée de la plèbe » dans l’Antiquité Romaine) empiètent sur la bonne marche de leurs affaires, évitent soigneusement de faire le distinguo entre l’idée et son exécution. L’idée de consulter la population du Royaume-Uni sur un éventuel « Brexit » n’était pas mauvaise en soi, c’est la procédure de consultation qui a été bâclée et a par conséquent rendu l’initiative gouvernementale contre-productive.
D’autres partis politiques (principalement dans l’opposition) jouent dans les médias la carte de l’hypocrisie en souhaitant caresser dans le sens du poil la volonté des électeurs de pouvoir initier des demandes de consultation, mais sachant bien que leur réalisation est illusoire (parce que trop difficile à organiser). Ils n’ont probablement ni l’envie réelle ni la capacité intellectuelle de concevoir une discipline pour un outil qui risque de leur exploser à la figure un jour ou l’autre. Même les partis de gauche peuvent potentiellement voir plusieurs des mesures qu’ils proposent rejetées par la « décision du peuple » : inimaginable, insupportable !
En réalité, au-delà des clivages politiques et même si le processus se révèle relativement laborieux, concevoir un corpus de procédures pour organiser des consultations citoyennes est assurément à notre portée. Puisque l’idée plaît déjà aux citoyens, il faut débattre de comment l’exécuter efficacement.
Combien de consultations populaires par an ? Par qui et comment seront sélectionnées les mesures gouvernementales à soumettre au plébiscite ? Dans quels délais ? Et pour ne pas tomber dans le piège du référendum sur le « Brexit », il faudra établir un « prospectus » pour chaque question soumise au vote direct du corps électoral. Le prospectus est une matrice d’aide à la décision où l’on expliquera de manière synthétique les forces et les faiblesses, les menaces et les opportunités d’un oui ou d’un non.
On le voit, les étapes pour parvenir à une bonne exécution ne sont ni nombreuses ni insurmontables. Elles sont logiques et donc collégialement négociables. Il s’agira d’un exercice spécifique de recherche opérationnelle (*) appliqué au terrain politique.
Bâtir une nouvelle discipline (celle du recours fréquent au plébiscite) n’est pas si compliqué si on se dote d’une bonne méthodologie, c’est simplement long : le temps du débat démocratique pour chacun des éléments du corpus.
Je présume que le parti politique qui osera le premier jouer cartes sur table en proposant au peuple un ensemble limité et cohérent des énoncés sur lesquels baser l’analyse et l’organisation du phénomène de consultation populaire se ménagera un atout électoral certain.
Cette originalité sera un marqueur politique à grande valeur ajoutée pour une population en grande partie déjà séduite par la perspective de voir son vote compter.
(*)La recherche opérationnelle peut être définie comme l’ensemble des méthodes et techniques rationnelles orientées vers la recherche du meilleur choix dans la façon d’opérer en vue d’aboutir au résultat visé ou au meilleur résultat possible.
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