Jean-Philippe Mogenet
Redoublement ?
Nous figurons parmi les champions du redoublement, et c’est à juste titre, me semble-t-il, dans l’ensemble, que cette situation est critiquée par les uns et les autres.
Au nom de quoi ralentir des enfants, des adolescents, dans leur évolution, quasi biologique? L’éducation pédagogique doit les conduire à tel âge -et pas à tel autre, ultérieur- à telle situation, et, idéalement, sans avoir dû affronter le gros déficit en « estime de soi » que constitue trop souvent l’échec scolaire. A noter toutefois qu’une année supplémentaire en maternelles, sans parler de « redoublement », devrait être considérée comme un bienfait, me semble-t-il, pour certains enfants, en fonction de leur date de naissance, ou de difficultés particulières, de façon à ce qu’ils mûrissent un peu pour être capables d’affronter l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul, et pour leur éviter de pédaler dans la marmelade pendant tout le reste de leur scolarité. Mais c’est précisément quant à ce « redoublement en maternelles » que bon nombre de psychopédagogues crient le plus à l’hérésie.
Mais en parallèle, si l’on bannit -globalement, à juste titre- le redoublement, il convient alors de travailler l’orientation: que chacun, assez tôt, soit orienté dans un secteur où il puisse assez facilement se montrer motivé et performant. Tout en développant davantage un système qui existe déjà, chez nous, celui des « passerelles », qui devraient être toujours possibles en cas d’erreur d’orientation (par exemple, un enfant trop tôt considéré, par lui-même et par les autres, comme un « technicien » en puissance, et qui tout compte fait, en cours d’adolescence, se révélerait très intéressé par une formation plus intellectuelle; ou l’inverse). Un système qui montre actuellement certaines dérives (des parcours « à la carte » savamment étudiés par l’un ou l’autre adolescent particulièrement futé, pour éviter les difficultés), mais qui pourrait être amélioré.
Enseignement: il est temps d’accréditer l’idée qu’un plombier-zingueur, maçon, garagiste, etc. vaut un médecin, un ingénieur ou un juriste
Ceci devrait aller de pair, bien sûr, avec une mise en valeur du statut de chaque type d’études: qu’on se débrouille pour enfin accréditer l’idée qu’un (ou une, bien sûr…) plombier-zingueur, maçon, garagiste, fleuriste, etc. valent un médecin, un ingénieur ou un juriste (ou un helléno-latiniste 😉 ), peuvent mener une existence tout aussi intéressante, et que les uns comme les autres sont nécessaires dans notre société. Plus que la cohabitation éducative, effective dans l’enseignement primaire, mais sans doute impossible à mener réellement à bien dans l’enseignement secondaire, c’est le partage des informations qui fait défaut.
Mais je pense -s’il m’est permis de penser- que l’allongement éventuel du tronc commun, et d’autres mesures qui l’accompagnent ou ont déjà été tentées, représentent l’inverse de tout ce que j’ai écrit ci-dessus: la seule voie royale pour devenir « quelqu’un de bien », ce serait, en gros, l’enseignement général, et toutes les dispositions péniblement mises en place pour que tous puissent y rester le plus longtemps possible. Il faut en attendre des difficultés croissantes, surtout, bien sûr, pour tous ceux à qui l’enseignement général ne convient guère.
C’est à titre privé, et non professionnel, que je me suis permis de vous livrer ces quelques opinions.
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