Carte blanche
Qui sont les réels complices de la Chine « communiste »? (carte blanche)
Manuel Abramowicz, auteur, spécialiste des extrêmes droite, gauche et autres, souligne que les réels complices de la chine ne sont pas tant le PTB que « le cynisme de la réalpolitique et du biznesse ».
Dans les médias des intellectuels et dans les parlements des politiciens de partis démocratiques dénoncent les méfaits de la Chine. Il y a de quoi: répression massive des musulmans ouïghours, cybercontrôle répressif de la population, parti unique, activités syndicales interdites, récupération musclée de Hong-Kong, espionnage industriel, occupation du Tibet, liberté d’expression hors-la-loi…
Tout naturellement, une offensive antichinoise s’ébranle. Remake du « spectre du Communisme » du XIXe siècle, pour reprendre les mots de Marx et Engels, et de la « Peur du Rouge » brandit par les nantis dans les années 1920-1930, du patronat à l’extrême droite, en passant par la bourgeoisie, l’aristocratie, l’église catholique, l’armée, la police et la social-démocratie. Pour combattre la Chine, chez nous, de nos jours, celui qui est montré du doigt est le Parti du Travail de Belgique (PTB). Il faut à ce sujet lire les déclarations répétées comme un mantra de Paul Magnette, le président du Parti socialiste (PS), rejoint par mon ami Claude Demelenne dans sa série anti-pétébiste diffusée en continue sur le site d’un grand hebdomadaire belge.
Depuis sa « longue marche » électorale à succès qui débute aux élections de 2010, le PTB est qualifié au même titre que le Vlaams Belang d’être un dangereux « extrémiste » (sic). Pour le MR, le parti maoïste belge devrait être frappé par le même cordon sanitaire appliqué (avec beaucoup de violations !) à l’extrême droite depuis la fin des années 1980. Une mise au banc voulue par le parti libéral de Bouchez-Ducarme-Reynders-Michel (Louis et Charles) aux ordres de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB). Le seul, chez les francophones, à avoir collaboré avec la Nieuw-vlaamse alliantie (N-VA), le frère politique « réformiste » du Vlaams Belang (leur parent commun est feue la Volksunie, et leur grand-père est le Vlaamse Nationaal Verbond, VNV, parti collaborationniste durant l’Occupation nazie de la Belgique) est pourtant le… MR.
Résumons la pensée manichéenne de ces nouveaux « anticommunistes primaires »: en gros, en très gros, le PTB c’est le Vlaams Belang du côté wallon. Or, le VB est un parti raciste – il a été condamné, comme plusieurs de ses membres et organisations satellites, le groupe d’action nationaliste Voorpost encore tout récemment à Malines-, nationaliste, xénophobe, musulmanophobe et séparatiste anti-Belgique (il veut la destruction de l’État belge). Pas le PTB !
L’attaque tous azimuts contre ce parti d’extrême gauche provient aussi du parti Écolo. Le PTB pourrait devenir la première force de gauche en Wallonie aux élections de 2024. Une humiliation pour les socialistes, mais aussi pour les écologistes, dépassés sur leur gauche par le petit poucet de la politique belge. Au Parlement fédéral, Samuel Cogolati, député vert est à la pointe du combat contre l’impérialisme chinois, à travers un combat, certes juste, pour la reconnaissance de la situation pré-génocidaire contre le peuple ouïghours. Ce dernier est l’objet d’une immonde répression au nom officiel de la lutte contre le terrorisme islamique. Imaginez celle-ci appliqué à l’échelle belge dans certaines communes…
Rappel historique : le Parti du Travail de Belgique est né en 1970 sous le nom d’Alle macht aan de arbeiders (Amada, en français : Tout le Pouvoir aux Ouvriers). Cette organisation révolutionnaire communiste a été fondée par des enfants de la bourgeoisie catholique flamande convertis, après Mai 68 à l’Université catholique de Leuven, à la « Révolution culturelle » maoïste. Cependant, Amada-PTB n’a jamais été le correspondant belge officiel du Parti communiste de Chine. Ce fut d’abord le PCB de Jacques Grippa fondé en 1963, puis le Parti communiste marxiste-léniniste de Belgique (PCMLB) jusqu’à sa disparition en 1989.
Alors qui fut les réels alliés de la République populaire communiste de Chine instaurée après la Révolution de 1949? En septembre 1961, à Pékin, son président Mao Zedong reçoit en visite une première « amie belge ». Il s’agit d’Élisabeth Gabrielle Valérie Marie de Wittelbach, ex-duchesse de Bavière devenue la troisième reine consort des Belges de 1909 à 1934. Cette visite de soutien aux Chinois communistes sera suivie de leur reconnaissance à Paris par le général de Gaulle, en 1964, la visite à Pékin de son ministre de la Culture, André Malraux, en 1965, de celle du président américain Richard Nixon, sept ans plus tard, puis du président français Georges Pompidou, en 1973, de la venue de Deng Xiaoping, le président chinois, chez Jimmy Carter, le président des États-Unis, en 1979, du voyage officiel de Jacques Chirac, le président néogaullien, à Pékin en 1997, et plus récemment de l’actuel président français, Emmanuel Macron, en novembre 2019. Question royale: le roi Philippe avait reçu à Bruxelles, en mars 2014, en grandes pompes, Xi Jinping, le président et secrétaire général (à vie !) du Parti communiste chinois. Toutes ses relations diplomatiques et politiques, qui sont suivies de contrats économiques juteux, permettent à la Chine, notamment, de construire ses camps de concentration pour enfermés les musulmans ouïghours et ses milliers de prisonniers politiques démocrates. Le cynisme de la réalpolitique et du bizness.
En guise d’épilogue : après la lecture de ma tribune, on dira de moi que je suis un suppôt de la Chine « communiste ». Pour ma part, dans ma jeunesse, j’ai milité avec les trotskistes de la section belge de la IVe Internationale, fondée par les premiers marxistes révolutionnaires qui s’opposèrent jusqu’à la mort à l’URSS staliniste et à la Chine maoïste.
Manuel Abramowicz Auteur, spécialiste des extrêmes droite, gauche et autres, enseignant en travail social et en communication.
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