Herman Matthijs
Qui sera premier ministre en 2020 ?
Si rien ne vient perturber la donne, le gouvernement devrait, à la fin de cette année, entamer la deuxième moitié de son mandat. Herman Matthijs regarde déjà vers 2019 et s’interroge sur une future coalition en s’appuyant sur la configuration politique du moment.
A la fin de cette année, le gouvernement sera à la moitié de son mandat. Comme les élections locales de 2018 sonneront le début d’une longue campagne électorale, il sera crucial d’observer de quelle manière les élections de 2019 seront organisées. S’agira-t-il d’une seule journée électorale, un super dimanche où tout se décide ? Où va-t-on plutôt opter pour un étalement ? Et si oui, sur combien de temps ?
A quoi ressemble l’échiquier politique aujourd’hui et qui se trouve en pole position pour le poste de premier ministre en 2020 ? Le point sur la question.
Les cartes francophones
La coalition suédoise a une configuration pour le moins inhabituelle avec seulement un parti francophone qui n’a pas la majorité de son côté du pays. A droite, le MR n’a que peu de concurrence. Le PP n’a pas assez d’envergure et le FN n’a pas (encore) de structures assez solides en Belgique francophone. En plus le MR occupe une position de « seul contre tous » qui pour l’instant lui réussit plutôt bien.
Le PS, par contre, doit subir la concurrence d’Ecolo, mais surtout celle du PTB. Ce dernier parti gagne en popularité et cela signifie des pertes d’électeurs pour le PS. Tout comme les menaces terroristes et les grèves de train ne lui sont pas, non plus, favorables. Tout cela fait que le MR peut être aujourd’hui considéré comme la plus importante formation de la politique francophone en Belgique. Il ne faut pas non plus oublier que, après les élections locales de 2012, le MR a remporté le plus de postes de bourgmestre. Par ailleurs suite à la sixième réforme de l’État, les gouvernements régionaux dirigés par le PS doivent faire des mesures d’économie.
Le cdH s’enfonce peu à peu dans une espèce d’abysse électorale et Ecolo risque aussi de continuer à perdre des voix à cause du PTB. En d’autres mots : les choses ne s’annoncent pas trop mal pour le MR.
En Flandre
Le paysage politique flamand a été ces dernières années complètement chamboulé par la montée en puissance de la N-VA. Ce parti dirige le gouvernement flamand, mais n’a pas le même rôle au fédéral. La N-VA a quelques cartes maîtresses dans son jeu : c’est le parti le plus récent, c’est un parti ‘anti-establishment’ et il a un président omnipotent. Les conséquences politiques d’un possible changement de président en 2017 sont pour l’instant du domaine de l’inconnu. Mais ses amis, comme ses ennemis, doivent bien reconnaître que Bart De Wever semble inoxydable.
La N-VA est aussi le parti le plus critique envers les migrants et la politique européenne. Deux sujets qui ne sont pas des plus soutenus par la population. Les mêmes options politiques sont par ailleurs soutenues par de nombreux gouvernements en Europe, ce qui arrange bien la N-VA.
Par contre, le parti devra marquer des points au niveau fiscal, budgétaire et socio-économique. Ce dernier point vaut aussi pour l’Open VLD. Ni la N-VA, ni l’Open VLD ne peuvent se permettre des taxes supplémentaires. Du coup, atteindre l’équilibre budgétaire ne pourrait être possible que par un assainissement de la sécurité sociale. Et c’est l’Open VLD qui a la main sur le sujet.
Il n’est pas étonnant non plus que la N-VA remette le confédéralisme sur le tapis. C’est le « corebusiness » de ce parti. Néanmoins, les autres partis doivent veiller à ne pas laisser le monopole sur le dossier réforme de l’état au plus grand parti du pays. Car on ne peut pas dire que la sixième réforme de l’état est une construction claire, transparente et efficace. Dans les faits, les prémices de la septième réforme de l’état se trouvent déjà dans la sixième. Cela n’empêche pas que la N-VA devra présenter un plan clair sur le confédéralisme ainsi que faire la preuve des avantages socio-économique et budgétaire d’une nouvelle réforme de l’État.
Dans les faits le CD&V, l’Open VLD et le Vlaams Belang ne pourront gagner en puissance que s’ils chipent des voix à la N-VA. Le plus grand danger pour la N-VA, c’est que le CD&V et l’Open VLD se positionnent plus à droite. Sauf que, pour l’instant, ils n’ont pas l’air d’en prendre le chemin.
La partie à gauche du spectre politique en Flandre évolue de manière relativement autonome des autres partis. On remarque bien une poussée du PvdA, mais surtout de Groen. Ce gain se fait surtout au détriment de la SP.A. On ne pourra cependant analyser l’équilibre des pouvoirs qu’après les élections de 2018, surtout dans les villes de Gand et Anvers. Si le PvdA ne gagne toujours pas de siège parlementaire en 2019, il restera associé au PTB francophone. Il semble que Groen poursuive tranquillement sa route au contraire d’Ecolo qui perdra des plumes.
Les élections de 2019
Si l’on regarde les tendances politiques des derniers sondages, on peut estimer que la N-VA restera le plus grand parti après 2019. Elle va bien entendu passer son tour pour le poste de premier ministre. On va à nouveau l’offrir au partenaire francophone et ami : le MR. Cette offre de la N-VA ne va certainement pas être contredite par l’Open VLD ni par le CD&V qui n’a plus que très peu d’affinité avec le cdH. De cette façon le MR a trois amis flamands pour lui permettre de rester au 16 rue de la loi.
Le PS va tenter de s’y opposer, mais il ne pourra pas faire grand-chose. Le PS, qui est quand même un parti de pouvoir, pourrait essayer de tenter le MR en lui proposant de participer aux gouvernements régionaux en échange d’une place au fédéral. De cette façon les deux partis francophones les plus puissants pourraient tout régler entre eux. La question serait alors de savoir quels partenaires il y aurait alors du côté flamand. Ou alors le PS va-t-il demander une septième réforme de l’État pour pouvoir sauvegarder ses intérêts wallons ?
Conclusion
De cette analyse on ne peut que conclure que le 16 rue de la loi sera à nouveau occupé par un membre du MR. Y-a-t-il un concurrent en interne à Charles Michel ? La réponse est oui. Qui d’autre que le Machiavel belge: Didier Reynders. Mais celui-ci occupe pour l’instant le poste de ministre des Affaires étrangères et on le sollicite pour toutes sortes de postes prestigieux à l’étranger. Et le MR en tant que seul parti francophone peut facilement placer ses pions surtout que Reynders a une bonne image à l’étranger. Seul bémol, si Reynders s’en va vers d’autres cieux, cela représentera une perte d’expérience non négligeable.
L’occupant actuel du poste est populaire en Flandre, parle bien néerlandais et a le soutien de beaucoup de partis néerlandophones. Avec de tels atouts en mains Charles Michel risque donc bien d’occuper le poste encore en 2020.
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