Quels sont les prénoms les plus donnés dans votre commune (et pourquoi cette question est loin d’être anodine) (cartes interactives)
Marie et Jean: voici les deux prénoms les plus répandus en Belgique francophone. Des prénoms qui ne sont aujourd’hui presque plus donnés. Le Vif a analysé l’évolution des prénoms et ce que cela racontre sur notre société.
On pourrait croire qu’on est libre quand on choisit un prénom à son enfant. Que le choix que l’on pose est le nôtre et le nôtre seul. Or, les prénoms sont de vrais objets sociologiques. Votre choix permet d’en savoir plus sur votre environnement culturel ou la structure de votre famille. Ils parlent de vous, de votre époque en général. C’est du moins l’analyse de Baptiste Coulmont, sociologue des prénoms à l’ENS Paris-Saclay.
Pour étayer cette analyse, Le Vif s’est plongé dans les choix de prénoms en Belgique et a, avec le sociologue, épluché les prénoms les plus répandus de chaque commune wallonne et bruxelloise et les prénoms les plus donnés entre 2011 et 2020 dans chacune de ces communes. Ce qui en ressort est étonnant.
Diversification
Ce qui interpelle le plus le sociologue dans l’analyse de ces prénoms, c’est leur diversification au fil des ans. Dans les cartes ci-dessous, vous pouvez voir les prénoms les plus répandus dans chaque commune en Wallonie et à Bruxelles. Chez les femmes, Marie est le prénom le plus courant dans 90% des communes wallonnes. On voit une légère augmentation de la diversité chez les hommes (Marie n’ayant pas d’équivalent masculin) mais cela reste très peu nuancé. Jean est le plus répandu dans 70% des communes wallonnes, Michel dans 18%.
En cliquant sur votre commune, vous trouverez les trois prénoms les plus répandus ainsi que le prénom le plus donné ces dix dernières années. La suite de l’article est à lire après les cartes.
Cette logique a changé ces dernières années. Sur les prénoms les plus donnés depuis dix ans, Louis revient dans 36 communes, soit dans seulement 13% des communes bruxelloises et wallonnes. Il est suivi par Arthur et Hugo. Et il y 36 prénoms différents dans les prénoms les plus donnés de chaque commune. Même constat pour les prénoms féminins : Léa est le plus donné et l’est également dans 13% des communes. Il est suivi par Emma et Alice.
Ce bouleversement, Baptiste Coulmont l’explique de deux façons. Tout d’abord, plus aucune loi ne régit le choix des prénoms : les parents peuvent donc déclarer le prénom qu’ils souhaitent. Ensuite, « on remarque un changement de la fonction du prénom. Avant 1950, il était très peu utilisé dans la vie courante. On s’appelait par son nom de famille ou son nom d’épouse: on était Mme Dupont. Depuis les années 1970, on a de plus en plus recours à son prénom, à l’école, au travail, dès qu’on rencontre quelqu’un… Pour remplir cette nouvelle fonction, le prénom porté ne peut plus être un prénom porté par des centaines d’autres personnes ». Cette tendance n’est pas seulement observée en Belgique. En France, Baptiste Coulmont a observé que le prénom le plus donné l’était à environ 1% des bébés.
L’originalité est donc de mise. Pour le meilleur mais aussi parfois pour le pire: Fanta, Viola, Margherita, Radi, Erdogan ou encore Kakou sont des prénoms donnés au moins cinq fois dans une même commune chez nous.
Prénoms interchangeables
Autre constat de l’expert : « Beaucoup de ces prénoms apparaissent à mes yeux interchangeables. Les parents de Louis sont probablement les mêmes, socialement, que les parents d’Arthur, ceux de Noah et ceux de Nathan aussi. Et ce sont aussi des prénoms qu’on trouve dans le top 20 des prénoms actuellement donnés aux bébés en France. »
Sur base des prénoms les plus donnés ces dix dernières années et en considérant que deux prénoms (un féminin et un masculin) sont liés entre eux s’ils partagent la première place dans la même commune, le sociologue a donc établi le visuel suivant. Mohamed, s’il a une soeur, a des chances qu’elle s’appelle Lina, et Lina pourrait avoir comme frère nommé Adam… Adam Lucie… Les frères de Giulia ont des chances de s’appeller Enzo, Andrea et Tiago… etc.
Immigration
Ces cartes montrent enfin les traces des migrations (avec la présence de Maria, de Fatima, de Giuseppe et de Mohamed) et des langues parlées (avec des prénoms différents pour la partie germanophone). Elles permettent d’étayer le vieillissement de la population et la diminution de l’imprégnation de la religion catholique sur les choix que nous posons. Marie fut pendant longtemps le prénom le plus donné, en 2020 seules 20 wallonnes ont reçu ce prénom. Huit bruxelloises.
Baptiste Coulmont s’est attardé sur l’aspect migratoire très visible sur la carte bruxelloise des prénoms masculins. « Des parents immigrés ont tendance à donner certains prénoms à leurs enfants: Mohamed notamment, mais aussi Lina, Nour, Aya, Adam, Rayan. » On remarque que dans de nombreuses communes où le prénom Mohamed est le plus donné ces dix dernières années, on retrouve Lina, Sofia ou Nour du côté féminin. « Les mêmes parents peuvent donner le prénom Mohamed si leur enfant est un garçon et Lina si c’est une fille. Si Mohamed est un prénom classique, ce n’est pas du tout le cas de Lina ni de Sofia. L’explication de leur choix par le maintien de l’identité ne fonctionne donc pas entièrement, ou elle ne fonctionne que dans le cas où l’enfant est un garçon. » Le choix du prénom Mohamed est encore particulièrement présent. A Bruxelles ville par exemple où 349 Mohamed sont nés entre 2011 et 2020, seules 177 filles ont été prénommées Lina. « Les prénoms féminins choisis par les parents immigrés sont beaucoup plus variés que les prénoms masculins où Mohamed couvre une partie plus grande des naissances. »
Et votre prénom il dit quoi sur vous?
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici