Carte blanche

Quel est le plan B pour les enfants qui ne pourront pas rentrer à l’école avant septembre?

Oui, le confinement est long, très long, y compris pour les enfants… mais écoute-t-on seulement leur voix lorsqu’ils l’expriment ?

« Mon jour préféré après mon anniversaire c’est le jour de la rentrée des classes »

Voici les mots hautement symboliques qu’une petite fille de 10 ans a glissés à son papa un soir au moment d’aller dormir…

Oui, le confinement est long, très long, y compris pour les enfants… mais écoute-t-on seulement leur voix lorsqu’ils l’expriment ?

A l’heure où le déconfinement progressif prend forme qu’en est-il des enfants ?

Nous faisons le constat que, même si on parle beaucoup d’eux, dans les faits les enfants sont les oubliés du déconfinement. La plupart d’entre eux ne pourront pas rentrer à l’école avant septembre. Mais alors qu’y a-t-il de prévu pour eux ? Quel est le plan B ?

Nous souhaitons mettre en avant leurs intérêts et leurs droits.

Il n’y a pour nous aucune raison médicale valable pour exclure plus longtemps les enfants de la collectivité.

Ils ne sont pas les super-transmetteurs présumés comme dans la grippe.

Les données disponibles à ce jour convergent pour mettre en avant que la majorité des enfants infectés l’ont été au contact avec un adulte positif pour le Covid.

En cas d’infection les précautions seront identiques à celles du reste de la société. Un enfant malade devra immédiatement être exclu de la collectivité. Il sera testé et si le test est positif il sera mis en quatorzaine avec sa famille.

Personne ne veut voir son enfant malade et tout le monde souhaite voir son enfant s’épanouir et progresser dans ses apprentissages. Bien sûr, le risque zéro n’existe pas. Mais si nous pensons la société comme un système global respectant tous les individus, y compris les enfants, ce petit risque est nécessaire pour le bien de tous.

Au Danemark la réouverture des écoles n’a pas entrainé une recrudescence de cas plus de 4 semaines après la reprise.

Par ailleurs les enfants sont très peu infectés et quand ils sont atteints par le virus ils sont peu malades dans la très grande majorité des cas. Les formes graves sont très rares, bien moins fréquentes qu’en cas de grippe ou de bronchiolite. Récemment des cas de complications inflammatoires tardives ont été observés (Syndrome de Kawasaki) dans les régions où le virus a circulé, mais cela concerne un nombre très limité d’enfants. Les pédiatres connaissent bien cette maladie, un traitement existe et le pronostic est favorable si le diagnostic est posé de façon précoce.

Donc en toute logique ce sont les enfants qui devraient être les premiers à être déconfinés.

Permettre aux enfants de retourner à l’école et en collectivité est indispensable pour éviter des effets collatéraux. L’école, outre son rôle pédagogique et social, offre un environnement qui permet de détecter les signes de souffrance physique et psychologique de certains enfants.

Le confinement creuse les inégalités avec un risque accru de négligence, de maltraitance et de manque de surveillance pouvant résulter en une augmentation des accidents domestiques. Nous constatons également plus de troubles du sommeil, d’anxiété et de pertes de repère pouvant être préjudiciables pour l’enfant et son développement. L’usage prolongé des écrans encore accentué par le confinement a par ailleurs un effet délétère qui n’est plus à démontrer.

D’autres avantages comme la cantine gratuite dans certaines écoles sont des éléments importants à mettre dans la balance pour les familles les plus défavorisées. Priver les enfants de cette possibilité supplémentaire d’accès à une alimentation équilibrée constitue une autre atteinte à leurs besoins de base.

Restons positifs et pragmatiques

Pour ceux qui auront la possibilité de retourner en collectivité, nous insistons pour que ce retour puisse se faire dans des conditions sereines et bienveillantes. Des mesures de protection excessives (comme la suppression des espaces de jeux, l’interdiction aux enfants de jouer entre eux, ou l’impossibilité de consoler un enfant) ne sont pas basées sur une évidence et pourraient déboucher sur des situations anxiogènes pour l’enfant, les professeurs et les parents.

L’enfant doit pouvoir évoluer, interagir et jouer normalement.

Nous faisons confiance aux enseignants mais aussi aux enfants, qui doivent être pleinement acteurs de cette nouvelle vie à l’école, pour être créatifs et trouver le juste équilibre entre les mesures barrières et d’hygiène nécessaires et l’harmonie du vivre ensemble. Les mesures essentielles recommandées sont le lavage régulier des mains et l’organisation de classes plus petites (bulles) sans interdire le contact. L’OMS insiste sur le fait que les enfants peuvent être les meilleurs ambassadeurs en termes de mesures d’hygiène et qu’ils doivent être positivement encouragés dans ce sens. Nous insistons également sur le rôle important des parents dans le respect des consignes de sécurité en particulier en rue et à l’entrée des écoles.

Enfin, nous rappelons aux parents l’importance du suivi médical habituel de leurs enfants

et de la poursuite de la vaccination. Il faut impérativement éviter que la pandémie à COVID-19 entraine une recrudescence de méningite, de coqueluche ou de rougeole (bien plus dangereuses pour l’enfant que le Covid) en rapport avec un retard vaccinal. Un rattrapage vaccinal doit donc être organisé dès que possible pour éviter l’éclosion future d’épidémies. Une interruption du suivi classique peut aussi retarder le diagnostic de certains problèmes médicaux.

En conclusion nous faisons la demande expresse aux autorités de donner un signal fort pour que la situation de l’enfant soit mise au centre du débat afin que leurs droits fondamentaux soient respectés.

Dimitri Van der Linden, pédiatre infectiologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc et porte-parole francophone de la task force pédiatrique Covid-19

Petra Schelstraete, pédiatre infectiologue, hôpital universitaire de Gand et porte-parole néérlandophone de la task force pédiatrique Covid-19

Tyl Jonckeers, président de l’association professionnelle belge des pédiatres et coordinateur de la task force pédiatrique Covid-19

Marianne Michel, cheffe de service de pédiatrie, Clinique St Pierre Ottignies et vice-présidente de l’association professionnelle belge des pédiatres

Anne Tilmanne, pédiatre infectiologue et hygiéniste, hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola

Marc Raes, président de la Société Belge de Pédiatrie et coordinateur de la task force pédiatique Covid-19

An De Guchtenaere, département de pédiatrie UZGent et représentante de la European Academy of Pediatrics

Els Duval, chef de service des soins intensifs pédiatriques, hôpital universitaire d’Anvers

Marc Hainaut, pédiatre infectiologue, CHU Saint-Pierre

Julie Frère, pédiatre infectiologue, CHU Liège

Olga Chatzis, pédiatre infectiologue, Cliniques universitaires Saint-Luc

Stéphane Moniotte, chef de département de pédiatrie, Cliniques universitaires Saint-Luc

Jean-Philippe Stalens, chef de service de pédiatrie, Centre Hospitalier de Wallonie Picarde

Patricia Carlier, Valérie Vandresse, Michèle Loop, Nathalie Debroux, Vanessa Largent, pédiatres en pratique privée

Herman Goossens, professeur de Microbiologie, Université d’Anvers

Pierre Van Damme, professeur à l’Université d’Anvers, Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé

Pierre Smeesters, chef de service de pédiatrie, hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola

Koen Vanden Driessche, infectiologue pédiatre, hôpital universitaire d’Anvers

David Tuerlinckx, chef de service de pédiatrie, CHU Namur-Dinant

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