Quatre infographies qui montrent comment la famille a évolué en 40 ans
Les rôles masculins et féminins ont évolué vers plus d’indifférenciation. La famille traditionnelle s’effrite au profit de modèles plus en phase avec ces nouveaux modes de vie.
Comme le décrit la sociologue Marie-Agnès Barrère-Maurisson, les années 1960-1970 se caractérisent par un mouvement important de salarisation de la main-d’œuvre féminine, conjointement au développement du secteur tertiaire. «C’est la fin d’une hégémonie, jusqu’alors séculaire, pour la famille conjugale, celle où seul l’homme travaillait tandis que la femme s’occupait du foyer» et le début, à partir des années 1980, du «parentalisme» et de la vie en CDD, en conclut la chercheuse du CNRS au Centre d’économie de la Sorbonne. «La progression du travail des femmes contribue à fixer un nouveau type de famille: la famille à deux actifs équivalents. Ces évolutions vont dans le sens d’une plus grande autonomie des individus dans la famille, et d’une reconnaissance de droits égaux, rendant plus accessible la vie séparée. Les divorces se multiplient, témoignant de la difficulté à concilier désormais ce double rôle, à la maison et au bureau, facilité sans doute par une plus grande autonomie financière de chacun des partenaires. Cela conduit à une multiplication des unités parentales. A côté des couples à deux actifs, majoritaires, se développe une nouvelle forme: la monoparentalité.»
Les adultes ne sont plus forcément parents ensemble, ils sont parents à deux, de façon bilatérale, d’un enfant commun.
Ces profonds bouleversements apparaissent aussi dans les courbes qu’Ester Rizzi interprète. En l’espace de quarante ans, les registres de l’état civil ne montrent plus la même réalité: «Avec la transition démographique opérée dans les années 1960 et 1970, la fécondité est passée sous le seuil de remplacement des générations de 2.1 enfants par femme, souligne la professeure de démographie de l’UCLouvain. De plus, elle s’accompagne de changements importants dans les unions, de l’augmentation des naissances hors mariage et du travail des femmes. A cela s’associent aussi des changements de valeurs dans la société avec, outre la sécularisation, une augmentation de l’individualisme, avec une emphase sur la réalisation de soi.»
Portraits de famille
Si on devait tirer le portrait de la famille traditionnelle de 2023 et le comparer à celui pris en 1983, voici ce qu’on y verrait:
Un ou deux enfants
Amorcé dans les années 1960, le déclin de la fécondité se poursuit pour atteindre son niveau le plus bas vingt ans plus tard: autour de 1.5 enfant par femme. On observe une légère remontée vers 2002, pour frôler la moyenne de deux enfants par famille vers 2008-2010. Mais la courbe replonge ensuite pour atteindre son niveau le plus bas à partir de 2020. «Le rebond de la fécondité des années 2000 est dû au fait que beaucoup de femmes nées dans les années 1970 et qui avaient retardé leur maternité commencent à donner naissance. Cela se reflète dans l’augmentation de l’indice conjoncturel de la fécondité, décrypte Ester Rizzi. Ensuite, la crise économique de 2008 a causé un nouveau retardement dans le choix d’enfanter parmi les générations de femmes en âge de procréer.»
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Où sont les alliances?
Alors qu’ailleurs, comme en Suède, on observe un accroissement des naissances hors mariage depuis les années 1970, puis un tassement aux environs des années 1990, chez nous, le phénomène ne s’est accentué qu’à partir des années 1980. Ces dernières années, la Belgique s’est fortement rapprochée du niveau suédois de 50% de naissances hors mariage.
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Tailleur-baskets…
Plus libres, plus actives, les mères sont plus présentes sur le marché du travail. Une tendance qui s’observe un peu partout en Europe. La Belgique n’est d’ailleurs pas vraiment dans le top: 35% des femmes (de 16 à 60 ans) avaient un job dans les années 1980, contre 60% vers 2016, tandis que l’Allemagne, elle, se rapproche des 75% qu’affiche l’indétrônable championne, la Suède. A noter que le pourcentage belge est plus élevé chez les femmes plus jeunes: 75% de celles qui ont au moins un enfant âgé de moins de 14 ans travaillent. On notera que les papas sont, globalement, plus impliqués dans l’éducation des enfants. Ça aussi, ça a évolué.
… pour faire plus jeune
La mère d’aujourd’hui est moins jeune que sa maman à elle quand elle était petite. L’âge moyen des femmes pour un premier enfant avait déjà commencé à grimper dans les années 1970: entre 26 et 27 ans. Dans les années 1980, il tourne autour des 27-28 ans. Actuellement, il atteint les 29 ans.
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Un air de famille(s)
Les familles recomposées ne sont plus l’exception. Dans les eighties, les rares divorces étaient mal acceptés. Aujourd’hui, on se sépare avec ou sans fracas, mais plus vite: quatre divorces pour dix mariages, sans compter les cohabitations (environ la moitié du total des unions) et leurs ruptures.
Face à de telles destructurations-restructurations de la famille, pointait déjà Marie-Agnès Barrère-Maurisson en 2012, le souci public est devenu la protection de l’enfant, seul repère dans ce contexte: «Ce n’est plus le couple conjugal qui fonde la famille à travers la descendance et la filiation ; c’est l’enfant qui, d’une certaine façon, définit la relation à son père d’un côté, à sa mère de l’autre. Les adultes ne sont plus forcément parents ensemble (c’est-à-dire sous le même toit), mais parents à deux, de façon bilatérale, d’un enfant commun.»
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