Publifin : multiples tensions lors de l’audition de la directrice générale
L’audition de la directrice de Publifin Bénédicte Bayer par la commission d’enquête parlementaire a connu plusieurs moments de tension jeudi après-midi, notamment lorsque les députés ont abordé la décision des rémunérations fixes des trois comités de secteur.
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Ils n’ont pas obtenu de réponse sur la raison pour laquelle ces comités de secteur, créés mi-2013, rémunéraient tous les membres par des émoluments fixes comme si ces organes étaient décisionnels alors qu’ils n’étaient que consultatifs. Et ce, sans plus recourir aux jetons de présence comme c’était le cas pour les membres du comité de secteur gaz (2010-2013), auquel ils se référaient pourtant.
« La cellule de contrôle des mandats de la Région wallonne a eu l’information », a répondu Mme Bayer. Cette cellule sera entendue la semaine prochaine. Pour le reste, la directrice renvoie au pouvoir politique et réfute toute responsabilité du management à contrôler le fonctionnement de ces organes.
La suppression, dans une copie de procès-verbal transmise par le groupe Publifin à l’administration wallonne, d’une phrase attribuant au comité de rémunération de l’intercommunale la responsabilité de décliner les modalités de rémunération des comités, n’a pas non plus obtenu de réponse. « Je ne dispose pas de la même version » du document, a répondu Mme Bayer.
Quant au fait que ces rémunérations n’ont pas été approuvées en assemblée générale mais seulement en CA, il résulte d’une interprétation juridique, a affirmé Mme Bayer, confirmant la position de son groupe que les députés contestent.
Ces derniers n’ont pas non plus reçu de Mme Bayer, qui est pourtant membre du comité de direction de Nethys, de clarifications suffisantes sur le contrôle public des filiales privées du groupe, ni sur la question de l’utilisation éventuelle de bénéfices du gestionnaire de réseau de distribution (GRD) RESA pour investir dans des activités commerciales du groupe. Certains députés soupçonnent un renflouement illégal des activités déficitaires du groupe, qui aurait fait perdre des dividendes aux communes, ce que le groupe Publifin conteste.
Bénédicte Bayer a assuré que les nominations n’étaient pas politisées chez Nethys, mais elle a reconnu que c’était à la demande de Stéphane Moreau qu’elle était arrivée dans ce groupe, après avoir travaillé à l’administration communale d’Ans.
Le statut d’indépendante de Mme Bayer a également suscité les interrogations des députés, vu la permanence des missions qui lui sont confiées. « Je n’ai pas de liens de subordination, je donne des impulsions et je fixe la stratégie », a-t-elle répondu, accusée par les députés de jouer sur les mots.
Interrogée sur son appartenance à la commission de vigilance du PS liégeois, Bénédicte Bayer a assuré qu’elle n’en avait pas démissionné. « Seuls les affiliés peuvent me démissionner. »
Une « boutade »
Bénédicte Bayer a également refusé de dévoiler, aux députés de la commission d’enquête, ses rémunérations dans les sociétés privées de Nethys. Mais elle a défendu la nécessité d’une vision libérale pour le groupe, confronté à une concurrence acharnée.
Mme Bayer, l’un des bras droits de Stéphane Moreau, est salariée contractuelle à mi-temps chez Publifin mais payée 1/5e temps, « ce que je ne savais même pas » jusqu’il y a peu, a-t-elle confessé. Sa rémunération dans l’intercommunale est de quelque 2.000 euros bruts par mois. Mais son statut suscite l’étonnement des députés, car elle est surtout indépendante chez Nethys. Elle y gère aussi les ressources humaines, comme chez Publifin, ainsi que six autres départements. A cet égard, elle défend une nécessaire souplesse de gestion que lui confère son statut d’indépendante, mais réfute toute volonté d’éviter l’impôt.
Mme Bayer a refusé de confirmer le montant annuel de 232.000 euros qu’elle gagnerait chez Nethys selon Le Vif. Elle revendique le respect de la vie privée. Ses déclarations à la presse comparant ses rémunérations à celle d’un ouvrier ne relevaient que de la « boutade mal placée ». « Je le reconnais, c’était maladroit, je ne voulais pas être péjorative par rapport au monde ouvrier », a-t-elle dit, évoquant la fatigue et le stress et se retranchant derrière une mauvaise interprétation de ses propos par la presse.
Concernant les comités de secteur de Publifin, Mme Bayer a adopté la même ligne de défense que le secrétaire général, Gil Simon, renvoyant au conseil d’administration la responsabilité de la création et des rémunérations pratiquées, et aux présidents et membres de ces comités la responsabilité des dysfonctionnements.
« Le management n’est pas là pour contrôler les administrateurs »
Elle-même n’en a jamais été informée avant les révélations dans la presse, assure-t-elle. « Le management n’est pas là pour contrôler les administrateurs ».
La directrice générale a refusé de répondre aux attaques syndicales sur le climat social. « Vous avez vu que les relations syndicales sont au beau fixe », a-t-elle dit non sans dépit. Elle évoque une enquête sur le bien-être au travail dont les résultats sont positifs à ses yeux. Sur le front de l’emploi, l’intercommunale emploie encore près d’un millier d’agents, et ce chiffre aurait été divisé par deux si le groupe n’avait pas absorbé diverses intercommunales et adopté une structure faisant la part belle aux sociétés privées. En pleine libéralisation, le groupe aurait été « un oiseau pour le chat Ores ».
A ses yeux, « la vraie logique était de pérenniser l’emploi, le garder en Wallonie ». L’intercommunale ne doit dès lors pas être vue comme une coquille vide, mais c’est une intercommunale en voie d’extinction. « On n’engage plus, il n’y a pas de besoin puisque les agents s’adressent à moi en disant qu’ils n’ont pas assez de travail ».
« Oui, je m’exprime de façon très libérale. On aurait préféré rester en monopole, mais on n’a pas le choix, si on n’est pas concurrentiels et performants, on disparaît », a-t-elle assuré. « J’ai beau défendre le secteur public, ce costume est trop étriqué pour nous », a-t-elle dit, évoquant notamment les charges de pensions et autres avantages du secteur public. « On doit faire une économie de 20 millions d’euros sur la prochaine période tarifaire ».
‘Branleurs de mouches’…
Enfin, Bénédicte Bayer a expliqué le véritable sens qu’elle dit avoir donné à une expression triviale qu’avait mise dans sa bouche la syndicaliste Christine Planus (CGSP) plus tôt dans la journée, et qui a fait le tour des réseaux sociaux et des médias en ligne.
Selon Mme Planus, la directrice se montrait particulièrement irrespectueuse envers le personnel. « Il faut savoir qu’elle traite le personnel de Publifin de ‘branleurs de mouches' », avait affirmé la syndicaliste.
Mme Bayer a reconnu avoir utilisé cette expression, mais elle ne visait pas le personnel de l’intercommunale, assure-t-elle. Elle visait le cas d’un travailleur, licencié depuis, qui avait frappé à deux reprises une femme dans les locaux de la société, vivait sur les lieux de travail et avait passé une journée à ne rien faire au travail, a-t-elle détaillé. Face à la grogne sociale contre le licenciement, Mme Bayer avait lancé que « c’est ce genre de comportement qui fait que l’on dit de nous qu’on est des branleurs de mouches », a-t-elle expliqué.
Report d’auditions
Le bureau de la commission d’enquête Publifin du parlement wallon a par ailleurs décidé de reporter les auditions de quatre administrateurs PS, MR, cdH et Ecolo du groupe, initialement programmées cet après-midi à la suite de l’audition de la directrice Bénédicte Bayer. Les travaux de ce jour duraient en effet plus longtemps que prévu.
Ces auditions sont reportées au 13 avril à 10h00. Une semaine plus tôt, le 6 avril, les députés travailleront avec les experts à huis clos.