Hugues Le Paige
PTB : l’épreuve des urnes, la question du pouvoir
Deuxième parti en Wallonie, avec 20,5 % des intentions de vote, le PTB réalise le » sorpasso » et devance le PS[1]. Situation inimaginable, il y a quelques mois encore. Dépassement sans doute éphémère mais symboliquement fort.
Le PTB devient, par ailleurs la 3eme force à Bruxelles (14,1%) et progresse modérément en Flandres. Il y a des circonstances particulières et ce ne sont que des sondages, certes, certes… mais ils se confirment vague après vague. Au-delà de ces sondages, Il faut donc s’interroger sur les modifications en cours et à venir du paysage politique.
La question du pouvoir est centrale pour toute formation politique. Par vocation, un parti ambitionne de faire triompher ses idées et ses valeurs et de les mettre en application. Et donc, la nouvelle confirmation – spectaculaire- de la montée en puissance du PTB dans les sondages pose naturellement la question de l’attitude de la gauche radicale face au pouvoir. Ses adversaires l’accusent de ne pas vouloir prendre ses responsabilités. Ce n’est pas nouveau. La parabole des « mains dans le cambouis », particulièrement chère au PS témoigne d’abord du désarroi d’un parti qui a participé aux gouvernements durant plus de trente ans au prix de concessions grandissantes et dont toute une génération de dirigeants n’imagine même pas l’exercice de la politique sans celui du pouvoir. L’actualité récente a montré jusqu’où les dérives du pouvoir permanent et sans contrôle pouvaient conduire. Les mains ne sont plus seulement dans le cambouis… Cela dit, la question de l’attitude du PTB face à la question du pouvoir sera évidemment posée lors prochaines campagnes électorales. A condition, bien sûr, que l’épreuve des urnes confirme les promesses des sondages.
Les élections et la rue
On connait la position du PTB sur la place des assemblées parlementaires, régionales ou communales. La formule « rue-parlement-rue » la résume parfaitement. La présence sur le terrain, le soutien aux luttes politiques, sociales ou sociétales est prioritaire et, en tous cas, inséparable d’une activité parlementaire. Malgré un nombre restreint d’élus, jusqu’ici, le PTB a d’ailleurs utilisé au mieux le porte-voix que constitue la tribune parlementaire. L’autre principe intangible étant les conditions de vie et donc salariales des élus qui doivent être celles de leur propre électorat. Dans le contexte de l’argent-roi qui a dévoré certains élus PS (et autres), cette position éthique vaudra son pesant de voix. Mais là-dessus le PTB ne doit même pas faire campagne, les événements et les autres s’en chargent.
Les derniers sondages obligent le PTB à affiner sa stratégie électorale. La croissance exponentielle en nombre de membres (de 2.500 à 10.000 en moins de 10 ans) et l’augmentation potentielle en nombre d’électeurs modifient à la fois la stratégie et la nature d’un parti. Certes, le PTB a déjà anticipé cette problématique dans sa réflexion politique et idéologique. En reprenant à son compte le concept d’ « hégémonie culturelle »[2] Concept cher au philosophe marxiste italien Antonio Gramsci et bien loin de Staline…et de Lénine , le PTB sait qu’il doit d’abord gagner la bataille des idées pour que les éventuels succès électoraux ne soient pas que des feux de paille. La partie n ‘est pas gagnée…
L’élargissement de la base sociale du parti qui n’est plus seulement celui de militants formés et convaincus complexifie inévitablement la vision globale de la société. Elle exige aussi un effort considérable de pédagogie notamment auprès de tous ceux qui s’étaient réfugiés dans l’abstention par dégout et rejet de la politique. C’est là, à la fois, un défi et un honneur pour un parti politique. Le nombre et la composition des futures listes électorales ne seront pas un exercice simple. Un parti en croissance aussi rapide ne peut se permettre de se vider de ses cadres pour fournir des candidats. Pour les communales de 2018, le PTB doit donc éviter de faire la course aux élus que promettent les sondages, comme de céder aux transfuges opportunistes qui ne manqueront pas. De ce point de vue, la position du parti semble claire : il y aura des listes là où existent des sections implantées localement. Toujours la conjonction « terrain-assemblée »… Pour les autres scrutins (législatif, régional, européen), la question se pose autrement puisqu’il s’agit là de se compter et de profiter de la campagne pour faire avancer des idées et un programme.
L’équation du pouvoir
L’équation du pouvoir se posera donc au PTB. D’abord parce que l’arithmétique électorale pourrait l’imposer au moins au niveau communal et régional. Ensuite, parce que ses adversaires n’auront de cesse de dénoncer ceux qui refusent de se « salir les mains ». Le PTB a déjà répondu à la question mais il devra y revenir pour ne pas laisser le champ libre à ses contradicteurs mais aussi pour être à la hauteur des attentes qu’il suscitera inévitablement, en particulier, dans son nouvel électorat moins politisé mais tout aussi exigeant. « Nous ne serons jamais les nouveaux marchands d’illusions. Nous ne ferons pas de promesses. Mais nous disons clairement à nos électeurs que voter pour nous, c’est aussi nous accompagner dans la mobilisation » disent les dirigeants du PTB. Le parti de la gauche radical a, par ailleurs, toujours indiqué que sa participation à des coalitions gouvernementales était conditionnée par deux éléments essentiels : peser dans un rapport de forces (ne pas être comme Ecolo dans les années 90, une simple troupe supplétive) et refuser les actuels traités européens qui condamnent à l’austérité. Seul parti national, le PTB est de surcroit soucieux de son implantation au Nord comme au Sud du pays. Au niveau communal, des participations seront certainement plus faciles mais là aussi le rapport de force sera essentiel. Ce discours tranche avec les pratiques des forces politiques traditionnelles mais dans le contexte de la crise politique généralisée qui s’ajoute aujourd’hui à la crise économique et sociale, la gauche radicale est sans doute la seule alternative face à la montée du populisme, à la tentation de l’extrême droite et à la crise majeure de la social-démocratie. Au-delà même du sort électoral du PTB, l’inscription durable dans le paysage politique d’une force anticapitaliste qui se revendique du marxisme est un enjeu pour tous ceux qui souhaitent une réhabilitation de la politique.
[1] SondageDedicaded La Libre Belgique- RTBF du 25/03/2017
[2] Concept cher au philosophe marxiste italien Antonio Gramsci et bien loin de Staline…et de Lénine
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