Hugues Le Paige
PS-PTB : équation pour un laboratoire
Alors que le « réalisme » d’Ecolo est largement salué par le monde médiatique et les partis traditionnels, ceux-ci n’ont eu de cesse de mettre en demeure le PTB de « prendre ses responsabilités » et de faire la preuve de sa volonté et de sa capacité de participer au pouvoir.
La » vague verte » et la forte percée du PTB lors de ce scrutin communal du 14 octobre ont déjà été largement commentées. On n’y reviendra pas sauf pour noter que la double victoire de l’écologie politique [1] et de la gauche radicale fait de la Belgique francophone une véritable exception électorale alors que tous les scrutins européens de ces derniers temps se sont soldés par des succès de l’extrême droite et/ou des droites dures. D’autres commentaires se pencheront certainement sur les raisons d’existence de ce phénomène unique.
Alors que le « réalisme » d’Ecolo est largement salué par le monde médiatique et les partis traditionnels, ceux-ci n’ont eu de cesse de mettre en demeure le PTB de « prendre ses responsabilités » et de faire la preuve de sa volonté et de sa capacité de participer au pouvoir là il serait en mesure de la faire. On connait, chez nous, la tradition grotesque et foncièrement antidémocratique qui pousse les partis traditionnels à conclure des accords de « coin de table » la nuit même des élections, en ayant pour objectif premier le partage du pouvoir sans même avoir discuté d’un programme.
On saisit évidemment la portée instrumentale de l’injonction et la volonté de disqualification qui la soutient. Mais on ne peut pour autant ignorer la réalité de la question qui était déjà posée dans de nombreux débats préélectoraux et qui sera au centre des campagnes à venir. Le bond en avant électoral de la gauche radicale lors du scrutin communal et la dynamique qu’il peut entrainer pour les consultations de 2019 obligent à affronter ce défi difficile pour toute formation qui s’est construite dans l’opposition au modèle dominant.
On sait que le PTB n’est pas opposé par principe à une participation à des majorités communales, mais à condition d’y peser réellement et de conclure un « véritable programme de changement ». Dans le contexte actuel, les propositions des leaders socialistes détenteurs d’une majorité absolue relèvent de la pure posture. On ne voit pas comment le PTB pourrait accepter cette figuration destinée essentiellement à le compromettre.
Par contre un cas de figure, celui de Molenbeek, pose véritablement débat.
L’invitation immédiate lancée par la socialiste Catherine Moureaux au PTB en vue de négocier la formation d’une majorité progressiste à Molenbeek est politiquement intelligente et tactiquement habile. On peut épiloguer à perte de vue sur la sincérité de l’appel. François Mitterrand disait – c’était à l’époque à propos des communistes français – « fonder une politique sur les intentions que l’on prête aux autres n’a pas de sens. L’important est de créer les conditions qui font que les autres agissent comme s’ils étaient sincères »…
Mais voilà, le PTB sera-t-il en mesure de créer ces conditions ? L’enjeu est de taille : tout simplement la création d’un laboratoire politique inédit. Le PTB sera-t-il en mesure d’obtenir un véritable programme de rupture non seulement par rapport à la majorité libérale-écolo-CDH sortante, mais aussi vis-à-vis des pratiques clientélistes des dernières mandatures socialistes (et dont les acteurs sont toujours présents au PS local) ? La tâche s’annonce très ardue. La difficulté à s’accorder sur un calendrier de négociation en témoigne déjà. Il faut donc se garder des illusions. D’autant que les conditions budgétaires et sociales locales sont particulièrement difficiles. Mais si les conditions de sa participation étaient réunies, le PTB se devrait de saisir cette occasion tout en sachant qu’il est évidemment d’abord redevable vis-à-vis de ses électeurs qui ont manifesté la volonté d’un changement radical.
En dépit de toutes ces incertitudes, une issue favorable répondrait à l’appel réitéré de la FGTB Wallonne en faveur de ce type d’alliance et créerait une situation politique sans précédent pour la gauche. Pour le PTB qui pourrait faire ses preuves au niveau communal et pour Catherine Moureaux qui occuperait, au sein de son parti, un positionnement de gauche que le PS a abandonné depuis des décennies. Telle est bien la difficile- et passionnante- équation pour un laboratoire qui pourrait changer la donne politique.
[1] Qui oscille entre centre gauche et centre droit comme en témoignent les alliances de majorité à géométrie variable promptement conclues par Ecolo.
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