Olivier Mouton
PS – N-VA : quand Di Rupo mange sa parole
Elio Di Rupo ne dit plus non à la N-VA. C’était prévisible. Et cela induit une leçon : et si l’on arrêtait ces exclusives dénuées de sens.
Le PS se prépare donc à manger sa parole. Son président Elio Di Rupo l’a dit ce matin à la RTBF, prudemment faut-il préciser : le temps n’est plus aux exclusives. Autrement dit, la porte est ouverte à des discussions avec la N-VA, alors que de premières approches ont vraisemblablement eu lieu en coulisses. Voilà un propos sage d’homme d’Etat, à l’heure où deux informateurs royaux tentent de déminer une situation particulièrement compliquée. Cette position est normale et inévitable : PS et N-VA sont les deux premiers partis dans leur communauté, ils ont la main pour composer les majorités et ils sont incontournables pour une majorité dans chaque groupe linguistique.
Voilà un propos sage, peut-être, mais quel retournement de situation, quel cynisme, quel affront fait au « peuple de gauche » qui méprise ouvertement De Wever, Francken & co. Le président du PS mange littéralement sa parole comme il l’avait reproché vertement à Charles Michel de le faire quand il était devenu Premier ministre d’un gouvernement « MR / N-VA » en 2014, après avoir juré ses grands dieux qu’il ne gouvernerait pas avec les nationalistes flamands. Nos responsables politiques seraient donc prêts à tout pour arriver au pouvoir ? Mentiraient-ils comme des arracheurs de dents avant le scrutin pour grappiller quelques votes ? Elio Di Rupo est certes confronté à une situation inédite, où les exclusives ne mèneraient qu’à une crise longue et profonde, mais n’était-ce pas annoncé avant même le scrutin du 26 mai dernier ? Ce cynisme fait « mal au coeur »…
On peut certes saluer ce geste parce qu’il pourrait déverrouiller une situation apparemment insoluble. Cette levée de veto ne suffira d’ailleurs peut-être pas. Parce que les projets des nationalistes flamands et des socialistes francophones sont à ce point antagonistes qu’on ne voit guère un rapprochement aisé, du moins sans envisager de nouvelles avancées institutionnelles. Tant la N-VA que le PS soufflent, en outre, le chaud et le froid : De Wever invite le Vlaams Belang pour un troisième round de discussions en fragilisant le cordon sanitaire, Di Rupo était prêt à négocier avec le PTB et continue à évoquer la « très grande rancoeur » du peuple de gauche à l’égard du MR. Ce sont sans doute des manoeuvres pour dire aux électeurs que l’on a compris le signal, avant d’opter pour le choix de la responsabilité. A situation exceptionnelle, revirements exceptionnels, il est vrai.
Tout cela a pourtant de quoi faire bondir. Ne serait-il pas temps de cesser ces anathèmes et ces exclusives en guise de postures préélectorales, en sachant très bien qu’elles risquent d’être intenables par la suite ? Ne pourrait-on pas considérer l’électeur comme un adulte, capable de comprendre la complexité de notre échiquier politique ? Ou, si cela semble impossible, n’est-il pas venu le temps de tirer les conclusions qui s’imposent, de simplifier le jeu de façon drastique (appelez-ça confédéralisme ou autre chose) et de rédiger une nouvelle page ?
Parce que le risque de tout ce cinéma, c’est de nourrir davantage encore des extrêmes qui le savent très bien et qui s’en frottent déjà les mains…
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