Professeur à l’étranger: les bons et les mauvais côtés de cette aventure humaine
Plusieurs parcours sont possibles lorsqu’un professeur décide de partir à l’étranger, que ce soit dans les écoles dites «à programme belge» et via dans d’autres structures à travers le monde.
Lorsqu’il a terminé son agrégation d’histoire, Renaud s’est retrouvé face à la dure réalité des professeurs débutant leur carrière. Il y a des pénuries dans le métier, certes, mais pas pour des postes fixes. S’il veut enseigner, il lui faut enchaîner les remplacements, en attendant qu’une place se libère, ce qui peut prendre des années.
C’est alors qu’il reçoit une offre: travailler dans une des écoles «à programme belge» installées en Afrique, plus précisément dans son cas à Lubumbashi. Avec sa compagne, elle aussi enseignante, il part, et il est loin d’être le seul. Face aux difficultés rencontrées en Belgique, d’autres professeurs ont pris le chemin de l’étranger, que ce soit dans une de ces écoles belges, ou en empruntant un autre parcours.
Les écoles belges en Afrique, côté pile et côté face
A Lubumbashi, Renaud avait a priori tout ce dont il pouvait espérer. Tout est pris en charge dès son arrivée à l’aéroport. Le logement lui est offert, il découvre une autre culture, les élèves sont gentils, etc. «On est vraiment bien encadré, raconte-il, ce qui est rassurant quand on n’est jamais parti à l’étranger.» Globalement, le salaire est le même qu’en Belgique. Mais puisqu’il preste davantage d’heures, avec des cours d’histoire mais aussi de latin, français, morale, etc., il gagne plus in fine.
Clément (prénom d’emprunt), qui est passé par plusieurs de ces écoles belges, confirme. «J’ai pu économiser et cela a permis d’assurer ma sécurité financière, ce que n’offraient pas les remplacements en Belgique. J’ai aussi eu une offre pour aller dans un lycée français mais je l’ai refusée. Là-bas, ils n’engagent les Belges qu’avec des contrats locaux, pas en tant qu’expatrié.»
Mais il y a un revers à la médaille dans ces écoles belges: l’ancienneté de ceux qui ne sont pas nommés n’est pas prise en compte. «Je me souviens d’une dame qui est rentrée en Belgique après 20 ans en Afrique, raconte Clément. Elle s’est retrouvée avec un salaire de 1.600 euros.» «Un collègue resté quinze ans au Congo a fait le compte: pour lui, financièrement, ce n’était pas intéressant par rapport à une carrière en Belgique», témoigne Renaud.
Mais les problèmes ne s’arrêtent pas là. Renaud cite entre autres le sentiment d’avoir vite fait le tour de ce qu’il avait à faire, d’où un turn-over assez rapide, ou encore le fait d’être entouré d’élèves issus d’un milieu très privilégié en décalage par rapport à la pauvreté qu’il trouve au-delà des murs de l’école. Il parle également de tensions au sein de l’administration scolaire, avec d’étranges licenciements. «Il y a des gros soucis, et pas qu’à Lubumbashi.» Puis ce qu’il l’a choqué, c’est un racisme encore bien présent chez certains Occidentaux. «Là-bas, ils vivent encore fort dans les années 50.»
Autant d’aspects négatifs qui l’ont incité à revenir en Belgique. Clément est lui aussi conscient de ces mauvais côtés, mais il n’oublie pas les avantages. Puis il a trouvé l’amour sur place, donc il devrait rester au moins plusieurs années encore.
Sortir des sentiers battus: un vrai défi, mais épanouissant
Laurence Bodson a suivi une tout autre voie. Cette Liégeoise n’a pas reçu l’aide d’une structure aussi bien organisée que les écoles belges, mais elle a réussi à travailler dans une école maternelle et primaire privée en Turquie. Son expérience à l’étranger aurait pu s’arrêter là, mais coup de chance: elle est alors invitée à travailler en Azerbaïdjan pour enseigner au petit-fils du président Président Aliyev. Cela a débloqué sa carrière, avec logement gratuit, des repas et transports payés, etc.
«C’était très intéressant, mais il y avait beaucoup de pression aussi», se souvient-elle. Trop de pression même. Elle n’en pouvait plus de cette Bakou polluée et elle a décidé de partir en Autriche. Elle avait le choix entre des écoles publiques, avec un meilleur salaire, ou le privé, où il est plus facile d’entrer. Finalement, il opte pour l’Institut français. Et aujourd’hui, elle est devenue professeure de français dans une école en Suisse. Un pays à la qualité de vie qui lui convient, avec de bons revenus, et où il est assez facile de trouver un emploi d’enseignant, à condition de parler l’allemand.
«Je pense que les opportunités que l’on a à l’étranger pèsent vraiment dans notre CV, et cela nous ouvre des portes», explique-t-elle. Alors oui, revenir en Belgique, c’est peut-être compliqué à cause de l’ancienneté non comptabilisée. «Mais de toute façon, il va falloir trouver une solution pour tous ces jeunes qui veulent voyager. Avec l’Union européenne, j’ai l’espoir que cela change.»
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici