Thierry Denoël

Procès De Gelder : la fable de Kim

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le jury de la cour d’assises de Gand devra déterminer si Kim De Gelder est responsable ou non du meurtre de deux bébés et d’une puéricultrice, dans une crèche de Termonde. Mais au-delà de la responsabilité individuelle du tueur, se pose la question de la responsabilité générale. Ce débat-là n’aura pas lieu devant la cour. Dommage.

Un mois de procès, 180 candidats jurés, 28 avocats, des caméras du monde entier… Le procès qui s’ouvre à Gand est une aubaine pour un tueur narcissique comme Kim De Gelder qui selon l’accusation « s’identifie à un dieu ayant le pouvoir de vie et de mort sur les autres ». À 23 ans, son palmarès est effrayant : le 23 janvier 2009, il a tué deux bébés et une de leurs puéricultrices dans la crèche « le pays des fables » à Termonde. Ce jour-là, armé de couteaux, protégé par un gilet en kevlar, il avait projeté de continuer son équipée dans d’autres crèches de la ville flamande. Une semaine auparavant, il avait assassiné une dame de 72 ans à Beveren.

Ses actes étaient prémédités. Il ne s’agit pas d’un coup de folie soudain. Il avait tout préparé. Armement, déguisement, itinéraire, cibles. Son avocat soutient néanmoins que son client est irresponsable de ses actes et qu’il doit être interné. Le jury aura fort à faire pour trancher cette question qui déchire les experts psychiatriques saisis du dossier. Voilà l’enjeu du procès De Gelder : la prison ou l’établissement de défense sociale pour ce tueur de bébés ?

Mais, au-delà de la responsabilité individuelle de ce tueur de masse (l’accusation le qualifie aussi de tueur en série), sur laquelle il faut laisser le jury se prononcer, se pose la question de la responsabilité générale. Celle-ci ne disculpe en rien Kim De Gelder, mais elle ne peut être balayée d’un revers de main agacé. Kim De Gelder est loin d’être un cas isolé. Ces dernières décennies, les tueurs en série et les tueurs de masse se sont multipliés de manière inquiétante en Belgique et ailleurs. Depuis le massacre du lycée Columbine en 1999 et son extrême médiatisation, on dénombre une cinquantaine de tueries en milieu scolaire à travers le monde. La dernière qui a frappé les États-Unis, à Newton, a fait très mal : 26 morts, dont 20 jeunes enfants.
Ces tueurs de masse ont tous de nombreux points communs : ce sont des individus isolés, introvertis, souvent jeunes, qui ont subi des brimades ou des échecs durant leur enfance, qui n’ont pas ou peu d’amis proches. Ils veulent se venger contre la société en frappant là où ça heurte le plus. Fascinés par les armes. Ils s’adonnent à des plaisirs solitaires, comme les jeux vidéo.

Presque tous se déguisent pour commettre leur forfait.
Véritable fou ou simulateur, Kim De Gelder n’échappe pas à cette description. Ce qui laisse penser que d’autres Kim De Gelder sommeillent autour de nous. Sans vouloir verser dans la psychose, il faut pourtant ouvrir les yeux. Les 26 morts de Newton sont là pour nous le rappeler. La tuerie de masse n’est plus une exception américaine. Il y a forcément une responsabilité générale à laisser des jeunes désoeuvrés s’abîmer encore plus l’esprit dans la solitude et les jeux vidéo ultra-violents, parfois jusqu’à commettre l’irréparable. Oui, il y a une morale à la fable noire de Kim De Gelder. Sécuriser les crèches et les écoles ne sera pas suffisant…

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