Gérald Papy
Prise d’otages en Algérie : la contagion malienne ?
Si elle est liée à l’opération militaire au Mali, l’attaque du site pétrolier d’In Amenas est avant tout une réponse au soutien, pourtant mesuré, du pouvoir algérien à la France.
La prise d’otages d’In Amenas en Algérie, une semaine après l’entrée en guerre de la France au nord de Bamako, confirme le risque de contagion du conflit malien aux pays de la région, par islamistes interposés. Mais en l’occurrence, plus par procuration que par exportation.
Les assaillants du site pétrolier situé au centre-est de l’Algérie et exploité par le britannique BP, le norvégien Statoil et l’algérien Sonatrach ne sont pas des extrémistes ayant fui les combats au Mali. La distance entre le front malien et le théâtre de la prise d’otages (en milliers de kilomètres de sol désertique) et le dispositif militaire de surveillance du sud de l’Algérie démentent l’hypothèse d’islamistes venus du Mali. Des autorités locales privilégiaient jeudi matin la piste d’extrémistes locaux, issus de la région algérienne d’Illizi, voisine d’In Amenas.
L’appartenance présumée des ravisseurs au groupe de Mokhtar Belmokhtar, « Ceux qui signent de leur sang », conforte ce scenario. Belmokhtar s’est distancié fin 2012 d’Al Qaeda au Maghreb islamique (AQMI), dont il fut un chef, en créant sa propre unité combattante (katiba). Car s’ils justifient effectivement leur attaque par la situation au Mali, les jihadistes d’In Amenas ciblent plus particulièrement dans ce conflit l’attitude de l’Algérie. Ils dénoncent la trahison du président Bouteflika qui a ouvert l’espace aérien algérien aux avions français engagés dans l’opération Serval et ils revendiquent avant tout la libération de prisonniers détenus en Algérie. Dès lors, cette opération terroriste semble avoir pour principal objectif d’affaiblir le régime d’Alger plutôt que d’interférer dans l’intervention militaire étrangère au Mali. On peut d’ailleurs se demander comment le dispositif de sécurité qui entoure généralement ce type d’infrastructures stratégiques en Algérie n’a pas été renforcé depuis le déclenchement du conflit malien et comment il a pu être déjoué par les terroristes.
Il n’empêche que la proximité des deux théâtres de confrontation, la convergence idéologique des groupes islamistes impliqués et la forte proportion d’Occidentaux parmi les otages donnent à l’attaque d’In Amenas une caisse de résonance surmultipliée. C’est sans doute un objectif qu’aurait pu rechercher Mokhtar Belmokhtar pour asseoir la crédibilité de son nouveau mouvement dans la galaxie des groupes jihadistes au Sahel.
La dénonciation directe du pouvoir algérien dans cette prise d’otages fait en outre craindre l’adoption d’une solution radicale pour la régler, par un assaut qui ne pourra être que meurtrier pour une partie des otages. Quelle qu’en soit l’issue, l’attaque d’In Amenas confirme que la France est entrée dans une période de turbulences et que ses intérêts à l’étranger sont peut-être plus menacés que ses grandes villes, malgré tout protégées par un plan Vigipirate qui a fait ses preuves.
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