Pouvoir d’achat: les syndicats promettent une « démonstration de force » lundi à Bruxelles
Les syndicats promettent une « démonstration de force » lundi à Bruxelles en faveur du pouvoir d’achat. A travers une grande manifestation dans la capitale qui risque d’affecter de nombreux secteurs, FGTB, CSC et CGSLB réclament une modification de la loi sur la norme salariale pour obtenir davantage de poids dans la négociation des salaires avec le patronat. Ils attendent quelque 70.000 personnes.
Le point de départ de la manifestation, c’est la loi de 1996 qui encadre l’évolution des salaires en Belgique. L’objectif de cette loi est de maintenir les salaires dans des marges acceptables pour ne pas compromettre la rentabilité des entreprises belges en comparaison avec les pays voisins.
Ainsi, la marge maximale pour l’évolution du coût salarial avait été fixée à 0,4% pour la période 2021-2022. Cela signifie que les salaires de tous les secteurs d’activité ne pouvaient pas augmenter de plus de 0,4% en deux ans (hors indexation).
Pour les syndicats, cette règle a fait son temps. Ils voudraient la voir sauter avant le prochain accord interprofessionnel (AIP) 2023-2024, car ils craignent une marge maximale encore plus faible.
« La même marge chez les coiffeurs que chez Pfizer »
« Il faut que tout le monde puisse vivre de son travail », note Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC. Surtout que dans certains secteurs, on manque de bras, rappelle-t-elle. « Cette loi nous empêche de négocier et nous oblige à composer avec la même marge chez les coiffeurs que chez Pfizer », résume Thierry Bodson, président de la FGTB.
« Ça ne peut plus être appliqué comme ça », embraye Olivier Valentin, secrétaire national du syndicat libéral, la CGSLB. « Nous voulons retrouver notre liberté de négociation. »
Cette liberté de négocier est d’autant plus importante dans le contexte actuel de flambée des prix. La Banque nationale de Belgique estime que l’inflation atteindra plus de 8% en Belgique en 2022.
Il est vrai que notre pays, contrairement à ses voisins, bénéficie de l’indexation automatique qui adapte les salaires au coût de la vie. Mais « l’indexation ne suffit plus », clament les syndicats.
« Il faut savoir que l’inflation est plus forte en Belgique, notamment parce que le coût de l’énergie y est plus élevé », relève Marie-Hélène Ska. « On donne toujours l’impression que la Belgique a un avantage par rapport aux autres pays. Mais en réalité, lorsqu’on prend en compte une période plus longue, il y a un rattrapage des pays voisins », ajoute Thierry Bodson. « Et n’oublions pas non plus que les prix du carburant ne sont pas pris en compte dans l’index. »
Limiter l’indexation automatique?
Lundi, la fédération patronale flamande Voka a avancé l’idée de limiter l’indexation automatique à 5% – autrement dit: un saut d’index – afin de limiter la perte concurrentielle pour les entreprises. « On est dans une économie où les salaires représentent 20% des coûts de production », répond Thierry Bodson. « Quand les patrons disent: ‘attention on va perdre notre compétitivité’, n’oublions pas cette donnée-là. »
Au-delà des négociations salariales, les revendications du front commun s’étendent au pouvoir d’achat en général. Les représentants des travailleurs veulent que le gouvernement s’empare du prix de l’énergie et ils exigent que soit revue à la hausse l’intervention des employeurs dans les frais de déplacement. Ils veulent aussi que les négociations sur l’enveloppe bien-être (budget du gouvernement pour augmenter les allocations sociales) soient découplées de l’accord interprofessionnel.
Ils auront une autre occasion de convaincre le 29 juin au parlement fédéral, où ils sont auditionnés après avoir récolté 87.390 signatures pour des « négociations libres et solidaires sur les salaires bruts ».
« Si la mobilisation est bonne, c’est parce qu’au cours de ces six derniers mois, le spectre des travailleurs qui se sentent interpellés par le pouvoir d’achat a fortement grandi », jauge Thierry Bodson.
Première manifestation d’envergure depuis le coronavirus
La manifestation nationale de lundi est la première d’envergure depuis la crise du coronavirus. Tous les secteurs d’activité pourraient être affectés, qu’ils relèvent du privé ou du public.
Une action similaire avait été organisée en septembre 2021, pendant la crise sanitaire, et avait rassemblé 7.000 personnes selon la police, et 15.000 selon les syndicats.
Le départ de la manifestation se fera à 10h depuis la gare du Nord. Pour permettre à tout le monde de rejoindre le lieu de rassemblement, huit trains supplémentaires seront affrétés par la SNCB, qui ne devrait pas être concernée par un préavis de grève.
A la Stib, le transport des métros, trams et bus pourrait en revanche être fortement perturbé.
« Tout le monde a mis les bouchées doubles pendant la période Covid », remarque Marie-Hélène Ska. « De nombreux travailleurs ont perdu une part de leur revenu. Maintenant que la situation pourrait revenir à la normale, les prix de l’énergie partent à la hausse et les salaires sont bloqués. Une partie significative de la population, qui n’a pas nécessairement une épargne, est en difficulté. »
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