Gérald Papy

Poutine superstar vs Obama affaibli

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’hôte du G20 de Saint-Pétersbourg va savourer le prestige retrouvé de la Russie. Syrie, affaire Snowden… le président russe peut même se donner le beau rôle. Mais cette conjoncture n’aura qu’un temps.

Pour Vladimir Poutine, l’heure de gloire est arrivée. Lui qui, depuis sa première accession à la présidence en 2000, n’a eu de cesse de restaurer le prestige de la Russie après le naufrage de la période Eltsine, va pouvoir savourer sa puissance retrouvée comme hôte du sommet du G20, ces jeudi et vendredi, à Saint-Pétersbourg, sa ville fétiche. L’actualité redonne en effet à la Russie un rôle central sur la scène internationale alors même que, sous l’impulsion d’un Barack Obama soucieux d’abord de régler des problèmes intérieurs, les Etats-Unis se sont peu à peu désengagés des théâtres étrangers.
Dans la confrontation caricaturale entre « les bons et les méchants » que le souvenir de la guerre froide a récemment ravivée, le président russe peut même prétendre au beau rôle. Poutine, défenseur du droit international, aux côtés de certains dirigeants occidentaux de surcroît, dans le dossier syrien parce qu’il subordonne toute action armée à une approbation du Conseil de sécurité des Nations unies. Poutine, chantre de la liberté d’expression, pour avoir soustrait aux foudres de Washington l’ancien informaticien de l’agence de renseignement NSA Edward Snowden à l’origine des révélations sur la très controversée surveillance numérique par les Etats-Unis.
Le diktat russe en Tchétchénie ayant depuis longtemps cessé de scandaliser les consciences, Il n’y a guère que la surréaliste législation proscrivant la « promotion de l’homosexualité » pour entraver aujourd’hui l’image du maître du Kremlin.
Cette position privilégiée, Vladimir Poutine la sait éphémère. C’est peut-être la raison pour laquelle il a semblé faire des concessions à son rival américain dans la phase cruciale que vit le conflit syrien. Moscou irait jusqu’à adhérer à une opération militaire contre le régime de Bachar el-Assad si les preuves de son implication dans le massacre à l’arme chimique du 21 août près de Damas étaient certifiées par l’ONU. En l’occurrence, le président russe, en fin stratège, ne prend pas beaucoup de risques tout en soignant son « image positive ». Les inspecteurs de la Commission des Nations unies sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie n’ont pas pour mandat de désigner le responsable du massacre de la Ghouta. Et toute preuve apportée par les Etats-Unis, la France ou le Royaume-Uni sera disqualifiée au nom d’une partialité présumée.
Le G20 de Saint-Pétersbourg marquera sans doute le retour de la Russie aux avant-postes de la politique internationale. Il est peu probable qu’il débouche sur des résultats concrets sur l’avenir de la Syrie. Mais, à tout le moins, il devrait permettre de réactiver cette « diplomatie de connivence » qui, selon la formule du politologue Bertrand Badie (1), permet d’arrondir les angles parce que ses acteurs, mêmes ennemis, entretiennent le sentiment d’appartenir au même club.

(1) La diplomatie de connivence, La Découverte, 281 p.

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