Theo Francken et Lorin Parys

Pourquoi Theo Francken n’est-il pas vice-président de la N-VA?

Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Samedi dernier, Theo Francken a essuyé une défaite étonnante lors de l’élection des deux vice-présidents de la N-VA. Ceux qui n’y voient qu’un changement de cap du parti vers le centre ne connaissent pas le fond de l’histoire.

Il n’a fallu qu’un tour de scrutin numérique pour que le verdict tombe. Le vice-président sortant et député flamand Lorin Parys a obtenu 121 voix des membres du conseil du parti, une voix de plus que les 120 de Valerie Van Peel. Tous deux, ils obtiennent le nombre de voix requis. Francken, qui obtient 100 votes, est numéro trois, mais son avance importante sur les outsiders que sont Anneleen Van Bossuyt (42 voix), Assita Kanko (27) et Kathleen Depoorter (16) n’avait plus d’importance.

Ce n’est pas vraiment une surprise, même si Theo Francken n’avait pas prévu les choses ainsi. L’élection ne tournait pas vraiment autour de Francken – du moins pas pour les membres votants du conseil du parti. Certes, ils savaient très bien que le monde extérieur en ferait un match « Theo va-t-il gagner ou perdre? ». Cela n’a pas empêché de nombreuses personnes de faire dépendre leur vote d’autres considérations. Les membres du conseil du parti – les N-VA qui s’occupent de leur parti 24 heures sur 24 – souhaitent surtout un bon vice-président et de leur point de vue cela signifie quelqu’un qui coopère bien avec eux. Le grand public ne connaît pas bien Lorin Parys, même si les téléspectateurs des JT reconnaîtront en lui l’homme sympathique en bleu qui se trouve souvent à côté ou derrière Bart De Wever. Ces dernières années, De Wever a laissé beaucoup de « corvées » à Parys, dont on dit qu’il a très bien travaillé avec le cadre intermédiaire de la N-VA, c’est-à-dire les électeurs du conseil du parti.

Les personnes qui connaissent un peu la cuisine interne de la N-VA, savent qu’il était quasi impossible que le conseil de parti élise deux hommes à la vice-présidence. Même s’il n’y a pas de quotas formels de genre à la N-VA, la plupart des membres votants savaient qu’il était not done d’élire deux hommes d’autant plus que les quatre autres candidats sont tous des femmes. Francken a donc couru une course où il avait peu de chance de l’emporter : pas contre Parys issu du Brabant flamand comme lui, et pas contre une femme comme Valerie Van Peel.

La question clé est donc la suivante : pourquoi Francken a-t-il pris position ? Pourquoi s’est-il aventuré dans une élection où il n’avait rien à gagner et tout à perdre? Car, après tout, il était ce qu’il est : l’un des hommes politiques les plus connus et toujours les plus populaires du pays, depuis 2019 également un champion de votes de son parti.

L’affaire Kucam

L’affaire Kucam a été le catalyseur. « C’est peu dire que cette affaire n’a fait aucun bien à Francken », voilà la réponse que l’on entend partout. Il ne s’agit pas seulement des faits eux-mêmes, mais aussi de la réputation de Francken et de sa gestion. Ce n’est évidemment pas joli, la façon dont le N-VA malinois Melican Kucam a pu arranger 326 visas humanitaires pour des chrétiens syriens via le cabinet du secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Francken – contre le paiement de nombreux pots-de-vin, comme l’a montré une enquête judiciaire. Entre-temps, il est devenu évident que le cabinet de Francken n’est pas du tout hors de cause. Francken a admis qu’il aurait dû démissionner s’il avait été encore en fonction, et Bart De Wever a reconnu que la N-VA avait été trompée par un de ses propres membres – Kucam, et non Francken. Bien sûr, ce dossier n’a pas fait du bien à la N-VA, et donc à Theo Francken non plus.

De large carrure et le crâne rasé, Francken peut paraître au grand public comme « le plus dur des durs », mais en réalité il a un comportement beaucoup plus émotionnel.

Méfiance

Francken s’est donc mis à montrer des signes de suspicion. Pendant longtemps, il a été mal à l’aise qu’une partie du parti se distancie de sa décision de quitter le gouvernement à cause du pacte de Marrakech. Pour la même raison, il ne voulait pas entendre l’explication selon laquelle la N-VA avait fait le lit du Vlaams Belang. « Sans nous, le Vlaams Belang aurait gagné beaucoup plus », voilà son interprétation du résultat des élections du 26 mai 2019.

L’affaire Kucam a sapé l’image qu’il avait de lui-même, à savoir qu’il avait les choses en main, qu’il avait été dur et clair mais aussi le plus humain possible au sein du département de l’asile et des migrations.

Cette méfiance est encore alimentée par le fait que De Wever n’a pas soutenu ouvertement la candidature de Francken. À cela s’ajoute que partout dans le monde, le débat politique change. Non pas que les migrations et la question de l’identité n’aient plus d’importance, mais la pandémie de coronavirus est désormais en tête de l’ordre du jour dans l’ensemble du monde occidental, et il en sera ainsi pendant un certain temps. En ce sens, il n’est pas illogique que les hommes politiques qui se sont profilés sur ces « vieux » thèmes prennent (ou doivent prendre) du recul – même Donald Trump en a fait l’expérience. Et que les partis qui ont utilisé le discours identitaire cherchent d’urgence d’autres angles. Pour que d’autres figures de proue les représentent. La N-VA ne se déporte pas vers la gauche, mais espère toucher un plus grand nombre de Flamands par le biais d’autres thèmes.

« C’est comme ça. Si je me présente à une élection, c’est évidemment pour gagner. Mais, cette fois, ça n’a pas fonctionné », a déclaré Francken sur les ondes de VTM. « Néanmoins, je souhaite bonne chance à Lorin et Valerie. Le parti a une tâche importante à accomplir. Nous devons bien travailler pour convaincre les gens de notre programme », a ajouté Theo Francken.

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