Pourquoi Paul Magnette passera bientôt l’examen le plus important de sa vie
Le président du PS Paul Magnette passera bientôt l’examen le plus important de sa vie politique. L’enthousiasme, dans son parti, est modéré…
Le 18 février, à Flagey, le PS lancera formellement sa campagne pour le triple scrutin du 9 juin prochain. Le vieux parti ouvrier a subi en 2019 la pire défaite depuis l’introduction du suffrage universel masculin en 1919. C’était la dernière campagne d’Elio Di Rupo en président, certains disaient celle de trop. Son successeur, attendu alors par les mêmes depuis plusieurs années, est Paul Magnette.
Il est depuis lors l’incontestable patron du PS, d’ailleurs personne ne le conteste, personne ne l’ose, certains y pensent mais chacun se tait. Les socialistes, tous, voient que les sondages ne décollent pas et le déplorent, ils observent que la dynamique politique n’est guère porteuse et s’en inquiètent, ils voient que leurs bonnes fortunes médiatiques sont terminées et le regrettent, et, surtout, ils constatent que les affaires n’en finissent plus et redoutent les prochaines.
Les baromètres de popularité montrent que celle de Paul Magnette est plutôt en déclin.
Mais aucun ne moufte. Il est beaucoup trop tôt pour ça.
Tous retiennent leur souffle et vont se jeter dans six mois de campagne fédérale, régionale et européenne, la plupart ne reprendront alors qu’une respiration avant de replonger dans une campagne communale. Paul Magnette a été réélu président du PS en mars 2023 pour un nouveau mandat de quatre ans, mais c’est le 9 juin que le professeur de l’ULB passera le plus important examen de sa vie politique.
Un examen en deux sessions.
Celle de juin devra placer son parti à un niveau supérieur à celui, lamentablement bas, de mai 2019. Et celle d’après, si l’épreuve de juin est réussie, pourrait mener le président du PS au 16 rue de la Loi, pour lequel le licencié en sciences politiques a réussi la première candidature de Belgique, avant même qu’Alexander De Croo ne confirme la sienne. En tout cas, Paul Magnette l’a répété plusieurs fois, il prendra ses responsabilités, il est candidat Premier ministre, et il semble que cette heureuse perspective individuelle se justifie d’un point de vue collectif. L’analyse, que justifient, paraît-il, des enquêtes commandées par le PS, est que le parti n’a rien à perdre à personnaliser un peu la campagne autour de son président.
Celui-ci, tête de liste socialiste au fédéral en province de Hainaut, mènera donc depuis cette position une campagne présidentielle, où le nombre de voix de préférence qu’il parviendra à récolter sera utile à maintenir les huit sièges de 2019 (le PS en avait alors perdu un par rapport à 2014), indispensables pour faire bonne figure au fédéral, et donc en deuxième session.
Et puis, l’amas de voix de préférence de Paul Magnette sera comparé au sien, comme tête de liste européenne en 2019 (120 000 voix en province de Hainaut) mais aussi à celui d’Elio Di Rupo, tête de liste fédérale dans le Hainaut en 2019 (125 000 voix de préférence), et à celui de Georges-Louis Bouchez: le président du MR est, lui aussi, candidat à la Chambre dans cette circonscription.
C’est une adversité brutale, bruyante et impitoyable, mais elle tombe bien pour Paul Magnette, pour qui le libéral montois est l’épouvantail idéal. Devant lui, il peut aisément se présenter, se poser même, en rassembleur des «cinquante nuances de gauche» face à un agent de déstabilisation, ce qui est dans l’intérêt électoral immédiat de Paul Magnette aussi bien que de Georges-Louis Bouchez. Le premier pense profiter d’être le stable champion sûr de ses forces, le second espère se renforcer à incarner l’offensif challenger.
Le débat des présidents de parti, diffusé le 16 janvier par RTL-TVi, les a tous les deux installés dans ce statut. Paul Magnette a systématiquement adressé ses attaques à Georges-Louis Bouchez tout en préservant tous les autres présidents, y compris même Raoul Hedebouw, pourtant son principal concurrent. Georges-Louis Bouchez a systématiquement formulé ses attaques contre les autres présidents, y compris son principal concurrent Maxime Prévot, en alléguant des accointances, voire une allégeance, socialistes.
Cette candidature explicite au 16 rue de la Loi, traduction d’une volonté implicite de personnalisation de la campagne socialiste, n’est pas reçue partout avec le même enthousiasme.
Parce que les enquêtes qualitatives internes par focus groups, c’est bien beau, mais les baromètres de popularité que publient les journaux montrent que, ces dernières années, celle de Paul Magnette est plutôt en déclin. Et le souvenir de la campagne de 2014, qui fut axée autour de la reconduction d’Elio Di Rupo comme Premier ministre, laisse dans certaines mémoires rouges un souvenir mitigé, de la deuxième session surtout: le PS y obtint un résultat honorable, mais se retrouva dans l’opposition fédérale.
En outre, le PS prépare, pour multiplier les démonstrations de force, beaucoup d’événements nationaux pour cette campagne, des congrès et des meetings. Ils témoignent d’une volonté d’affirmer la marque présidentielle. Mais beaucoup de candidats, dans ces week-ends critiques, préféreraient ne pas devoir quitter leur circonscription et leurs chers électeurs.
Derniers frottements pour les listes
Comme partout ailleurs, dans le Hainaut et dans les autres circonscriptions, les positions stratégiques sur les listes socialistes ont été annoncées en décembre, lors du congrès des «binômes» pour les deux premières places officiellement, pour les autres, là où c’était possible, par une parole donnée. Les principales tensions ont été évacuées à ce moment-là. Mais il reste des cas à trancher d’ici au 18 février. Les fédérations socialistes tiendront leurs congrès de listes les 16 et 17 février, juste avant, donc.
Par exemple, dans l’arrondissement de Charleroi, celui de Paul Magnette, dont Thomas Dermine sera la tête de liste régionale, devant la députée fédérale sortante Ozlem Ozen, on se bagarre encore pour la quatrième place, mais aussi pour la dernière effective et pour la première suppléance. A Bruxelles, où Ahmed Laaouej, président fédéral, entretient une relation proverbialement méfiante avec son président national, et où Rachid Madrane avait fait sensation en refusant la cinquième place régionale qui lui était offerte et en décidant de ne pas se présenter à l’électeur en juin, on ne sait toujours pas qui sera à la troisième place effective sur la liste fédérale, derrière Caroline Désir et Ridouane Chahid, et devant Philippe Close. Mais on regrette déjà d’avoir fait croire que Fadila Laanan, à qui la deuxième place européenne fut un temps promise, avait accepté de venir renforcer la liste régionale après la défection de Rachid Madrane. On savait pourtant déjà que son fils, employé au cabinet de Caroline Désir, s’était fait arrêter. Et on ne pouvait pas ignorer que, les bonnes fortunes médiatiques d’antan étant terminées, on n’allait pas tarder à multiplier les manchettes évoquant un trafic de drogue depuis le cabinet d’une ministre socialiste.
A Liège, où l’on semble se résigner, comme tous les cinq ans, à devoir renoncer à voir un principautaire occuper l’Elysette, et où l’on sait que Pierre-Yves Dermagne y est attendu dès la constitution du prochain gouvernement wallon, si les résultats le permettent, la concrétisation des listes suscite moins de tensions qu’à l’accoutumée. Mais Christie Morreale, tête de liste à la Région et vice-présidente du gouvernement wallon, a appris douloureusement que la populaire échevine liégeoise Julie Fernandez Fernandez pousserait la liste européenne d’Elio Di Rupo. Christie Morreale pensait l’avoir recrutée pour pousser sa propre liste régionale. Mais Paul Magnette, puis Elio Di Rupo, ont appelé Julie Fernandez Fernandez pour la lui chiper. Et Christie Morreale n’en a été avertie que ce samedi 27 janvier, aux vœux de la fédération liégeoise du PS, sur la scène qu’elle partageait avec son président de fédération Frédéric Daerden et son président national Paul Magnette, qui ne l’avaient pas avertie.
Le salaire du travail
Ces deux sessions d’examen, Paul Magnette les a préparées en écrivant un essai sur le travail, L’Autre Moitié du monde (La Découverte, 2024, 171 p.), mais aussi en pensant au programme de son parti, bien sûr.
Le texte à casser des trois programmes électoraux du PS est en cours de discussion en commission des résolutions, où l’on discute des innombrables amendements envoyés par les unions socialistes communales et les fédérations d’arrondissement.
Et sur cet aspect également, l’activité de l’individu est censée contribuer aux succès de son parti dans son ensemble. Rien de ce que portera ce triple programme construit collectivement ne sera, bien sûr, contradictoire avec ce que Paul Magnette a soumis personnellement à son éditeur parisien. Parce que le prestige de son dirigeant renforce la réputation de l’organisation dirigée, avance-t-on. Voir le président du PS présenter dans les médias français son livre sur le travail devra, semble-t-il, aider les militants à distribuer leurs tracts sur la justice fiscale ou le blocage des salaires, lors de leurs besogneuses séances de porte-à-porte. Cette intrication de la dynamique personnelle dans l’ouvrage collectif est, dit-on, rigoureusement étudiée. Il en va de la réussite des deux sessions de Paul Magnette. Personne ne moufte pendant son blocus. Mais en cas d’échec, dès la première session, ceux qui ne mouftent pas moufteront.
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