Pourquoi les livres sont-ils plus chers en Belgique ?
Le prix des livres édités en France est généralement 10 à 15 % plus élevé chez nous, provoquant une concurrence déloyale préjudiciable pour nos librairies. En cause, notamment : la tabelle, un mécanisme désuet et » totalement absurde « , selon un éditeur… français.
« Acheteurs de livres en librairie, nous détachons parfois, tel un réflexe de mauvaise humeur, l’étiquette autocollante qui masque le prix d’origine de l’ouvrage édité en France pour constater ébahis qu’une marge de près de 15 % existe entre les deux prix. » C’est en ces termes que 70 auteurs belges, dont Philippe Geluck et François Schuiten, ouvraient récemment une tribune relayée par la presse nationale. Leur revendication : l’abolition de la tabelle, ce système de majoration des prix qui met en danger les librairies du Royaume.
Un système désuet
Appliquée dès 1974 aux livres édités en France et importés en Belgique (soit environ 70 % du marché belge), la tabelle (aussi appelée « mark-up » – augmentation de prix) fut imaginée par les distributeurs de livres pour couvrir les frais de douane et les risques de fluctuation du taux de change entre les deux francs. Une fois converti en franc belge, le prix français d’un livre était alors 8 à 14 % supérieur. « Si nous payions à l’époque nos livres plus chers que les lecteurs français, on peut donc considérer que c’était pour une cause objective », admet Tanguy Habrand, membre du Centre d’étude du livre contemporain à l’Université de Liège.
Mais ce n’est plus le cas : avec la suppression des droits de douane au sein de l’UE (1987) et l’entrée en vigueur de l’Euro (2002), la tabelle n’a, a priori, plus de raison d’être. Pourtant, elle est toujours utilisée par trois distributeurs belges basés à Paris (et non des moindres) : Interforum Benelux, filiale d’Editis (Pocket, Nathan, Le Robert), Dilibel, filiale de Hachette (Albin Michel, Le Livre de Poche, Larousse) et Nord-Sud (Jouvence, Economica, Présence africaine).
« Rien ne justifie plus une différence de prix », juge Claude Cherki, directeur général du Seuil, un grand éditeur… français. « La tabelle est devenue totalement absurde. C’est un combat d’arrière-garde qui ne vise qu’à protéger les intérêts de filiales de grands groupes. »
« On en arrive ainsi à cet absurde paradoxe : un livre que nous avons écrit quelque part en Wallonie ou à Bruxelles se vend plus cher dans notre propre pays que dans toute ville française combien plus éloignée de Paris », s’étonnent encore les 70 auteurs. Qui ne sont pas au bout de leur peine : les éditeurs français cupides ne sont effectivement pas les seuls à compliquer la vie de nos libraires.
Le Web et les taxes
Avec l’avènement de la vente en ligne et la suprématie de firme comme Amazon, le lecteur belge peut désormais acheter un ouvrage moins cher sans bouger de chez lui, ce genre de sites pratiquant simplement le prix français, sans tabelle ni frais de port (la plupart du temps). Une aubaine pour ce dernier, évidemment. Moins pour le petit commerçant.
Enfin, la différence de TVA sur les livres contribue également à creuser l’écart entre les deux pays. Quasi identique à la vente (6 % en France contre 7 % en Belgique), le taux varie bien plus en ce qui concerne l’impression : 6 % (aussi) en France, 21 % chez nous !
Pour amortir ses coûts après avoir imprimé en Belgique, il faut dès lors écouler 4 fois plus d’exemplaires que dans l’Hexagone (à tarif similaire). Ce qui peut facilement pousser à se tourner vers les grandes surfaces, dans lesquelles la marchandise s’écoulera plus rapidement, ou à… augmenter ses prix. A.V.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici