Jan De Meulemeester
Pourquoi les Flamands sont encore loin du rêve suédois
La Flandre, et par extension le gouvernement fédéral belge, aiment se qualifier de coalition suédoise. Pas seulement à cause des couleurs du drapeau suédois, mais aussi parce que la Suède bénéficie d’une connotation très positive en Flandre : une nation prospère et un modèle économique digne d’être poursuivi.
Les politiques de la majorité flamande et fédérale aiment bien se référer à la Suède , comme à une démocratie qui réunit le meilleur des deux mondes : un état-providence égalitaire d’après-guerre récemment assaini avec succès par un cabinet de centre droit qui a privatisé là où c’était nécessaire. Cependant, après huit ans de politique libérale, les socialistes sont à nouveau au pouvoir en Suède.
La Flandre latine
D’un point de vue suédois, la société flamande est beaucoup plus latine, méridionale et archaïque que les Flamands aiment à le croire. Les politiques flamands dressent le contraste avec la Wallonie, qui en tant que région francophone rejoindrait la mentalité de l’Europe du Sud, alors qu’en Flandre, le courant majoritaire trouverait lui-même la voie vers le nord-ouest de l’Europe moderne, efficace et travaillant dur. Même si c’était le cas, la Flandre aurait encore un très long chemin à parcourir pour rejoindre la Suède.
Pour les Suédois, le Flamand incarne l’archétype de l’Européen du Sud, et ce à tous les niveaux de la société : la culture flamande culinaire, la consommation d’alcool très libérale et la façon extrêmement chaotique de conduire. Alors qu’ici une remarque légèrement sexuelle à l’égard d’un collègue est considérée comme partant d’une bonne intention, les Suédois trouvent ce genre de réflexions choquantes. Selon les normes suédoises, notre appareil économique est également assez dépassé. Deux exemples illustrent cette différence : nos rapports hommes femmes assez classiques et notre culture d’entreprise typiquement méridionale très hiérarchisée.
Sur le marché du travail suédois, l’inégalité homme femme est nettement moins importante que chez nous. Il y a presque autant de femmes que d’hommes qui travaillent et l’écart salarial est plus réduit. Globalement, les Suédois travaillent plus longtemps et moins de femmes vivent sous le seuil de pauvreté. En outre, les hommes y sont beaucoup plus stimulés à prendre leur congé parental.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, les rapports entre employeurs et employés sont beaucoup moins archaïques et polarisés que chez nous. Au niveau des entreprises, le processus de décision est décentralisé. Un ordre du patron, qui passe par tous les rangs hiérarchiques, n’y fonctionne pas. « S’il n’y a pas eu de réunion, la décision n’existe pas. On ne peut pas envoyer d’ordres par e-mail » raconte un manager suédois « parce que la femme de ménage doit également avoir pu exprimer sa pensée ». Si les décisions y sont prises plus lentement, elles sont portées par un consensus plus large, enthousiaste et efficace. Les écarts de salaire entre le management et le personnel y figurent parmi les plus réduits du monde. Les employeurs sont considérés comme responsables des troubles liés au stress de ses employés : un patron qui ne les évite pas organise mal son entreprise. Ils adoptent la devise « a happy employee is a productive employee », qui se traduit à tous les échelons.
Au niveau de l’état, il existe un consensus solide entre le travail et le capital. En Belgique, les employeurs aiment bien se référer au syndicat suédois qui a contribué à élaborer l’assainissement des pensions. Cependant, le patronat y est moins éloigné des syndicats. Il y a très peu de jours de grève, car une grève signifie en premier lieu que leader d’entreprise ou le politique concerné a échoué.
Les Suédois veulent plus d’impôts
Les véritables Scandinaves s’étonnent de notre comparaison politique de la Rue de la Loi avec leur Riksdag à Stockholm: pas seulement à cause de notre style non suédois, mais encore davantage parce que le gouvernement suédois de centre-droit a été lourdement sanctionnée en septembre. Les sociaux-démocrates, qui pouvaient montrer patte blanche après huit ans d’opposition, se sont insurgés contre l’aggravation de l’inégalité sociale, les mauvais résultats scolaires obtenus par les jeunes Suédois, les scandales spectaculaires provoqués par la privatisation des soins, la croissance de la pauvreté relative et les tensions interculturelles sources de violentes rixes. De plus, l’assainissement économique censé apporter de nouveaux jobs n’a créé aucun nouvel emploi.
La situation a tellement dégénéré que de nombreuses voix se sont élevées en faveur d’une augmentation des dépenses du gouvernement. Même certains politiques de droite ont promis d’augmenter les impôts. Le ministre des Finances et le ministre du Travail ont tous deux admis que leur politique du marché de l’emploi avait échoué. Ainsi, il était déjà certain avant les élections qu’après huit ans de gouvernement de centre droit, les libéraux du premier ministre Fredrik Reinfeldt seraient relégués dans l’opposition.
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