Pourquoi les contrats d’électricité « 100% verte » ne sont pas toujours aussi verts que vous le pensez
Face à la nécessité de produire de l’énergie issue de sources renouvelables, les fournisseurs proposent de nombreux contrats d’électricité « 100% verte », généralement un peu plus chers que les offres grises. Mais une formule verte n’est pas l’autre.
La galaxie des contrats d’électricité «100% verte » ferait un bon remake du sketch des Inconnus sur la différence entre le bon et le mauvais chasseur : « Le mauvais contrat, bon bah, c’est celui qui vend du vert, il voit une éolienne qui bouge, il rachète. Le bon contrat, c’est celui qui vend du vert, il voit une éolienne qui bouge, il rachète, mais c’est un bon contrat, quoi. » A première vue en effet, les offres garanties 100% vertes se ressemblent toutes. Les fournisseurs communiquent abondamment sur la diminution des émissions de CO2 qu’elles induisent, sur les bienfaits qu’un tel choix suscite pour la filière renouvelable, sur le rôle à jouer du petit consommateur.
À tant en vanter les vertus, ils pourraient donner l’impression que le client optant pour une telle formule ne consomme chez lui que de l’électricité produite à partir de sources vertes et renouvelables. Ce qui est faux : le réseau électrique ne sépare pas les kilowattheures produits par une éolienne et ceux issus de la combustion de gaz dans une centrale. Que vous optiez pour un contrat vert ou pour un contrat classique, l’électricité arrivant dans vos prises sera la même. « Une fois injecté sur le réseau, rien ne ressemble plus à un électron d’origine renouvelable qu’un électron d’origine non renouvelable, résume la Fédération belge des entreprises électriques et gazières (Febeg). Impossible de les distinguer. Chaque usagé connecté au réseau consomme donc de l’électricité mélangée. »
Les contrats d’électricité verte ne sont pas une arnaque, mais…
Faut-il pour autant en conclure que les offres 100% vertes sont une arnaque ? Non. Car il est vrai que ces dernières, quelles qu’elles soient, contribuent davantage à soutenir les investissements dans le renouvelable qu’une formule reposant en partie sur des centrales utilisant des combustibles fossiles. Les investissements nécessaires à la transition énergétique sont tels – au moins 400 milliards d’euros par an à l’échelle de l’UE d’ici à 2030, selon la Commission européenne – que tout soutien est le bienvenu.
Mais un contrat n’est pas l’autre. En tant que développeurs d’éoliennes, de grandes installations photovoltaïques ou de centrales hydroélectriques, certains fournisseurs contribuent directement à la filière renouvelable. Quand l’équilibre est parfait, ces installations produisent autant de mégawattheures (MWh) que ce que consomment leurs clients bénéficiant d’une électricité 100% verte. Si la production est supérieure à la demande, ces fournisseurs-développeurs peuvent vendre le surplus renouvelable à d’autres. Si elle ne permet pas de satisfaire les besoins de tous leurs clients verts, ils en rachètent directement à d’autres ou sur le marché.
Même sans posséder la moindre unité de production renouvelable, un fournisseur peut donc se contenter de racheter à d’autres des mégawattheures labellisés verts. Cet échange d’électricité verte repose sur les garanties d’origine (GO), un système de traçabilité qui s’applique à 25 pays européens. « Une garantie d’origine est la preuve juridique européenne qu’un mégawattheure d’électricité a été produit à partir de sources renouvelables, explique encore la Febeg. Cette garantie ne peut être utilisée qu’une seule fois. » En Belgique, quatre organismes s’assurent que les fournisseurs d’électricité verte respectent les règles : la Vreg en Flandre, Brugel en région bruxelloise, le SPW Energie en Wallonie et la CREG pour la Belgique fédérale, qui concerne l’éolien en mer du Nord.
Le prix bien trop faible des « garanties d’origine »
La règle reste la même : un fournisseur qui souhaite commercialiser du « 100 % vert » sans en produire lui-même doit acheter autant de GO que nécessaire pour couvrir la consommation totale de ses clients verts. Mais le prix de ces GO reste encore particulièrement faible. En 2022, un fournisseur ne devait débourser en moyenne que 1,33 euro pour chaque GO acquis auprès d’un producteur wallon. Soit une dépense de 4,66 euros pour couvrir la consommation d’un ménage moyen (3,5 MWh par an). « D’une manière générale, les niveaux de prix des GO observés en Belgique sont essentiellement dictés par l’abondance relative de l’offre par rapport à une faible demande au niveau européen, commente le SPW Energie, dans son rapport annuel de 2022 sur l’évolution du marché des certificats verts et des garanties d’origine. « Malheureusement, ces garanties d’origine abondantes et peu coûteuses n’incitent guère les fournisseurs à investir eux-mêmes dans leurs propres capacités de production, regrette pour sa part Test-Achats. En conséquence, le système de garanties d’origine n’a pas entraîné l’augmentation souhaitée de la production d’électricité verte. »
Parmi les contrats d’électricité « 100% verte », certains contribuent donc bien davantage que d’autres à la transition énergétique, à savoir ceux dont les fournisseurs participent à l’effort de production tout en minimisant leurs investissements dans les énergies fossiles. Il en va de même pour le caractère local ou non de l’électricité produite. Puisque les GO peuvent s’échanger entre 25 pays européens, un fournisseur belge peut couvrir une partie de la consommation de ses clients verts avec des GO provenant du fin fond de l’Europe, comme le montre ce graphique :
Entre réels bienfaits et greenwashing, comment, dès lors, s’y retrouver dans la jungle des contrats 100% verts ? C’est ce que tente d’objectiver le classement « Mon électricité verte » de Greenpeace, qui se base sur les garanties d’origine, achats, investissements et production de chaque fournisseur actif en Belgique. Le consommateur averti peut aussi obtenir les informations sur la provenance de l’électricité 100% verte (qu’elle soit géographique ou par filière) auprès de son fournisseur. Celles-ci figurent souvent sur leur site internet.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici