Pourquoi les biens rénovés séduisent à Charleroi
Le notaire Nicolas Romain évoque la timide reprise du marché immobilier carolo. Son succès auprès des jeunes acquéreurs et l’attrait croissant pour les terrains à bâtir et les garages.
On parle du renouveau de Charleroi depuis plusieurs années. La politique de grands travaux est lancée et bien entamée. Le centre commercial Rive Gauche a ouvert voici deux ans. Ressentez-vous cette effervescence sur le marché immobilier ?
Le centre-ville de Charleroi est en train de démarrer. Il a fallu le temps mais on perçoit enfin les retombées des grands investissements consentis tant par le public que par le privé. Des particuliers viennent dans nos études avec le projet d’acquérir un studio ou un petit appartement à mettre en location au centre. Cela fait cinq à dix ans que ce n’était plus arrivé.
Parce que le centre-ville était alors déserté par les investisseurs ?
Déserté non, mais il était moins attractif car surtout peuplé de locataires à problèmes. On vient d’une période difficile, où les bailleurs peinaient à trouver des locataires corrects. Les politiciens ont dit que cela allait démarrer. Cela se confirme sur le terrain. Il faut maintenant que les investisseurs particuliers embraient. Ils le font petit à petit. C’est une question de confiance, de mentalités à changer. Mais l’évolution positive est là.
Y a-t-il des quartiers plus cotés que d’autres à Charleroi ?
Contrairement à d’autres villes comme Liège ou Bruxelles, il n’y pas vraiment de quartiers bien délimités au centre-ville. Tout est relativement homogène en matière de bâti, de prix, d’attractivité. La différence se marque dans les travaux réalisés ou non jusqu’à présent. La Ville-Basse a été entièrement rénovée. Beaucoup d’immeubles ont été abattus pour faire place à du neuf, et principalement à des appartements. Il reste encore pas mal de biens anciens bien sûr, mais la plupart ont subi ou s’apprêtent à subir une rénovation en profondeur…
Diriez-vous que Charleroi est une ville jeune ?
Je vois beaucoup de jeunes acheter à Charleroi. Parfois à titre d’investissement pur, à 30-40 ans déjà. Mais ils ne sont pas originaires de Charleroi, même s’ils ne viennent pas non plus d’aussi loin que Bruxelles ou la Flandre.
Vous applaudissez le nouvel abattement. Pourtant, à la différence de Bruxelles où le » cadeau » fiscal grimpe à 21 875 euros, en Wallonie, on parle de 2 500 euros…
C’est un premier pas. Sans oublier la réduction des droits d’enregistrement à 6 % au lieu de 12,5 % si le revenu cadastral est sous la barre des 745 euros. Vous savez, les prix de vente sont bas chez nous… Un cadeau de 2 500 euros, c’est déjà ça de pris. Mais à terme, j’espère que l’on arrivera à un système similaire à celui de Bruxelles.
Certains types de biens immobiliers sont-ils plus prisés que d’autres en terre carolo ?
Les terrains à bâtir. C’est étonnant, parce qu’il n’y en a plus tellement en stock et leur prix s’en ressent, mais j’en fais vraiment l’expérience. Les garages aussi, qui se vendent encore relativement bon marché dans notre région : de l’ordre de 12 000 à 15 000 euros en moyenne en centre-ville et 6 000 à 8 000 à l’extérieur. Sinon, tout ce qui est rénové de manière générale, surtout auprès d’un public de jeunes acquéreurs. Ceux-ci sont demandeurs de biens où ils n’ont plus qu’à poser leurs meubles.
Au point de conseiller aux propriétaires de rénover avant de vendre ?
Oui, il arrive que ce soit plus intéressant de le faire si l’on veut bien vendre. Maintenant, cela dépend où est situé le bien et quel type de rénovation doit être entreprise. Si c’est juste quelques rapides travaux pour que le bien présente un peu mieux, cela ne sert à rien.
Ce sont les rénovations en profondeur qui augmentent la valeur d’un bien ?
Mettre une couche de blanc, c’est inutile. Je parle plutôt de refaire la cuisine ou la salle de bains en visant la qualité. Par rapport à l’ancienne génération, les jeunes sont beaucoup plus sensibles à un intérieur moderne et agréable. Ils sont séduits par le côté design alors que leurs parents privilégiaient le côté fonctionnel. L’exemple type est celui de la maison de personnes âgées. Les enfants la mettent en vente quand leurs parents décèdent mais la cuisine date des années 1950-1960, peut-être 1970, pareil pour la salle de bains, le carrelage, l’électricité n’est pas en ordre… Même si, en somme, la maison est habitable, elle ne trouvera pas facilement amateur, ou alors à bas prix. Pour mieux la vendre, envisager des travaux est parfois nécessaire.
Certains acquéreurs préfèrent mener les travaux eux-mêmes, à leur goût…
Soit il faut tout refaire, soit tout est refait. Il n’y a pas – plus – d’intermédiaire. Avec ceci que, dans le cas d’un bien à refaire, il y a aussi le risque que le couple se sépare en cours de chantier et que sa valeur chute drastiquement… Ils pensaient avoir au moins le prix auquel ils l’avaient acheté au départ, mais comme il n’y a plus rien, plus de cuisine, plus de salle de bains et que tout est démonté, c’est plus compliqué.
Vous voyez de plus en plus de séparations ?
Oui. C’est une tendance claire et générale. Les gens achètent et vendent deux, trois fois sur leur vie. Ils se séparent, rachètent la part de l’autre, revendent, rachètent autre chose… Ils font beaucoup plus d’opérations qu’avant dans une vie. Et de plus en plus jeunes. Quelqu’un de 40 ans a plus d’opérations immobilières à son actif aujourd’hui qu’il y a trente ou quarante ans.
Parce que les gens achètent de plus en plus jeunes ?
Oui. C’est risqué parce qu’ils n’ont parfois même pas encore vécu ensemble qu’ils achètent déjà une maison. On voit de plus en plus de séparations très rapides, un non-dû après l’achat.
Vous évoquiez le succès des terrains à bâtir. Qu’en est-il des terrains agricoles ?
C’est incroyable ! Pour vous donner une fourchette de prix, je travaille depuis sept ans et quand j’ai commencé, on vendait les terrains à 20 000 – 25 000 euros l’hectare. Or, je viens d’en vendre un à 40 000 euros l’hectare ! En sept ans de temps ! C’est de l’investissement pur. Les gens achètent parce qu’ils savent qu’en dix ans, les prix ont fortement augmenté et ils espèrent que dans dix ans cela soit aussi le cas. D’autant que cela ne leur coûte rien : le fermier occupe la terre, ils touchent un fermage – qui n’est pas démesuré, mais c’est déjà ça -, ils n’ont pas de précompte immobilier à payer, pas d’assurance-incendie, pas de charges communes, rien. C’est de l’argent avantageusement placé.
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