Pourquoi l’électorat du Vlaams Belang est populaire, mais très peu solidaire
Les électeurs du Vlaams Belang ne sont pas des entrepreneurs. Ils sont par contre hostiles à la redistribution et prônent une politique dure envers les inactifs.
La sociologie de l’électorat du Vlaams Belang est, comparativement à ses concurrents de droite sur l’échiquier flamand, moins composée d’entrepreneurs, d’indépendants, de cadres et de hauts revenus. L’enquête postélectorale réalisée depuis 1991 par l’Ispo (Instituut voor sociaal en politiek opinieonderzoek) de la KU Leuven le montre. Selon sa livraison relative aux élections de 2019, présentée dans l’ouvrage collectif De breuklijnen voorbij? (Koen Abts, Cecil Meeusen, Bart Meuleman et Marc Swyngedouw, éditions KU Leuven, 2023), seuls 22% de ses électeurs appartenaient à la catégorie des «hauts cadres et dirigeants» – proportion nettement moindre que ceux de la N-VA (42,5%), de l’Open VLD (42,9%) et du CD&V (32,1%). Et 8,1% de ses électeurs se déclaraient indépendants, une plus grosse proportion qu’à la N-VA (6%), mais moindre qu’à l’Open VLD (11%) et au CD&V (11,5%).
En 2019, 30% des électeurs du Vlaams Belang étaient des travailleurs non qualifiés.
Le Belang se caractérise surtout par son accès aux classes populaires flamandes, sans ascendance immigrée, aux revenus moins élevés, et moins diplômées: en 2019, 30% de ses électeurs étaient des travailleurs non qualifiés, et seuls 12% avaient fait des études supérieures. Symptomatiquement, ses soutiens étaient beaucoup plus syndiqués (57%) que les autres partis de droite (30% au CD&V, 23% à la N-VA, 18% à l’Open VLD). La position sociale de ses troupes semble donc éloigner le Vlaams Belang des patrons flamands. Mais leurs positions sur les questions socioéconomiques les en rapprochent. Le parti d’extrême droite rend ainsi comme un hommage pratique à Marx, qui distinguait classe en soi et classe pour soi. La classe en soi, disait Marx, est une réalité objective et matérielle. La classe pour soi est le sentiment d’appartenance qu’éprouvent, ou pas, ses membres.
Les électeurs du Vlaams Belang, s’ils s’ancrent certes objectivement dans la classe populaire, du moins dans des segments plus modestes de la population flamande, sont plutôt enclins à partager subjectivement des revendications économiques et sociales qu’on entend également très souvent dans le monde de l’entreprise. L’enquête «De Stemming», réalisée chaque année par l’UAntwerpen, montrait, en 2023, que les électeurs du Vlaams Belang disaient se préoccuper prioritairement de l’immigration, bien sûr (45% la mentionnaient spontanément). Mais leur deuxième préoccupation était le niveau des impôts (27%), avant même la criminalité (25%). Et ils sont, selon le chapitre de De breuklijnen voorbij? consacré à ces questions, les plus favorables de Flandre, avec ceux de la N-VA mais assez loin devant ceux des autres partis de droite, à une politique de renforcement des sanctions envers les chômeurs. Selon «De Stemming», et alors que les réponses ne changent pas en fonction des revenus des sondés, les sympathisants du Vlaams Belang sont même, et de très, très loin (l’électorat le plus proche, celui de la N-VA, est 1,2 point plus haut sur une échelle de 10…), les plus hostiles à l’idée de «céder une partie de leur revenu si cela permet de réduire/supprimer la pauvreté», soit au principe même de redistribution.
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