Pourquoi la réforme de l’Etat annoncée par la Vivaldi pourrait virer au cauchemar (analyse)
L’objectif du dialogue communautaire promis par la Vivaldi est double: rendre la Belgique « plus efficace » et contrecarrer les nationalistes flamands. Mais cette bonne intention pourrait accoucher d’un capharnaüm.
L’irritation des partis francophones suite à la note diffusée mercredi par la ministre CD&V de l’Intérieur pourrait être annonciatrice de jours difficiles pour la Vivaldi fédérale. En charge des Réformes institutionnelles, Annelies Verlinden proposait une modèle « 2+2 », avec un sous-statut pour Bruxelles. Ses partenaires de majorité – PS, Ecolo et MR – ont tous regretté cette sortie, qui reflète le programme communaitaire de son parti, et rappelé la ministre à l’ordre: elle s’est excusé et a précisé qu’aucun modèle n’avait a prori l’ascendant. Rideau? Sans doute pas.
L’autre ministre des Réformes institutionnelles, David Clarinval (MR), a remis le programme gouvernemental sur la table: il s’agit avant tout de consulter les citoyens, la réforme devra rendre la Belgique « plus efficace » et ce ne peut en aucun cas être un « combat communautaire ». La Vivaldi a vu le jour avec l’intention de mettre en place un « projet positif pour la Belgique » avec l’ambition de contrecarrer les intentions nationalistes flamandes en 2024. Un rappel utile.
Cette bonne intention pourrait toutefois devenir un cauchemar ou un piège, selon les points de vue, pour au moins cinq raisons.
1 Les dissensions internes
L’intention est bonne, donc, et la volonté de mener une vaste consultation de la société civile est à saluer: c’est inédit et c’est ce que prônent de nombreux constitutionnalistes depuis des années. Mais in fine, le choix restera politique et cet incident démontre qu’il sera bien malaisé de veiller à une cohésion entre les sept partis de la coalition. Les modèle varient fortement de l’un à l’autre: il y a les partisans flamands de ce « 2+2 », les supporters francophones de la « Belgique à quatre », mais encore les régionalistes favorables à la suppression de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les Belgicains soucieux de refédéraliser des compétences (la santé sera un beau cas d’école, le CD&V aurait obtenu son tranfert aux ententiés fédérées, hors mécanismes de solidarité)… Le risque est réel d’assister à un grand capharnaüm controductif. L’objectif concret, rappelons-le, serait avant tout de déterminer la liste des articles à réviser, avant le scrutin de 2024.
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2 L’absence de la N-VA
Mener un tel dialogue communautaire sans les deux premiers partis de Flandre est un fameux pari. Excluons le Vlaams Belang, parti d’extrême droite, justement bloqué par le cordon sanitaire: il reste la N-VA, dont on ne peut attendre la moindre complaisance à l’égard de cete Vivaldi qui l’a mise hors-jeu. Le parti de Bart De Wever rêvait d’un grand deal avec le PS, l’été dernier, et ne manquera pas la moindre occasion de remettre la pression sur les négociateurs flamands avec son modèle confédéral (justement dans l’optique d’une Belgique « 2+2 »). Se préparer à réformer l’Etat sans plus de 40% de l’électorat flamand, c’est une prise de risque de taille. Et c’est, aussi, une erreur car la plupart de nos dispositions constitutionnelles sont protégée par des majorités spéciales: à un moment ou à un autre, on risque bien… d’avoir besoin de la N-VA.
3 L’agenda pour 2024
La Vivaldi espère couper l’herbe sous le pied des nationalistes flamands en vue de 2024. Ce faisant, elle met toutefois la thématique à l’avant-plan et balise potentiellement l’agenda d’une élection « stop ou encore pour la Belgique ». Ce serait faire l’autruche que d’en décider autrement, peut-être, et la cacophonie de gestion constatée lors de la crise du Covid témoigne de la nécessité d’agir, c’est vrai. Faute d’un accord ambitieux, d’un projet cohérent négocier à sept, les partenaires ne risquent-ils pourtant pas de dérouler le tapis rouge pour les nationalistes, précisément, qui viendront en 2024 avec leurs idées simples? L’inverse pourrait être vrai: minimiser le poids de la N-VA et du Vlaams Belang, mais on a vu par le passé ce qu’il en coutait parfois aux partis qui tentent de chasser sur les thématiques privilégiées d’autres partis. La N-Va se mord les doigts d’avoir fait de l’immigration sn cheval de bataille: c’est le Vlaams Belang qui en a profité.
4 Le noeud bruxellois
Dans ce débat institutionnel, une réalité plus que les autres risque de venir envenimer les échanges: le fait bruxellois. Depuis une quinzaine d’années, certainement, la Région bruxelloise s’est affirmée de plus en plus comme une Région à part entière, avec une identité forte et un projet urbain très spécifique. Les partis bruxellois, tant francophones que flamands, se sont d’ailleurs éloignés de plus en plus de leur maison-mère. D’où cette volonté de mettre en place une « Belgique à quatre Régions ». Mais la capitale est aussi le dernier noeud de la Belgique, le dernier lien avant séparation, bien plus que la dette ou la monarchie: autrement dit, elle représente un bien précieux pour tous. La place de Bruxelles sera au coeur des tensions ces prochaines années, c’est ce que « l’incident Verlinden » illustre, une nouvelle fois.
5 La complexité belge
Last but not least, la volonté de rendre la Belgique « plus efficace » est un objectif partagé par tous. Seuls les spéaratistes convaincus désirent démontrer son incapacité à fonctionner. Mais au fil des années et des réformes de l’Etat, la « tuyauterie belge » est devenue à ce point complexe qu’il est parfois difficile de s’y retrouver ou de mettre en place des réformes efficientes. Pour bien faire, et de nombreux experts plaient en ce sens, c’est d’un ‘reset » dont la Belgique aurait besoin, d’un nouveau dessin à partir d’un page blanche. L’ambition politique pourra-t-elle être celle-là? Peut-on demander aux responsables politiques de lâcher prise au sujet d’un « monstre » qu’ils ont eux-mêmes enfantés? Faute d’y arriver, ce processus ne risque-t-il pas à nouveau de metre le doigt sur les failels en complexifiant encore l’ensemble à coups de compromis?
Ce sont peut-être des procès d’intention. Mais cela témoigne de l’importance de l’enjeu en vue de 2024. Les nationalistes attendent la Vivaldi au tournant.
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