Pourquoi la démission de Wouter Beke n’a rien de surprenant
Jeudi soir, le ministre flamand de la Santé Wouter Beke (CD&V) a présenté sa démission. Vendredi dernier, le président du parti Joachim Coens avait lui aussi annoncé son départ après un sondage désastreux pour le CD&V. Même si le timing est inattendu, le départ de Wouter Beke n’est guère une surprise.
Entouré de membres de son cabinet, de son épouse et de sa fille vêtue d’un pull portant l’inscription Nothing to prove (Rien à prouver), Wouter Beke ne fait pas vraiment de mea culpa. Durant plusieurs minutes, il chante ses propres louanges, avant d’étriller la presse, qu’il accuse de ne pas remplir sa fonction d’entonnoir vis-à-vis des réseaux sociaux. Il indique que le sondage diffusé vendredi dernier a également joué un rôle dans sa décision. Il dit vouloir « donner de l’oxygène » à son parti.
Un problème fondamental
« Tout le monde demande sa démission depuis des mois. Pourquoi ne l’a-t-il pas présentée au président précédent (NDLR : le président sortant Joachim Coens)? Il s’est passé quelque chose ici », s’interroge le journaliste politique Ivan De Vadder sur les ondes de la VRT. Selon lui, le CD&V a peut-être compris que le sondage n’était pas le plus important, mais que toute l’analyse derrière révèle un problème fondamental pour le parti.
Pour les analystes, la démission de Wouter Beke n’est guère surprenante. Dès la formation du gouvernement flamand, le 1er octobre 2019, Wouter Beke est critiqué au sein de son parti. Sous sa présidence (2010-2019), les chrétiens-démocrates flamands obtiennent de piètres résultats et par conséquent, sa nomination au poste de ministre du Bien-être, de la Santé publique, de la Famille et de la Lutte contre la pauvreté ne fait pas que des heureux. « Une forme cynique de se servir soi-même », déclare un membre du parti à la VRT.
Trois mois plus tard, il est de nouveau sous le feu des critiques pour avoir voulu économiser sur le dispositif anti-suicide. Sous le tollé de réactions indignées, il se voit obligé de faire marche arrière.
Début 2020, la pandémie de coronavirus frappe à la porte. Les résidents de maisons de repos sont particulièrement touchés, pas seulement par le virus, mais aussi par les conséquences de la fermeture des résidences aux visites extérieures, une mesure qui n’empêche pas des milliers de vieillards condamnés à la solitude de succomber au virus.
« Nous sommes intervenus trop tard alors que nous savions très bien que les centres de soins résidentiels sont très vulnérables dans toute cette crise », déclarent plusieurs directeurs de centres de soins résidentiels à la VRT. Selon le secteur, le personnel a lui aussi été abandonné à son sort. « Il n’y avait pas de tests, mais il y avait aussi un manque d’équipement de protection. Pas de masques, de tabliers pour le personnel ou de tests. »
Décès d’un bébé dans une crèche
Le 18 février 2022, un bébé décède dans une crèche à Mariakerke. L’autopsie révèle que l’enfant, victime d’un traumatisme crânien, est décédé du syndrome du bébé secoué. Le père de la directrice est arrêté pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort. L’affaire fait grand bruit, car la crèche faisait l’objet de plaintes, de rapports et d’une surveillance accrue depuis un certain temps. Beke, responsable de la Petite enfance, est éreinté par les éditorialistes : « Wouter Beke, une fausse note historique », « Comment Wouter Beke peut-il encore être crédible? », écrivent ces derniers. Jeudi soir, il explique aux journalistes que « ce décès l’a touché plus qu’il ne voulait l’admettre au monde extérieur ».
En mars 2022, Wouter Beke se fait publiquement rappeler à l’ordre par son président Joachim Coens. Dans un entretien accordé à Humo, Wouter Beke semble prôner une limitation du congé parental aux trois premières années de vie de l’enfant, contre 12 ans actuellement. Son cabinet précise que le ministre ne souhaitait pas forcément limiter le congé parental, mais souhaitait lancer le débat. « Pour être clair, le CD&V est contre une limitation du congé parental dans le temps. En fait, nous plaidons depuis des années pour une prolongation à dix-huit ans », précise Coens dans une opinion parue dans le quotidien De Morgen.
Après l’annonce du départ de Joachim Coens vendredi dernier, les critiques à l’égard de Beke se multiplient. Pour ses détracteurs, il porte une part de responsabilité dans le sondage désastreux publié par la VRT et De Standaard. Celui-ci crédite le CD&V à 8,7%, le plaçant en dernière position des partis flamands. L’appel à la démission de Beke, afin de permettre un nouveau départ à Sammy Mahdi, pressenti comme le nouveau président du CD&V, se fait de plus en plus fort. Jeudi soir, Beke annonce finalement sa démission, sans toutefois battre de véritable mea culpa.
Le CD&V décidera lundi qui succèdera à Wouter Beke comme ministre flamand du Bien-Être et de la Santé. Le conseil du parti se réunira et donnera un « avis contraignant ». Si tout se passe bien, le nouveau ministre pourrait prêter serment mercredi au Parlement flamand.
Le ministre démissionnaire a participé vendredi matin à son dernier conseil des ministres, où il a signifié officiellement son départ. Ses compétences sont temporairement transférées à l’ensemble du gouvernement flamand jusqu’à ce que le successeur ait prêté serment. L’identité du successeur sera discutée par le « top » du parti. L’objectif est d’officiellement le nommer lors d’un conseil de parti extraordinaire convoqué lundi.
Cette instance doit, selon les statuts renouvelés du CD&V, donner un « avis contraignant », après quoi le successeur est officiellement nommé par le groupe parlementaire flamand. Si la procédure se déroule comme prévu, le successeur de Wouter Beke prêterait serment mercredi. Les spéculations à propos de l’identité du ou de la future ministre vont bon train, mais diverses sources au CD&V se sont refusées à citer des noms, car le parti est toujours en pleine concertation. Belga
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