Pourquoi Ecolo et PS se vantent de leur bilan Vivaldi, alors que le MR beaucoup moins
PS et Ecolo mettent l’accent, en cette rentrée politique, sur leur bilan, évidemment enjolivé, dans le gouvernement Vivaldi et dans les régions. Le MR se vante beaucoup moins…
Les deux partis de gauche associés à tous les niveaux de pouvoir, le PS et Ecolo, ont tenu, en vantant de leur bilan dans la Vivaldi, ces deux derniers week-ends, leurs traditionnelles activités de rentrée politique et, surtout, de cohésion interne.
Tout le PS a transhumé vers Mons pour ses universités d’été les 1er et 2 septembre, Ecolo a migré à Namur puis au domaine de Massembre pour Vert Pop et Vert Mob les 25, 26 et 27 août. Chacun à sa manière, plus verticale chez les rouges, aussi horizontale que possible chez les verts, écologistes et socialistes ont veillé à insister, lors de cette dernière rentrée avant les élections de juin, sur le bilan de leurs participations gouvernementales. Les premiers disant incarner une écologie sociale et les seconds s’affichant formellement écosocialistes, il n’est pas surprenant que les deux se prévalent plus ou moins des mêmes réalisations ministérielles.
On rappelle aux camarades de ne pas oublier leur petit kit de campagne.
Les différences de forme, elles non plus, n’étonneront pas.
A Mons, le vendredi soir, après la présentation des enjeux des prochaines élections devant une salle comble du Théâtre royal, présentation que Paul Magnette avait déjà offerte à une poignée plus restreinte de cadres en avril (Le Vif du 11 mai dernier), plusieurs centaines de cabinettards, de ministres et de parlementaires – 1 500 personnes au total des deux jours, a dit le président socialiste dans son discours final – se sont appliqués à une minutieuse praxis de ruissellement. Ils ont d’abord vidé les fûts au Manège, où était organisée la soirée dansante, close à minuit. Ils ont ensuite travaillé à gonfler le chiffre d’affaires des cafés du Marché aux herbes et de la Grand-Place, puis parce que les routes hennuyères sont piégeuses à ces heures-là, des hôtels des parages.
A Massembre, le samedi soir, après la journée de débats et de formations, avant la fort longue soirée dansante et après le match de foot entre Wallons et Bruxellois, conclu sur un partage, alors que l’an passé, la Wallonie l’avait emporté après des années d’invincibilité capitoline, on s’est un peu moqué du parti pendant le spectacle comique.
«Ce qui se dit à Massembre reste à Massembre», reçurent, une fois les brumes de vins sans sulfites dissipées, comme consigne de communication les centaines de participants (618 cadres et militants s’étaient inscrits à Vert Mob, pour un total de mille participants Vert Pop compris). Et on a reçu des dizaines de messages «ce qui se dit à Massembre reste à Massembre», alors on a promis de ne rien dire mais on peut quand même garantir que la blague du faux journal télévisé interrompu par une breaking news «selon nos informations, encore à confirmer, Georges Gilkinet aurait, le conditionnel est de mise, défendu un dossier en kern. A ce stade, la piste de l’accident est privilégiée», quelque chose comme ça, a eu un fort succès, qui témoigne d’une puissante capacité à rire de son propre embarras, tant que personne d’autre ne l’apprend.
Entre écologie sociale et écosocialisme, rouges et verts se prévalent des mêmes réalisations ministérielles.
Ce qu’on a dit de soi à Massembre
Parmi les ateliers du samedi, sur la «route indispensable» de Vert Mob, quatre séances, toutes les mêmes mais à des moments différents, étaient consacrées aux «Récit et réussites de nos participations gouvernementales». Présentées par les «interfaces», ces conseillers de la coprésidence chargés, pour chaque niveau de pouvoir, de connecter le parti et les exécutifs, les deux heures d’énumération des réalisations étaient censées galvaniser les militants. Elles devaient aussi leur permettre de partir en campagne avec des arguments.
Ceux-ci, parole de massembrien, seraient nombreux: le parti a collationné une liste de dix pages de petites et grandes mesures, du désherbage écologique des voies de chemin de fer aux 5 243 places de crèche supplémentaires. Le trimestriel Créons demain, envoyé dès juillet à tous les militants, avait préparé le terrain. Il mettait en une tous les ministres, et en manchette le slogan «Avec les Vert.e.s on avance». L’éditorial des coprésidents titrait «Depuis 4 ans, Ecolo agit pour une société + verte et + juste», et inaugurait 22 pages de bilan, rangé sous des thématiques et des dispositions pas toujours directement associées aux verts, comme la pension minimale ou le droit passerelle pour les indépendants, par exemple.
Mais cette écologie bilantaire vouée à rendre fier d’être écologiste n’a pas qu’une vocation de galvanisation interne. Elle doit irradier vers l’extérieur. C’était le ton du discours de rentrée prononcé, le 27 août au matin, devant la presse, par les coprésidents, et tous les interviewés verts insistent, depuis, sur les politiques mises en œuvre davantage que sur les propositions à concrétiser: ça sera pour plus tard.
Ce qu’on n’a pas dit de soi à Massembre
L’objectif de l’insistance, pour les verts, est de contrer ce discours, sempiternel car efficace, de leur inefficacité au gouvernement, discours qui leur causa tant de tort en 2014 et en 2003, après les expériences exécutives de 2009 et 1999. Ils veulent rester incontournables (dites «centraux», en langage écologiste), à tout le moins en Belgique francophone, alors ils ne doivent pas seulement se montrer fiers mais aussi se faire sentir utiles.
C’est pourquoi outre la catharsis du spectacle comique et des exsudations non sulfitées, des questions que se sont posées, y compris en interne, y compris explicitement, des écologistes ces derniers mois seront restées tues. Les interrogations sur la démission de Sarah Schlitz, la circonspection sur le travail de Philippe Henry au gouvernement wallon et l’action d’Alain Maron au gouvernement bruxellois, les hésitations sur le nucléaire et l’hostilité violente d’une partie de la population, tout ceci fut pudiquement ignoré lors de ce week-end de galvanisation, parce que ce qui ne se dit pas à Massembre ne fuite pas de Massembre.
Ce qu’on a dit de soi à Mons
Le 2 septembre, quand Paul Magnette conclut son discours sur une très empathique défense de Pierre-Yves Dermagne, vice-Premier ministre fédéral, et signale aux camarades acclamant que «le bar est ouvert», il leur rappelle aussi de ne pas oublier leur petit kit. A la sortie du Théâtre royal de Mons, plusieurs centaines de baluchons écosocialistes et fabriqués en Chine attendent en effet des militants invités à partir «dès aujourd’hui, non, allez, demain, en campagne», a dit le président. Dans leur besace, plusieurs dizaines d’exemplaires de trois tracts spécifiquement consacrés au bilan des participations socialistes. Titrés «Les socialistes agissent» ou «On veut tous changer le monde. Seul le PS le fait», ils impriment uniquement des sujets socio- économiques.
Avant que Paul Magnette ne jure qu’il n’aurait jamais cru, en 2019 et 2020, au moment de négocier les accords de gouvernement, que ses onze ministres auraient réalisé tout ça à la rentrée 2023, pendant un peu plus de nonante minutes l’équipe en question avait présenté son armoire à trophées, en trois mi-temps (Pierre-Yves Dermagne, Karine Lalieux et Christie Morreale sur le socioéconomique ; Elio Di Rupo, Frédéric Daerden, Thomas Dermine et Rudi Vervoort sur la relance et les investissements ; Caroline Désir, Ludivine Dedonder, Christophe Collignon et Nawal Ben Hamou sur les services publics).
Ce qu’on n’a pas dit de soi à Mons
Aucune question ne fut autorisée, ce n’était pas l’esprit, parce qu’aucun socialiste n’ignore quel grave déclin menace son parti. Le PS ne peut se distinguer du PTB par le programme, qu’ils ont tous les deux social-démocratisé, il doit donc s’en différencier par le fait qu’il l’applique. Sauf que parfois il ne l’applique pas du tout, comme quand il promet de ramener l’âge légal de la retraite à 65 ans. Sauf que parfois il a du mal à le faire appliquer à ses partenaires, comme quand le directeur de l’Institut Emile Vandervelde, mécontent de la tournure d’un conclave budgétaire fédéral, a fracassé son ordinateur sur le mur du cabinet Dermagne. Et sauf que parfois ce n’est pas autour de points de programme à appliquer ou pas, mais de mandataires qui ne rendent pas fier d’être socialiste parce qu’ils sont emprisonnés ou pas, que tourne une campagne
Outre la catharsis du spectacle comique, des questions se sont posées.
Que dira-t-on de soi au barrage de l’Eau d’Heure?
Si les partenaires francophones du MR occupent leur rentrée à se dire fiers d’être eux-mêmes à travers leur bilan, le parti du hashtag #fierdetreliberal s’emploie surtout à leur mettre la honte plutôt qu’à se prévaloir de son action. Hormis sur le nucléaire en effet, le parti de Georges-Louis Bouchez a plutôt choisi de communiquer sur ce à quoi il s’oppose, donc sur ce qu’il a empêché de se concrétiser, que sur ce qu’il est parvenu à mettre en œuvre aux divers niveaux de pouvoir. Le 9 septembre, au barrage de l’Eau d’Heure, les ateliers des Universités d’été réformatrices aborderont des constats et planteront les balises du projet pour 2024, plutôt que de tirer un bilan. Ainsi en sera-t-il aussi, semble-t-il, des deux journées parlementaires de jeudi et vendredi. Chez les libéraux, la rentrée politique laisse peu de place à la fierté des ministres et des députés sortants.
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