Claude Demelenne
Pourquoi certains intellectuels de gauche ménagent-ils le PTB ? (carte blanche)
Ces derniers mois, j’ai publié dans les pages ‘Opinions’ du Vif.be, plusieurs textes soulignant le danger que représente le PTB. C’est très mal vu dans certains milieux intellos où on pardonne tout au parti d’extrême gauche. Pourquoi tant d’aveuglement ?
Les penseurs proches de la gauche dite radicale ont un tabou absolu : on ne critique pas le PTB. La carte blanche de Manuel Abramowicz, publiée ce 21 juin dans le Vif.be (« Qui sont les réels complices de la Chine ‘communiste »?), n’échappe pas à la règle. J’ai lu et relu cette carte blanche : pas un mot, pas une seule remarque critique adressée au PTB. Comme si ce parti était intouchable. Comme s’il incarnait le Bien.
« Anti-communistes ! »
Vieille ficelle utilisée par les amis du PTB : ils traitent d’ « anti-communiste » tout qui pose un regard critique sur ce parti. Ainsi, Manuel Abramowicz cible-t-il Paul Magnette, le président du PS, et moi-même. Nous serions coupables de ne pas célébrer les vertus du communisme à la mode PTBiste. Manuel Abramowicz crucifie « la pensée manichéenne de ces nouveaux anti-communistes primaires ». Aux yeux des amis du PTB, un anti-communiste est toujours « primaire ». Il faut, en effet, être un sous-doué, à peine sorti de l’école gardienne, pour ne pas comprendre la lumineuse pertinence des thèses du parti d’extrême gauche. Des thèses qui, partout où elles ont été appliquées, ont débouché sur des désastres humains, mais sans doute n’est-ce qu’un détail de l’Histoire.
Besoin de radicalité
Je n’ai jamais compris pourquoi des intellectuels dont je partage par ailleurs certains engagements, placent systématiquement des oeillères lorsqu’il est question de l’extrême gauche. Je n’ai jamais compris pourquoi la social-démocratie est vouée aux gémonies par ces mêmes intellectuels qui ont les yeux de Chimène pour tout ce que la gauche compte de soi-disant « radicaux ». Pourquoi cette fascination pour une ‘pureté de gauche’, que j’estime dangereuse ? J’avoue ne pas détenir la réponse à cette question qui m’angoisse.
Mea culpa
Une partie des intellectuels de gauche se sont beaucoup trompé au cours du siècle passé, en encensant le communisme et ses multiples variantes, toutes plus sinistre l’une que l’autre (stalinisme, maoïsme, khmers rouges…). Trop rares sont ceux qui ont fait leur mea culpa. Rendons à César ce qui est à César : je ne vise pas ici Manuel Abramowicz qui n’a jamais témoigné d’une quelconque sympathie pour Staline et ses sbires. Ce n’est hélas pas le cas de la direction du PTB, longtemps stalinienne, qui a un lourd passé à cet égard.
J’en reviens à cette interrogation que j’adresse aux intellectuels flirtant avec la gauche de la gauche : camarades, pourquoi tant d’indulgence envers le PTB qui, s’il obtenait un jour la majorité absolue, n’aurait qu’une obsession : vous faire taire et assassiner nos libertés ? Cette fascination pour l’extrême gauche est mortifère. Vous méritez mieux. Ôtez vos oeillères. Pensez sans tabou. Vous constaterez que l’extrême gauche que vous placez sur un piédestal, ne mérite pas vos applaudissements et vos bravos, c’est le moins que l’on puise dire.
Société civile
L’incapacité du PTB à nouer des compromis – qui sont le sel de la démocratie – et à poser un regard tant soit peu critique sur la dictature chinoise, montre que ce parti ne s’est pas rénové, malgré les discours habiles de son député et porte-parole, Raoul Hedebouw.
Un dernier mot, à propos de la Chine : je partage la remarque de Manuel Abramowiz, qui pointe les échanges commerciaux juteux noués entre les ‘communistes’ chinois et « nos » capitalistes. A une nuance près : dans nos pays, la société civile se mobilise pour tenter de contraindre les acteurs économiques à ne pas faire n’importe quoi dans leurs échangent avec la Chine, et notamment ne pas importer des produits fabriqués par les Ouïghours dans des conditions carcérales ignobles. Dans le type de société que défend le PTB, la société civile n’a rien à dire. Et quand certains citoyens veulent prendre la parole, ils sont jetés en prison. C’est toute la différence entre nos démocraties – certes imparfaites – et le totalitarisme communiste.
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