Carte blanche
Pour une démocratie radicale
Notre époque est marquée par des enjeux colossaux : sociaux, climatiques, énergétiques, migratoires. Les dirigeants sont souvent perdus face à l’ampleur de ces enjeux et par la dispersion du pouvoir vers d’autres lieux qui leur échappent, comme les entreprises et les lobbys.
Les journées sont presque entièrement vouées à faire vivre une économie non viable à long terme dont une population croissante ne comprend plus le sens. Pourtant, le mode de fonctionnement de cette économie a intégré l’ensemble de nos relations humaines, y compris certains domaines comme l’enseignement. La concurrence et la compétition dominent tous les aspects de nos vies et la violence, au moins symbolique, marque de plus en plus nos rapports humains. Dans le même sillage, nos gouvernements, sans doute tétanisés par l’ampleur et la complexité des défis, ne proposent plus à la population qu’une politique de gestion sans ambition. La déception face aux promesses du système, la crainte de perdre des acquis, la nostalgie d’une époque glorieuse – mais qui, intrinsèquement, ne pouvait perdurer -, amènent la population à choisir des partis extrémistes. Nous constatons aujourd’hui, impuissants, que divers pays européens se tournent à nouveau vers des régimes forts.
Par ailleurs, nous n’avons jamais autant parlé du « bien-vivre ensemble » alors que les stigmatisations de la pauvreté, de l’origine, de la croyance sont particulièrement fortes et divisent notre société. Les mesures de « bien vivre ensemble » semblent être en porte-à-faux face à ces tendances. Il nous manque en réalité une société inclusive donnant une place au « collectif ». Notre contrat social (constitué notamment par la Constitution, le pacte social, …), base fondamentale pour construire les liens entre les membres d’une société, s’est, au fil du temps, délité. Comment construire du collectif sur les lambeaux d’un contrat social ? Il est temps d’en élaborer un nouveau, tremplin d’une nouvelle société prête à collectivement faire face aux enjeux sociétaux qui sont les nôtres.
Revoir profondément notre démocratie
Dans ce contexte, j’opte pour une démocratie radicale pour prendre en main notre avenir. Les décisions à prendre sont telles qu’il faut oser sortir des échéances électorales. Il faut décider de notre futur collectivement et de manière délibérative, et revoir en profondeur notre mode de démocratie à tous les niveaux, des quartiers au fédéral.
Actuellement, des expériences timides sont tentées dans notre pays mais sont, pour différentes raisons, peu concluantes ou de portée très réduite. L’attitude de certains politiciens – une certaine méfiance vis-à-vis du citoyen et de sa capacité à décider – ne permet pas la réussite de ces expériences. Tout récemment, le Parlement bruxellois a lancé un projet de panel citoyens. Ces citoyens, tirés au sort et encadrés par des professionnels de la participation citoyenne, se sont réunis plusieurs jours autour de la question de la mobilité à Bruxelles. Mais il est impossible aujourd’hui de poursuivre cette expérience avec une prise en considération de leurs recommandations par les parlementaires et les ministres. Ce travail est en train d’être jeté aux oubliettes.
Certains politiciens doutent de la capacité des citoyens de décider dans l’intérêt général. Il est là aussi intéressant de puiser dans l’actualité du Parlement bruxellois pour voir que ces mêmes acteurs politiques sont les premiers à prendre des décisions sur la base de leurs seuls intérêts et non pour l’intérêt général. Le vote récent au Parlement bruxellois sur l’alternance femmes-hommes sur les listes électorales est la preuve que certains parlementaires sont tellement accrochés à leurs sièges de députés qu’ils en arrivent à privilégier leur intérêt particulier.
Cette méfiance des politiciens envers les citoyens creuse plus profondément encore la
crise de confiance et nuit gravement à nos démocraties représentatives. Il faut au contraire promouvoir des projets de démocratie participative et directe. Nous devons en expérimenter différentes formes : tirage au sort, budget participatif décisionnel, droit d’initiative, parlement mixte, audit budgétaire par les citoyens, consultation populaire … Inspirons-nous d’autres régions et pays qui ont choisi cette voie. Testons-les, analysons-les, améliorons-les et recommençons. Des mesures doivent être prises pour soutenir la participation des citoyens à ces expériences démocratiques, notamment en leur donnant du temps. Pourquoi ne pas promouvoir la réduction collective du temps de travail afin de permettre aux citoyens de construire le « collectif » ? La question démocratique, on le voit, peut changer en profondeur notre société.
Usons d’arguments et délibérons pour faire face aux défis de notre société, et pour (re)créer du lien entre les gens. J’en appelle aux citoyens, aux associations et aux mandataires politiques qui, comme moi, sont interpellés par les carences du système démocratique actuel pour le changer en profondeur.
Magali Plovie, Députée Ecolo au Parlement de la Région bruxelloise
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